Marie de l’Avent

Pour chacun de nous, il y a des moments dans la vie où l’attente prend toute sa dimension d’espérance. L’attente d’un enfant… l’attente du retour d’une personne qui nous est chère… l’attente de la venue d’une personne nouvelle au travail…
Et pourtant, attente ne rime pas toujours avec joie, ou lumière… On peut attendre avec angoisse… on peut en perdre le sommeil… Il y a bien des attentes aussi qui peuvent nous sembler pénibles, usantes…

Les attentes de Marie sont multiples, elles aussi. En ce temps de l’Avent, nous ne pouvons les réduire à l’attente de la naissance de Jésus. Dans son cœur de jeune de 15 ans, Marie connaît les promesses de Dieu, et elle attendait que Dieu les réalise.

Avec l’annonce de l’ange Gabriel, voici une attente imprévue : celle de l’enfant-Dieu. Mais quelle promesse ! «Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il régnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin» (Lc 1,32). Marie déploie le chant de sa joie quelque temps plus tard chez sa cousine Élisabeth (le «magnificat»).

Les épisodes qui suivent la naissance de Jésus (la visite des bergers et des mages), puis la prophétie de Syméon, la fuite en Égypte pour un exil de plusieurs années… tout cela contribue sans doute à «remuer» Marie au plus profond d’elle-même : elle continue à s’en remettre au Père, au jour le jour, avec l’aide de Joseph. Elle attend la réalisation de la promesse…

Et puis voici le retour à Nazareth, les longues années de la croissance de l’enfant… Et, à l’âge de douze ans, un coup de tonnerre dans cette atmosphère familiale et villageoise sereine : Jésus perdu et cherché pendant trois jours. – «Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père?». – «Ils ne comprirent pas la parole qu’il venait de leur dire» (Lc 2,49-50).

Alors Marie continue à attendre. Elle apprend à ne pas comprendre. A ne plus savoir. Elle pénètre dans l’obscurité, et sa foi en ressort purifiée et grandie. Elle expérimente l’attente qui donne la paix : celle où l’on renonce à donner un contour précis à l’objet de son espérance, celle où l’on se remet à Dieu dans la confiance. Car combien d’attentes risqueraient d’être la projection de nos désirs, de nos fantasmes…

Dix-huit ans plus tard, à Cana, Marie semble à pied d’œuvre. Aux côtés de Jésus, elle pense que le temps est venu. «Ils n’ont pas de vin». Ils n’ont pas l’amour véritable, l’Esprit Saint. Elle attend que Jésus agisse pour transformer le cœur de l’homme. Et Jésus répond : «Mon heure n’est pas encore venue» (Jn 2,4). Il ne donne qu’un signe : celui de l’eau changée en un vin surabondant.

Trois ans plus tard, voici : «Debout au pied de la croix, Marie est témoin, humainement parlant, d’un total démenti des paroles de l’ange. Son Fils agonise sur ce bois comme un condamné… Comme elle est grande, comme elle est alors héroïque l’obéissance de la foi dont Marie fait preuve… Comme elle se livre à Dieu… Par une telle foi, Marie est unie parfaitement au Christ dans son dépouillement» (Jean-Paul II, Marie Mère du Rédempteur n°18). Et Jésus remet l’esprit, transmet l’Esprit… De son côté ouvert s’échappent l’eau et le sang… Terrible épreuve pour Marie, broyée de douleur…

Jésus avait dit : «Après trois jours, il ressuscitera» (Mc 8,31; 9,31; 10,34). Marie se souvient aussi de l’épisode douloureux à l’âge de douze ans : Jésus retrouvé au bout de trois jours… Alors Marie attend qu’il ressuscite. Les disciples, eux, s’enferment. Les femmes préparent les aromates pour embaumer le corps. Marie, elle, croit. En ce jour que nous appelons le samedi saint, toute la foi de l’Église est dans le cœur de Marie. Et  Jésus va se révéler, dans sa résurrection, comme le vainqueur de la mort, le détenteur du «règne qui n’aura pas de fin»… «Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde» (Mt 28,19-20).

Mais voici qu’il faut encore «attendre ce que le Père avait promis» (Ac 1,4)..  Marie est présente au milieu du groupe des cent-vingt personnes qui sont réunies au Cénacle dans l’attente de l’Esprit Saint.

Marie est témoin de la naissance de l’Église. C’est comme si elle l’avait «porté» dans sa foi… Cela fait si longtemps qu’elle attend et espère. Voici le vin nouveau, l’Esprit de Dieu répandu dans le cœur des hommes…

Au cœur de l’Église, Marie est présente comme un «témoin unique du mystère de Jésus» (JP II, R.M. n°26). Son Assomption est comme le sceau que Jésus est venu apposer sur la vie de celle qui a cru la première, et qui demeure notre modèle sur la route de la foi, de l’espérance, de l’attente…
Marie, en prière avec nous, nous redit sa parole-testament : «Tout ce qu’il te dira, fais-le». Attends-le. Crois, espère, aime. Ne te laisse pas gagner par les ténèbres. Entretiens l’huile de la lampe de ton cœur. Ne t’endors pas. Prie. Veille ! Jésus vient.

D.A.