La sainteté sanitaire

Sous forme de boutade, qu’aurait dit Jésus aujourd’hui avec tous nos lavages de mains ? La vie chrétienne ne se vit pas en circuit fermé, comme dans un bocal, assurée d’une sainte pureté enracinée dans des pratiques sécurisantes… Nous vivons en plein vent, et la sainteté est le fruit de l’oeuvre du Saint Esprit en nous, à conditions que nous nous y livrions jour après jour dans la prière silencieuse, la méditation de l’Écriture, l’accueil des sacrements…

Paroles du pape François avant l’angelus

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Evangile de la liturgie d’aujourd’hui présente certains scribes et pharisiens étonnés par l’attitude de Jésus. Ils sont scandalisés parce que ses disciples prennent de la nourriture sans accomplir d’abord les ablutions rituelles traditionnelles. Ils pensent : « Cette façon de faire est contraire à la pratique religieuse » (cf. Mc 7, 2-5).

Nous aussi, nous pourrions nous demander : pourquoi Jésus et ses disciples négligent-ils ces traditions ? Au fond, ce ne sont pas de mauvaises choses, mais de bonnes habitudes rituelles, de simples lavages avant de prendre de la nourriture. Pourquoi Jésus n’y prête-t-il pas attention ? Parce que pour Lui, il est important de ramener la foi au centre. Dans l’Evangile, nous le voyons constamment : ramener la foi au centre. Et éviter un risque, qui vaut pour ces scribes comme pour nous : observer des formalités extérieures en mettant au second plan le cœur de la foi. Nous aussi souvent, nous « maquillons » notre âme. La formalité extérieure et non le cœur de la foi : c’est un risque. C’est le risque d’une religiosité de l’apparence : paraître bon à l’extérieur, en négligeant de purifier le cœur. Il y a toujours la tentation de « contenter Dieu » par une dévotion extérieure, mais Jésus ne se contente pas de ce culte. Jésus ne veut pas de choses extérieures, il veut une foi qui touche le cœur.

En effet, immédiatement après, il rappelle la foule pour lui dire une grande vérité : « Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller » (v. 15). Au contraire, c’est « du dedans, du cœur » (v. 21) que naissent les choses mauvaises. Ces paroles sont révolutionnaires, car dans la mentalité de l’époque, on pensait que certains aliments ou contacts extérieurs rendaient impurs. Jésus renverse la perspective : ce n’est pas ce qui vient de l’extérieur qui est mauvais, mais ce qui naît de l’intérieur.

Chers frères et sœurs, cela nous concerne nous aussi. Souvent, nous pensons que le mal provient surtout de l’extérieur : des comportements des autres, de ceux qui pensent du mal de nous, de la société. Combien de fois accusons-nous les autres, la société, le monde, pour tout ce qui nous arrive ! C’est toujours la faute des « autres » : c’est la faute des gens, des gouvernants, de la malchance, et ainsi de suite. Il semble que les problèmes arrivent toujours de l’extérieur, et nous passons notre temps à distribuer des blâmes, mais passer le temps à blâmer les autres, c’est perdre du temps. On se met en colère, on devient amer et on éloigne Dieu de son cœur.  Comme ces personnes de l’Evangile, qui se plaignent, se scandalisent, sont polémiques et n’accueillent pas Jésus. On ne peut être vraiment religieux en se plaignant : les plaintes empoisonnent, conduisent à la colère, au ressentiment et à la tristesse, celle du cœur, qui ferme les portes à Dieu.

Demandons aujourd’hui au Seigneur de nous libérer de cette façon de blâmer les autres — comme les enfants : « Non, ce n’est pas moi ! C’est l’autre, c’est l’autre… » —. Demandons dans la prière la grâce de ne pas perdre de temps à polluer le monde avec des plaintes, car ce n’est pas chrétien. Au contraire, Jésus nous invite à regarder la vie et le monde depuis notre cœur. Si nous regardons en nous, nous trouverons presque tout ce que nous détestons à l’extérieur. Et si nous demandons avec sincérité à Dieu de purifier notre cœur, c’est alors que nous commencerons à rendre le monde plus pur. Parce qu’il existe un moyen infaillible de vaincre le mal : commencer par le vaincre en soi. Quand on demandait aux premiers Pères de l’Eglise, aux moines : « Quel est le chemin de la sainteté ? Par où dois-je commencer ? », ils répondaient que le premier pas consistait à s’accuser soi-même : accuse-toi toi-même. Nous accuser nous-mêmes. Combien d’entre nous, dans la journée, ou à un moment de la semaine, sont-ils capables de s’accuser eux-mêmes ? « Oui, celui-ci m’a fait cela, cet autre… un acte barbare ». Mais moi ? Moi je fais la même chose, ou encore moi je fais cela… C’est une sagesse : apprendre à s’accuser. Essayez de le faire, cela vous fera du bien. Cela me fait du bien à moi, quand je réussis à le faire, mais cela fait du bien, cela fera du bien à tous.

Que la Vierge Marie, qui a changé l’histoire à travers la pureté de son cœur, nous aide à purifier le nôtre, en surmontant avant tout le vice de blâmer les autres et de se plaindre de tout.