L’oeuvre « du » Seigneur et les oeuvres « pour » le Seigneur

I. L’œuvre pour le Seigneur

Voici comment une “œuvre pour le Seigneur” s’organise habituellement dans nos vies.
1 – Étape 1 : habituellement, quand on décide de faire une bonne “œuvre pour le Seigneur”, on commence par constater, dans un milieu quelconque, qu’il y a des besoins. Supposons que dans la région ou la paroisse où je me trouve, je me rende compte que les jeunes n’ont pas suffisamment de loisirs bien organisés. Je me rends compte qu’il y a des pauvres, des chômeurs qui sont délaissés. Je me rends compte qu’il y a des adultes handicapés qui ne reçoivent pas d’aide. Alors, constatant des besoins, et des bénéficiaires éventuels, j’établis d’abord un diagnostic concernant mon désir de servir. Nous établissons notre diagnostic sur les besoins et les bénéficiaires d’une œuvre quelconque.
2 – Après cela, on se met à jongler, à y penser, à envisager quelques services que l’on pourrait rendre à ces gens-là, et on se met à faire des projets, des plans. Tout à coup, cela se précise, on a un ensemble, et là vous pouvez écrire : “NOS SOLUTIONS”. On a commencé par faire notre diagnostic, après cela on en arrive à nos solutions, à notre plan.
3° étape qui se produit habituellement : voyant qu’il y a du bien à faire, qu’on peut rendre service, on commence à vouloir organiser l’œuvre, on lui donne une constitution, on commence à trouver des collaborateurs, on s’organise pour trouver des fonds. On passe à la 3° étape que nous pourrions intituler “NOTRE ORGANISATION“. Cela se fait à peu près dans tous les domaines. C’est comme cela qu’ont commencé toutes sortes d’œuvres en Église pour les jeunes, les personnes âgées, les personnes à éduquer dans la foi…
4° étape : habituellement, on se dit : “Eh bien, toute cette œuvre, je veux l’offrir au Seigneur, je vais la faire pour le Seigneur”. Et alors – vous pouvez écrire : “C’EST POUR SA GLOIRE”, la gloire du Seigneur, sa gloire à lui. On lui offre nos intentions, on lui offre notre projet, on lui offre notre dévouement, et c’est comme cela qu’habituellement, s’établit ce qu’on appelle une “œuvre pour le Seigneur”.
Quand on fait des “œuvres pour le Seigneur” et qu’on est chrétien ou chrétienne, habituellement, on le prie, on lui demande de nous guider, et dans la mesure où vraiment on est engagé dans une communion intense avec lui et avec d’autres, le Seigneur agit. Il agit même beaucoup. Il donne des inspirations, il suscite des vocations, des gens qui nous aident à réaliser cette bonne œuvre, et par cette bonne œuvre, on va réussir parfois à susciter des conversions, des guérisons. Donc le Seigneur n’est jamais indifférent quand une œuvre lui est offerte ou que des personnes se consacrent à lui, pour faire du bien pour lui.

II. L’œuvre du Seigneur

Passons immédiatement, pour établir une comparaison assez tôt et après cela revenir de l’une à l’autre, à l’édification d’une “œuvre du Seigneur”. Qu’est-ce qui la distingue de “l’œuvre pour le Seigneur” ? Et bien, cette fois-ci, on va partir du sommet et on va aller en descendant :
1 – La première étape dans une “œuvre du Seigneur”, c’est que le Seigneur nous fait ressentir, individuellement ou à quelques-uns, son désir d’avoir recours à nous pour faire une œuvre, et Il vient solliciter NOTRE OUI. À ce moment-là, ce qui est très caractéristique, c’est qu’habituellement le Seigneur ne nous dit pas quelle œuvre il va nous faire faire. Il nous interpelle pour devenir son instrument, faire une œuvre de lui. Il nous laisse souvent en suspens, aussi longtemps qu’on n’a pas dit oui, et c’est ce que j’ai trouvé personnellement le plus douloureux.
