La Toussaint

De Pâques à Toussaint, en passant par l’Ascension, la Transfiguration, l’Assomption de Marie, nous ne cessons de célébrer la gloire divine qui nous est partagée en Jésus. Nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu’il est. La fête de tous les saints est orientée vers la célébration de la Jérusalem céleste, la Cité d’en haut vers laquelle « nous hâtons le pas »…

Traduction du commentaire de l’Evangile

Chers frères et sœurs, bonjour ! Aujourd’hui, nous célébrons la Toussaint et dans la liturgie résonne le message « programmatique » de Jésus : les Béatitudes (cf. Mt 5, 1-12a). Elles nous montrent le chemin qui mène au Royaume de Dieu et au bonheur : le chemin de l’humilité, de la compassion, de la douceur, de la justice et de la paix. Être saint, c’est marcher sur ce chemin. Attardons-nous maintenant à deux aspects de ce style de vie, deux aspects propres à ce style de vide de sainteté : la joie et la prophétie.

La joie. Jésus commence par le mot « Bienheureux » (Mt 5, 3). C’est l’annonce principale, celle d’un bonheur sans précédent. La béatitude, la sainteté n’est pas un programme de vie fait uniquement d’efforts et de renoncements, mais c’est avant tout la joyeuse découverte d’être des enfants aimés de Dieu. Et cela te remplit de joie. Ce n’est pas une conquête humaine, c’est un don que nous recevons : nous sommes saints parce que Dieu, qui est le Saint, vient habiter notre vie. C’est pour cela que nous sommes bienheureux ! La joie du chrétien n’est donc pas l’émotion d’un instant ou un simple optimisme humain, mais la certitude de pouvoir affronter toute situation sous le regard aimant de Dieu, avec le courage et la force qui viennent de lui. Même au milieu de nombreuses tribulations, les saints ont connu cette joie et ils en ont été les témoins. Sans joie, la foi devient un exercice rigoureux et oppressant, et on risque de tomber malade de tristesse. Retenons ces paroles: tomber malade de tristesse. Un Père du désert disait que la tristesse est « un ver du cœur », qui ronge la vie (cf. Evagre le Pontique, Les huit esprits de malice, XI). Demandons-nous ceci : sommes-nous des chrétiens joyeux ? Répandons-nous la joie ou sommes-nous des gens éteints, tristes avec un visage funèbre ? Souvenons-nous : il n’y a pas de sainteté sans joie !

Le deuxième aspect : la prophétie. Les Béatitudes s’adressent aux pauvres, aux affligés, aux affamés de justice. C’est un message à contre-courant. En fait, le monde dit que pour avoir le bonheur, vous devez être riche, puissant, toujours jeune et fort, jouir de la notoriété et du succès. Jésus renverse ces critères et fait une annonce prophétique – voilà la dimension prophétique de la sainteté – : la vraie plénitude de vie s’obtient en suivant Jésus, en mettant sa Parole en pratique. Et cela signifie une autre pauvreté, c’est-à-dire être pauvre intérieurement, se vider de soi-même pour faire de la place à Dieu. Celui qui se croit riche, gagnant et en sécurité, fonde tout sur lui-même et il se ferme à Dieu et à ses frères. Tandis que celui qui se sait pauvre et de ne pas se suffire à  lui-même reste ouvert à Dieu et au prochain.

Et il trouve la joie. Les Béatitudes sont donc la prophétie d’une nouvelle humanité, d’une nouvelle manière de vivre : se faire petit et avoir confiance en Dieu, au lieu dominer les autres ; être doux, au lieu d’essayer de s’imposer ; pratiquer la miséricorde, plutôt que de ne penser qu’à soi-même ; s’engager pour la justice et la paix, au lieu de nourrir, y compris avec connivence, les injustices et les inégalités. La sainteté, c’est accueillir et mettre en pratique, avec l’aide de Dieu, cette prophétie qui révolutionne le monde.

Nous pouvons donc nous demander : est-ce que je témoigne de la prophétie de Jésus ? Est-ce que j’exprime l’esprit prophétique que j’ai reçu au baptême ? Ou est-ce que je m’adapte au confort de la vie et à ma paresse, en pensant que tout va bien si cela va bien pour moi ? Est-ce que j’apporte au monde la nouveauté joyeuse de la prophétie de Jésus dans le monde ou les plaintes habituelles pour ce qui ne va pas ? Des questions que nous nous poserons avec profit. Que la Sainte Vierge nous donne quelque chose de son esprit, cet esprit bienheureux qui magnifiait joyeusement le Seigneur, qui « renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles » (cf. Lc 1,52).