Liberté de conscience et de religion

Dans le journal La Croix du 16 mai 2012 :

Le conseil permanent de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a présenté lundi 14 mai une lettre pastorale sur la liberté de conscience et de religion. Ce document d’une douzaine de pages, à la tonalité ferme, dénonce le « relativisme agressif » qui, au Canada, tend à reléguer la religion dans la sphère privée. Solidement étayé, aussi bien sur le plan légal que théologique, ce texte n’élude rien des difficultés rencontrées par l’Église canadienne depuis plusieurs décennies.

Dans une société en proie à une virulente sécularisation, les évêques canadiens estiment en effet que les croyants de toutes religions peuvent enrichir la vie publique de leurs « innombrables contributions » dans le domaine de la culture, de la vie politique, de l’éducation ou de la santé : tous sont appelés à « poursuivre l’édification d’un monde où chaque individu, chaque communauté de foi et chaque société puissent jouir en droit et en pratique d’une authentique liberté de conscience et de religion », estiment les signataires.

DES « MENACES SUBTILES » QUI TARAUDENT LA SOCIÉTÉ MODERNE

Si la liberté de conscience relève essentiellement de l’individu, la liberté de religion est nécessairement « plus large », poursuivent-ils. Elle comprend la « capacité de choisir sa foi » et de « la pratiquer ouvertement ». Dès lors, il est légitime que l’Église catholique « revendique » ce droit afin de remplir sa mission, sans pour autant chercher à imposer sa foi à ceux qui ne la partagent pas.

Après avoir rappelé les fondements juridiques de cette liberté religieuse, les évêques canadiens condamnent vigoureusement les atteintes portées à ce droit fondamental dans le monde : 70 % des pays y imposeraient des restrictions. Mais ce qui préoccupe l’épiscopat, ce sont aussi ces « menaces subtiles » qui taraudent la société moderne, en particulier au Canada, celle d’un « laïcisme radical » qui impose son hégémonie.

Déplorant la méconnaissance du fait religieux qui tend à se répandre, l’épiscopat estime que ce relativisme est problématique dans la mesure où il « cherche à imposer cet absolu aux autres », souvent « contre leur conscience ou leur croyance ». En témoignent les lois, promulguées au Canada, qui contraignent des croyants à exercer leur profession « sans égard » pour leurs convictions, notamment dans les domaines médical et familial.

NE PAS RESTER CANTONNÉ « À LA SACRISTIE »

Critiquant l’influence des groupes de pression en matière d’évolution législative, les évêques estiment que ces questions éthiques méritent un « débat civil et respectueux » qui « bénéficierait à tout le monde ». Faute de consensus, les évêques soulignent la nécessité du respect des convictions individuelles : « Nous appelons toutes les Canadiennes et les Canadiens (…) à réagir avec courage aux entraves à la liberté de conscience et de religion ».

Bien décidé à ne pas rester cantonné « à la sacristie », l’épiscopat canadien réaffirme le rôle qui revient à la religion « dans l’arène publique » : « Une laïcité légitime distingue entre religion et politique, en l’Église et l’État. Mais contrairement au laïcisme libéral, cette distinction n’empêche ni les convictions religieuses ni les communautés croyantes de participer au débat public nécessaire à la vie civile ». Une contribution, disent-ils, « irremplaçable ».

François-Xavier Maigre