2 – Il fonde “SON ÉQUIPE, SA PETITE COMMUNAUTÉ CHRÉTIENNE”. C’est lui qui choisit les membres, c’est lui qui les envoie, et à ce moment-là, on ne sait pas encore ce qu’il va nous demander de faire. Sa petite communauté commence à vivre communautairement, en partageant sa foi, son amour, sa prière, son pardon et son entraide. Et ce courant de charité fraternelle permet au Seigneur d’œuvrer au milieu de nous ; tout à coup, il confie à l’un, à l’autre, à l’un et l’autre, des idées, et on est frappé d’avoir à un même moment, de recevoir à l’occasion d’une même heure d’adoration, des inspirations, soit la même, soit les deux morceaux de la même idée.
3 – Là, le discernement, le partage, nous permettent de voir tout à coup apparaître la 3° étape qu’on pourrait intituler “SON SCÉNARIO”. On sent que le Seigneur est en train de nous donner quelques-uns des morceaux de son puzzle. Et Il nous les donne dans n’importe quel ordre. On peut simplement essayer de mettre ensemble ce qu’on a, pour voir si cela se complète ; et si cela ne se complète pas, il faut attendre les morceaux qui manquent : cela peut prendre le temps qu’il veut.
4 – C’est seulement après cela qu’on arrive à la 4° et dernière étape. Il commence à nous envoyer “SES BÉNÉFICIAIRES”, ceux et celles que le Seigneur veut rejoindre par son œuvre, donc ses envoyés à lui. Ce qui est frappant dans “l’œuvre du Seigneur”, c ‘est que ses envoyés (les bénéficiaires qu’il nous envoie) entrant en contact avec nous, cela produit toujours un aller et retour. On sent qu’il nous les envoie pour leur donner quelque chose et on constate, à tout coup, que ces gens-là viennent nous porter quelque chose. Il y a un troc, un échange aller et retour qui est vraiment frappant quelle que soit la personne qu’Il nous envoie.
Le point le plus important, c’est l’étape 2 de “l’œuvre du Seigneur” : la constitution de l’équipe. Son équipe devient le noyau de son œuvre et quand on pense à la richesse d’un noyau qu’on met en terre, toute la vie est là, l’avenir est là, la force de croissance est là ! Dans “l’œuvre du Seigneur”, sa lumière est là, et c’est dans la mesure où son équipe, sa petite communauté vit vraiment une vie communautaire chrétienne incomparable que la puissance du Seigneur se développe, que son scénario devient clair, que le discernement de ses bénéficiaires devient tout à fait évident.
Pour quelques-uns c’est peut-être synonyme d’oisiveté que de dire au Seigneur : on ne bouge plus, on attend tes ordres. Au contraire, on découvre que le Seigneur nous utilise et nous rend à cent pour cent utiles pour son Règne. Quand on accepte de donner son oui, qu’il bâtit son noyau – cette petite communauté – et qu’on attend ses directives, son scénario et ses bénéficiaires, on sent que dans notre vie, il n’y a plus de démarche inutile, il n’y a plus aucune perte de temps ou d’effort, aucun délai inutilisé, tout fonctionne d’une façon extraordinaire parce que c’est lui qui commande, c’est lui qui agit, qui guide.
C’est comme cela qu’il a bâti son Église. Son Église, c’est “l’œuvre du Seigneur” à cent pour cent, mais à travers les siècles, nous, les humains, voulant bien faire avec les meilleures intentions, nous nous sommes approprié “l’œuvre du Seigneur” qu’est l’Église, et tranquillement, nous l’avons fait passer dans la colonne de gauche. Nous en avons fait une “œuvre pour le Seigneur”. C’est pour cela que l’Église ne donne pas toujours ce qu’elle devrait en fait de renouveau ou de stabilité dans le monde d’aujourd’hui, parce qu’elle est entre nos mains, si bonnes que soient nos intentions.
