Marie fille du Peuple d’Israël

Un article du P. David Neuhauss, s.j., Jérusalem, dans la revue FOI n° 27, déc. 2010
Pour comprendre Marie comme fille d’Israël, nous devons comprendre qui est Israël, et quelle est sa vocation, ce qui a toujours été un combat pour l’Église, un combat dans l’histoire de l’humanité. C’est le problème du peuple de Babel : ils ne veulent pas de parent. Un parent révèle nos origines. Et nous n’aimons pas admettre nos origines, parce que quelque part cela nous limite, nous rend dépendants. Nous ne sommes pas le début de tout. Donc, à ce niveau, pour comprendre Marie comme fille d’Israël, nous devons méditer tout le temps sur l’Ancien Testament, pour comprendre comment l’Ancien Testament est la manière par laquelle Dieu nous prépare à entrer dans le Nouveau. J’aimerais m’intéresser à quatre vocations d’Israël dans l’Ancien Testament, qui je pense, révèlent une vocation de Marie.
1. Marie, Tente de la rencontre, Arche de l’alliance
Dans la première partie de l’Ancien Testament, qu’on appelle en hébreu la Torah, la Loi, la personne centrale est celle du prêtre. Et en plein cœur de la Loi d’Israël, qu’Israël a reçue sur le mont Sinaï, se trouve la construction de la tente de la rencontre.
De manière très réelle, Marie est devenue cette tente de la rencontre, dont le centre même est la Parole de Dieu. Israël, dans un sens, fait de la place « au milieu d’Israël » pour la tente, qui est le lieu de la rencontre avec Dieu. Et cette tente est transportée d’un lieu à l’autre, au fur et à mesure qu’Israël se déplace ; donc la tente est presque le cœur battant au milieu du peuple. Et à l’intérieur de cette tente, se trouve l’espace où Dieu rencontre la personne humaine.
Et dans ce sens. il y a là révélation du projet du Père : sur cette terre, nous avons une église – et c’est dans cette église que j’al été ordonné -, qui est appelée l’église de Marie, l’Arche de l’alliance. En ce sens, il y a quelque chose de très puissant dans cette image, le fait que cette construction humaine. bâtie suivant les commandements de Dieu, devienne cette personne vivante, où Dieu vient à la rencontre de la personne humaine.
2. Marie, figure du Roi d’Israël.
Si nous allons à la deuxième partie de l’Ancien Testament, que nous appelons les « livres historiques », en plein cœur, nous avons le peuple d’Israël qui cherche à mettre en pratique la parole de Dieu. Et là, la personne centrale est le roi.
Marie, dans son humilité, révèle qui le roi d’Israël est supposé être. Car selon la Loi d’Israël, le roi est très différent des rois de ce monde. La loi du roi est la suivante : le roi ne doit pas avoir trop de chevaux – en d’autres termes, ne pas s’appuyer sur une force militaire.
Il ne doit pas avoir trop d’argent pour ne pas s’appuyer sur une force financière, ni ne pas avoir trop de femmes. Par « trop de femmes », on entend : il ne devrait pas chercher à faire des alliances par le mariage, avec les rois de ce monde.
Le roi d’Israël est décrit comme assis sur son trône, et sur ce trône, il devient lui-même un trône pour la parole de Dieu. Car il est décrit comme celui qui médite la Loi du Seigneur, jour et nuit.
Nous avons ces puissantes descriptions de Marie, méditant toutes ces choses dans son cœur : la Loi, et comment la Loi agit sur sa vie. Et Marie est cette personne qui est à l’opposé des puissants rois de ce monde. Dans ce sens, elle représente aussi la figure royale, et j’insiste sur le « royal ». parce que le roi est la figure centrale de ces livres historiques.
3. Marie, image de la sagesse
Si nous allons à la troisième partie de l’Ancien Testament, nous arrivons dans ces superbes textes qui personnifient la Sagesse : Sophia. Et dans ces textes, il y a une relecture de la figure de la femme, révélée par Ève : Ève est la femme qui est séductrice, qui s’oppose à la parole. Mais dans les livres de la Sagesse, surtout si on pense au dernier chapitre du livre des Proverbes (Pr 31,10 et ss.), nous avons la révélation de la femme vertueuse, qui vit la parole de Dieu et est active dans le monde, en prenant soin du bien-être de sa famille.
Au fur et à mesure que la littérature de la sagesse se développe, cette figure devient personnifiée, « hokmah » en hébreu, « sophia » en grec. Nous avons ce superbe texte où Salomon sait ce qui lui manque.
Ce qui lui manque c’est une femme qui le conseillera. C’est la vocation de la femme dans le récit de Genèse 2 : elle sera un « ézer kenegdo » (Gn 2,18), quelqu’un qui aidera, mais aussi qui agira contre son mari stupide. Et Salomon est à la recherche de Sophia, la femme qui incarne la sagesse.
4. Marie, figure du Prophète
Pour finir, si nous nous tournons vers le livre des Prophètes, Marie, là aussi, se révèle à la lumière, doucement mais sûrement. Son visage est peu à peu révélé alors que nous comprenons que le prophète est celui qui doit écouter et être imprégné de la parole de Dieu. C’est le prophète qui doit ensuite offrir la parole de Dieu au monde. C’est une activité très féminine, que d’écouter – les hommes préfèrent généralement parler, et être des hommes d’action. Mais le prophète est appelé pour écouter et méditer, puis offrir la parole de Dieu aux autres.
Marie est révélée directement par l’Ancien Testament, par ces quatre figures centrales de médiateurs de la parole de Dieu : le prêtre, le roi, le sage – l’homme sage, ou la femme sage – et le prophète.
Au-delà, il y a quelque chose dans la vocation d’Israël qui atteint un accomplissement, une perfection en la personne de Marie. Quand Israël entend la Loi au Sinaï, Israël répond : « Na’assé venishma » : nous ferons, et nous obéirons (ou nous écouterons). Cela résonne tellement pour moi, avec les mots de Marie, quand elle reçoit la visite de l’ange : « Qu’il en soit fait pour moi selon la volonté de Dieu ». En ce sens, Marie, à un certain niveau, vit la vocation d’Israël. Marie la porte à son apogée au moment de la naissance du Messie.
FOI n° 27, décembre 2010 – Janvier – février 2011.