Remarquons ceci : à gauche, aux étages un, deux et trois, cela s’appelle : notre diagnostic, nos solutions, notre orchestration ; donc c’est vraiment notre affaire, et on termine en Lui disant : c’est pour ta Gloire Seigneur. Cela signifie que toute l’initiative, le dynamisme, la planification, tout cela sort de nous et monte vers lui. Alors que dans la colonne de droite, c’est l’inverse : il n’y a qu’au premier étage, en haut, que l’on peut lire notre participation. C’est notre oui qui est sollicité et tout le reste 2, 3 et 4 en descendant, c’est son équipe, son scénario, ses bénéficiaires. Donc, tout ce qui nous est demandé comme participation dans “l’œuvre du Seigneur”, c’est un oui libre, qui ne nous force pas, et quand on a donné ce oui, tout, tout le reste, se met en place, à sa manière, dans ses délais. C’est son “planning”, c’est son “timing” (pour prendre deux mots anglais), et nous n’avons qu’à nous mettre en disponibilité instrumentale et exécuter ce qu’Il nous demande de faire.

III. Les différences en faveur de l’œuvre du Seigneur

1. Comme entre une rampe de lancement et une piste d’atterrissage.
Dans le cas de “l’œuvre pour le Seigneur”, on a absolument le modèle d’une rampe de lancement. On part d’en bas, ce qui nous permet de nous lancer vers le Seigneur, de travailler pour sa Gloire. Tandis que dans “l’œuvre du Seigneur”, ce qu’Il nous propose, c’est de lui donner une piste d’atterrissage. Dès qu’on lui dit “oui, je te donne la piste d’atterrissage en moi”, il fonde sa communauté : la piste est communautaire. Il descend avec la vitesse, la puissance, les délais qu’il juge bons, ce n’est plus notre affaire. Dans “l’œuvre pour le Seigneur” – comme c’est une rampe de lancement – il arrive, dans ces œuvres, qu’on soit accaparé par l’étage un, deux, trois ; par nos activités, par les besoins, par la structure, par la recherche d’argent. Il arrive souvent, dans les œuvres qui ont été fondées pour le Seigneur, qu’insensiblement ce ne soit plus pour le Seigneur. On n’a pas le temps de se rendre à la 4° étape. L’œuvre d’Église (…) souffre d’anémie spirituelle et se sclérose. On passe son temps à se dire : “maintenant on va pouvoir se donner un peu de temps pour s’organiser, se structurer, se mettre en marche, et puis après cela, on va assurer la formation spirituelle des membres”. Comme on n’a pas le temps, on remet cela, on ne s’en occupe pas, et les activités prennent le dessus.
2. Les efforts et les résultats sont inversés.
Dans les “œuvres pour le Seigneur”, on fait des efforts immenses pour des résultats moindres, quelquefois même décevants. Alors que dans les “œuvres du Seigneur”, c’est l’inverse. Il nous demande de faire des efforts pas plus gros que cela. Il nous demande des choses très simples, et tout à coup, quand on lui a obéi, quand on a fait exactement rien de plus, rien de moins que ce qu’Il nous demande, il produit, lui, le Seigneur, des résultats gros comme cela, c’est merveilleux à voir ! On n’est pas essoufflé, on n’est pas désemparé, c’est le Seigneur qui multiplie par sa puissance et sa bonté les petits efforts qu’il nous a demandés. Avec de petits efforts, le Seigneur produit des résultats fantastiques.
Quand on fait des “œuvres pour le Seigneur”, on a besoin de mesurer au fur et à mesure la rentabilité de ses efforts. Dans le cadre de «l’oeuvre du Seigneur», on ne mesure plus, tellement on est sûr que lui a prévu de donner une grande rentabilité. Au début, tant que l’on n’a pas compris cela et accepté cette différence-là, c’est un peu douloureux . On a l’impression de pédaler dans le vide, on pense que l’embrayage ne se fait pas. À un certain moment, on est à ce point détaché que l’on est sûr, sûr du résultat ; cela ne nous intéresse pas outre mesure de le voir. Mais Dieu, dans sa générosité, sa gratuité habituelle, s’arrange toujours pour, nous faire envoyer une petite lettre, permettre à quelqu’un de donner un témoignage, et là, on découvre dans le rétroviseur, que des bienfaits se sont produits.
3. On dépense beaucoup moins d’énergie.
Lorsque l’on fait des tests d’effort chez un cardiologue ou à l‘hôpital, on nous fait marcher sur un tapis roulant et là on sonde les réactions du cœur. Le tapis roulant va en sens inverse de nous, il faut marcher, ne pas cesser de marcher, parce que le tapis nous emporterait en arrière. Ils accélèrent le tapis roulant et il faut marcher plus vite et plus vite… C’est le symbole des “œuvres pour le Seigneur”.
Mais il y a un autre type de tapis roulant, celui qu’il y a à l’aéroport ou sur la ligne 4 du métro parisien : on monte sur un long tapis roulant, un trottoir roulant qui s’en va dans la même direction que nous. Alors on peut déposer sa valise et rester tranquille, le trottoir nous conduit à l’autre bout du corridor. Mieux, on peut continuer à marcher à grands pas : avec la vitesse du trottoir roulant, on arrive très rapidement à l‘autre bout. Cela est l’image de “l’œuvre du Seigneur”.
Quand on a dit “oui” au Seigneur pour qu’il fasse son œuvre en nous, on est déjà en marche . On avance, on est utile au Seigneur, même s’il ne nous utilise pas pendant une période de temps. On lui a donné un “oui “, et là, il nous conduit, il nous sanctifie, il nous prépare à ce qu’il va nous demander un jour.
4. On laisse le Seigneur s’en occuper.
Une autre distinction que l’on peut expérimenter, c’est que dans les “œuvres pour le Seigneur”, il faut frapper aux portes, parfois insister pour qu‘elles s’ouvrent, afin de réaliser nos projets. Il faut se démener pour trouver de l’argent, pour convaincre ses collaborateurs de continuer, il faut faire des démarches ici ou là. (…). Dans “l’œuvre du Seigneur”, c‘est le contraire, c’est facile : il s’occupe de son œuvre et tout nous tombe dans les mains. (…) Les portes s’ouvrent, des gens viennent à nous. Il inspire à des gens de nous faire des dons. On dit : “Seigneur, tu sais, on a besoin de telle chose, qu’est-ce que tu en penses ?, il nous faudrait telle somme”. Et tout à coup quelqu’un nous arrive avec le montant. Cela vient de lui et ça nous arrive comme cela “tout cuit.”
“L’œuvre du Seigneur”, c’est son Souffle qui l’anime, tandis que les “œuvres pour le Seigneur”, c’est nous qui devons les animer de notre souffle pour les maintenir en bonne santé. La promotion, le marketing, c’est la même chose. Dans les “œuvres pour le Seigneur”, il faut continuellement faire de la promotion, nous faire connaître, faire connaître l’œuvre, aller chercher des donateurs, des bienfaiteurs, des collaborateurs, et toujours activer le mouvement…
5. On laisse le Seigneur défendre son œuvre.
C’est la même chose en ce qui concerne les attaques : dans les “œuvres pour le Seigneur”, on est attaqué et il faut se défendre. Dans les “œuvres du Seigneur”, on est attaqué également – le Malin n’aime pas cela – mais c’est lui qui défend son œuvre. Et chaque fois qu’il nous arrive une contrariété ou une déception quelconque, que faisons-nous ? On va près du St Sacrement et on dit au Seigneur : “Tu sais qu’en tel milieu, on ne comprend pas, dans tel milieu, on nous fait telle difficulté, mais c’est ton oeuvre et on te laisse la défendre”. Et cela rejoint très bien la promesse qu’il avait faite . On la retrouve dans Luc 21,15 : “Moi-même je vous inspirerai un langage, une sagesse auxquels tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance, ni contradiction”. La Bible est remplie de ces faits : c’est l’exemple des Égyptiens qui poursuivent Israël en fuite et cette histoire des ennemis qui se sont entre-tués en voulant combattre les amis du Seigneur. Il prend vraiment à cœur la défense de Son œuvre. C’est une tension, une fatigue de moins pour nous.
6. On ne mesure plus l’utilité d’une œuvre à l’activité déployée.
Une autre chose que l’on peut découvrir, c’est que dans les “œuvres pour” le Seigneur, utilité et activité sont soudées. On entend dire : “C’est une œuvre qui n’est pas utile, elle n’est pas active”. Dans la vie, on a toujours besoin de prouver que l’on est utile en se rendant actif, tandis que dans “l’œuvre du Seigneur”, il peut aussi bien nous demander quelque chose que nous laisser six mois sans rien nous demander. Il nous enseigne que l’on continue à être éminemment utile pour lui.
Quand on parle “d’œuvre du Seigneur”, il faut vraiment apprendre à dissocier utilité et activité. Notre vie spirituelle ne trouve pas son utilité nécessairement ou uniquement dans nos activités ou nos ministères. C’est parfois même l’inverse. Et comment nous, qui sommes bien portants, en bonne santé, qui avons le logement et la nourriture, pouvons-nous essayer de convaincre des gens handicapés ou malades en leur disant que leur vie est encore utile ? Les gens qui sont blessés par la vie, qui songent à se suicider, qui se sentent incompris et rejetés, comment allons-nous les persuader que leur vie est valable même s’ils ne sont pas actifs, si nous-mêmes ne croyons pas que nous sommes utiles en priant, en méditant et en attendant Dieu ? Ces deux dernières occupations ne sont pas à dissocier de l’activité comme telle.
Donc, quand toute sa vie on n’a fait que du “pour”, des œuvres “pour”, et qu’on s’est habitué à toujours trouver son utilité dans des activités, quand arrivent la maladie et la retraite qui nous coupent tout d’un coup de toute activité, on se trouve du jour au lendemain pris de court, et on pense que sa vie n’a plus d’utilité parce qu’on est devenu inactif. Alors, il faut vraiment se convaincre qu’utilité et activité ne sont pas liées.

IV. La conversion nécessaire

1. Apprendre à attendre
Il ne faut pas se faire d’illusions, “l’œuvre du Seigneur”, c’est très, très exigeant. Cette attitude “attendons les directives”, c’est quelque chose à quoi nous ne sommes pas habitués, dans le domaine des œuvres de Dieu. Et souvent ses ordres ne paraissent pas venir rapidement. Il donne même l’impression d’être en retard. On pense que la situation est en train de se gâter : que fait le Seigneur ? Il ne nous demande pourtant pas de ne rien faire.
2. Marcher dans l’inconnu
Tout à coup on découvre qu’il ne nous demande pas à nous, mais qu’il demande à d’autres qui, eux, sont en train de faire quelque chose. On voit cela après coup. Au début, cela n’est pas facile. Lorsque l’on entre dans l’expérience des “œuvres du Seigneur”, on entend souvent dire : “J’ai l’impression de plonger dans le vide”. Et on ne peut pas dire que c’est faux ! On marche, au service du Seigneur, dans l’inconnu des activités à faire, des délais, des procédés, des résultats. On connaît donc cette impression de vide au début. Mais, après quelque temps, apparaît de plus en plus le plein, la plénitude de notre vie. Peut-être ira-t-on jusqu’à découvrir que ce que l’on appelait notre plein autrefois, c’est lui qui était vraiment vide, on tournait dans le vide alors que l’on croyait sa vie pleine. Autrefois, on faisait un tas d’affaires, on brassait des affaires. Mais quand on se met vraiment à s’abandonner au Seigneur pour être son instrument et le laisser agir en nous, on se sent tout à fait dans son affaire, son Règne.
3. Lui abandonner les résultats.
Cela révolutionne toute notre comptabilité apostolique habituelle. Il faut en effet se dépouiller de cette manie que nous avons d’évaluer les bonnes œuvres par la quantité des gens qui sont présents aux réunions, par la vue des résultats, des effets constatés immédiatement, par la rapidité de ce qui semble sortir de terre, par l’enthousiasme des gens qui applaudissent et qui ont l’air convertis pour de bon, par les compliments et par les réactions des personnes concernées.
Il faut, au contraire dans “l’œuvre du Seigneur”, après avoir joué tout son rôle de la bonne façon, s’en remettre à lui à 100 %, être sûr qu’il y aura des résultats, des grands résultats. Il y aura les résultats que lui veut, quand il veut, comme il veut, chez ceux et celles qu’il a choisis. Cela peut être une personne, cela peut être 20 personnes, 30 ou 100. On s’est trop habitué en Église à voir grand, et pour cela on veut poser des gestes qui ont l’air grands, qui valent la peine, et l’inconvénient, c’est qu’alors on s’attribue le soutien et le salut des autres et qu’on minimise ce que lui peut et doit sûrement faire à travers la simple transmission, à un autre, de l’Esprit de Jésus dans nos paroles et nos gestes.
4. Être en dépendance de Dieu.
On dit que tout chrétien doit et veut faire du bien et veut faire la volonté de Dieu. On s’est rendu compte d’une chose, c’est que dans les “œuvres pour le Seigneur”, on cherche sa volonté et c’est difficile parfois de la trouver, alors que dans “l’œuvre du Seigneur”, lui-même prend l’initiative de nous la faire connaître. On n’a qu’à dire : “Seigneur fais-nous connaître ta volonté, c’est ton œuvre”. On prie et on attend, cela devient très clair. Dans “l’œuvre pour le Seigneur”, comme on désire faire du bien, il faut aller à la recherche du bien à faire. Alors que, dans “l’œuvre du Seigneur”, Il nous inspire lui-même le bien à faire . Il nous l’indique, Il nous le précise et cela devient très clair.
* Pour le recrutement.
Souvent, les “œuvres pour le Seigneur” sont obligées de se trouver de la clientèle . Dans “l’œuvre du Seigneur”, Il nous envoie sa clientèle. Là, il faut simplement discerner si c’est sa clientèle ou si c’est une clientèle qui s’amène elle-même, ou s’il s’agit de personnes qui viennent pour brouiller l’œuvre. Le Malin se charge toujours de nous envoyer des gens qui entrent dans les “œuvres du Seigneur” et amènent un esprit de discorde, un malaise.
* Pour le scénario
Dans les “œuvres du Seigneur”, lui s’en occupe, lui nous l’indique. Dans les “œuvres pour le Seigneur”, on peut facilement avoir tendance à s’en inquiéter. Là, en effet, on n’a pas sitôt terminé une étape, qu’on est en train de penser au prochain congrès, aux prochaines initiatives, et on a toujours un peu l’esprit préoccupé par le futur. Dans les “œuvres du Seigneur”, on n‘a pas à établir un plan pour deux, trois, cinq ans à l’avance, en se demandant ce qui va arriver. On vit au fur et à mesure.
* Pour la souplesse.
Souvent, dans une “œuvre pour le Seigneur”, une fois qu’elle est structurée et qu’elle est en marche, on en vient assez facilement à dire : il ne faut pas faire d’exception à la règle, on existe pour telle œuvre, pour tel bien à faire, pour telle catégorie de gens. Alors que dans “l’œuvre du Seigneur”, une fois que son œuvre est en train de se réaliser, lui se réserve toutes les exceptions à la règle qu’il veut, c’est son œuvre !
* Pour les bénéficiaires.
Quand on fait des “œuvres pour le Seigneur”, et qu’on produit du bien, on a tendance à faire la livraison de ce bien-là aux premières bonnes adresses qui se présentent. Alors que dans “l’œuvre du Seigneur”, lui-même nous précise l’adresse. Il nous dit à qui, à quel moment, il faut aller porter son message, faire la livraison.
5. Se laisser nourrir par ce qu’il accomplit.
Souvent en travaillant dans les “œuvres pour le Seigneur”, on se vide, on se “crève”. C’est le cas de bien des théologiens, de bien des apôtres, de prêtres, d’évêques, qui se dépensent tellement qu’ils s’épuisent, pas seulement physiquement et nerveusement, mais spirituellement. C’est pour cela qu’il leur faut ce qu’on appelle des retraites pour s’arrêter, s’alimenter, se suralimenter spirituellement.
Dans les “œuvres du Seigneur”, on constate l’inverse. Il nous alimente au fur et à mesure. Il ne nous donne rien à faire sans nous avoir d’abord fortifié, éclairé. Et son alimentation est telle que, pour ceux et celles qui font “l’œuvre du Seigneur”, il leur faut des retraites non pas pour s’alimenter, mais pour digérer.
Le problème de l’équilibre est résolu dans les “œuvres du Seigneur”. Le Seigneur ne nous demande pas de nous surmener, de déséquilibrer notre vie. Si cela arrive, c’est parce que l’on ne fait pas, ou que l’on ne comprend pas exactement comment faire ce qu’il nous demande. Alors que dans les “œuvres pour le Seigneur”, il est facile de tomber dans l‘hyperactivité, dans l‘activisme et de se surmener, de se brûler.

V. Notre modèle est Jésus lui-même

Regardons “l’œuvre du Seigneur”. Jésus a suivi parfaitement les 4 étapes de ce type d ‘œuvre :
– Il a dit “oui” à Son Père, (l’étage supérieur). Il n‘a voulu faire que la volonté du Père. Avec les aptitudes qu’il avait, il aurait fort bien pu faire 36 bonnes “œuvres pour” le Père. Mais il a décidé de ne faire que l’œuvre du Père, sa volonté.
– Ensuite, qu’a-t-Il fait ? Il a formé sa communauté, son équipe.
– Et tranquillement, à travers sa communauté d’apôtres et de disciples, il a inspiré ses projets, ses initiatives pour le renouveau de l’Église et du monde.
– Enfin, l’Église s’est mise à l’œuvre et les bénéficiaires sont venus tirer profit de cette “œuvre du Seigneur” qu’est l’Église. On pourrait prendre dans l’Évangile de Luc 5,4-7, ce récit de la pêche miraculeuse où il est dit ceci :
« Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : “Avance en eau profonde, et jetez vos filets pour attraper du poisson”. Simon répondit : “Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais jeter les filets”. Ils le firent et capturèrent une grande quantité de poissons au point que leurs filets se déchiraient. Ils firent signe à leurs camarades de l’autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent leurs deux barques au point qu’elles enfonçaient».
Ils ont jeté les filets et ils ont eu tant de poissons qu’ils ne pouvaient les ramener. C’est une œuvre “du”. Ils ont écouté le Seigneur qui leur a dit où, quand et comment pêcher alors qu’ils avaient toutes les raisons du monde de dire : “on a essayé, cela n’a rien donné”. Ils avaient fait une œuvre pour eux. Le Seigneur est arrivé, il leur a donné une précision et ils l’ont écouté.
Cette réflexion redonne en grande partie une conférence du P. Charles Mathieu, canadien, dans les années 85. Il avait cherché à expliciter les causes de l’hyperactivité dans le service du Seigneur.