Ne plus vous conduire comme le font les païens, avec leur vain jugement

Ephésiens 4, 17.20-24

Je vous dis donc et vous adjure dans le Seigneur de ne plus vous conduire comme le font les païens, avec leur vain jugement. Mais vous, ce n’est pas ainsi que vous avez appris le Christ, si du moins vous l’avez reçu dans une prédication et un enseignement conformes à la vérité qui est en Jésus, à savoir qu’il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité.

Saint Paul nous donne aujourd’hui, suivant son habitude, un texte très fort dans l’épître aux Ephésiens. Un texte très fort… bien qu’ayant été “adouci” par les liturges. En effet, ces gens, responsables du choix des textes liturgiques, ont cru bon de supprimer les mots suivants, concernant les païens de l’époque : “leurs pensées enténébrées”… “leur sens moral émoussé”… “ils se sont livrés à la débauche, au point de perpétrer avec frénésie toute sorte d’impureté”. Le texte choisi, malgré ces coupes sombres, est resté suffisamment vigoureux, c’est une nourriture forte et non pas de la bouillie, il parle des “païens guidés par le vide de leurs pensées”, il demande de passer du “vieil homme” à “l’homme nouveau”…

Chers amis, donnons dès maintenant une précision sur ces termes : vieil homme, homme nouveau… Il ne s’agit pas de questions d’âge. Saint Paul affirme nettement que c’est le péché et la corruption qui font vieillir, et non pas l’état de nos artères. Ainsi on peut être vieux à 15 ans (la drogue, le repli sur soi, l’abandon de la foi), et on peut être jeune dans son coeur même si on a 70 ans.

Deuxième précision très utile : faisons attention au verbalisme actuel, par lequel le péché est souvent présenté comme “une avancée”, “un progrès”, “une libération”…

Ne restons pas dans les généralités, donnons quelques exemples actuels. Vous savez, chers amis, que l’Assemblée Nationale et le Sénat viennent de renforcer la loi contre le harcèlement sexuel. Naturellement je trouve que c’est un progrès et qu’il fallait le faire. Cependant, il me semble que si on vise des cas précis dans les bureaux, dans les usines, etc, on a oublié de mentionner le harcèlement sexuel global qui vient le plus souvent des média, dans lesquels nous sommes ensevelis et pataugeons. Soyons plus précis encore. Donnons quelques “applications” !

1) Le grand philosophe Bergson, vers 1940 disait que notre civilisation est viscéralement et fondamentalement aphrodisiaque. Et encore, le pauvre, 1940, il n’avait rien vu !

2) Dominique Folscheid, professeur de philosophie à l’Université de Nanterre, a écrit un livre(1), concernant l’érotomanie actuelle. Il dit que nous vivons dans une société “formatée au porno”.

3) Que 80 % des adolescents à notre époque voient ou bien aient vu des films pornographiques, cela constitue bien un harcèlement sexuel.

4) Un grand journal a pris la peine de faire une étude sur l’érotisation actuelle des petites filles dès l’âge de 10 ans. Le jean très serré ou slim, le maquillage à outrance, les talons hauts, et autres sortilèges. Autrement dit : la douce enfant en train de devenir une sorte de petite grue, lolita si vous préférez.

5) Même la chère et vénérée Anne Roumanoff, qui se laisse aller vers le libidineux, alors qu’elle n’en a pas besoin, étant naturellement assez fine. Autrement dit, il faudrait condamner toute une ambiance, souvent relayée par les médias, qui fait de l’ensemble de notre vie un harcèlement sexuel continu.

Par exemple, dans le domaine d’un sport que je connais bien, le tennis de table, je ne vois pas pourquoi dire d’un “service” qu’il est “sexy”. La véritable expression est : un service travaillé ou si vous voulez un service secret !

Bref, pour résumer, une véritable érotomanie obsessionnelle qu’il aurait été utile, au moins de condamner.

St Paul à son époque, sous l’influence des Grecs et des Romains, en voyait de toutes les couleurs. Son action et celle des chrétiens, cela avait permis à beaucoup de gens de passer du vieil homme dépravé à l’homme nouveau, celui qui imite le Christ. Nous sommes en train de revenir au point de départ, tout l’effort de Jésus tendant à être aboli… La Bible dit : “le chien est retourné à ses vomissures”.

Revenons sur un point important : la tendance à inverser les poteaux indicateurs. Ainsi les gens se propulsent avec enthousiasme dans le précipice, en croyant être parvenus dans les gras pâturages.

Passer du vieil homme à l’homme nouveau, c’est aussi ce que propose saint Jean dans l’évangile. Depuis dimanche dernier, la multiplication des pains, Jésus est un peu éberlué d’avoir été transformé en distributeur de casse-croûtes gratuits. Autour du lac, on ne sait plus où se trouvent les uns et les autres. La foule d’une part, les apôtres d’autre part, et Jésus ailleurs. Jésus réitère sa leçon : la manne dont parle la première lecture n’est pas le véritable pain descendu du ciel. Ce pain sera son corps et son sang donnés comme nourriture spirituelle et boisson.

On peut aussi donner comme équivalent de l’eucharistie, la vérité, véritable nourriture de l’âme.

Reprenons une phrase de l’épître aux Ephésiens : il faut, non plus, imiter les païens qui courent après le vide et le néant, mais rechercher la vérité incarnée par cet homme Jésus. La vérité qui doit devenir une nourriture, essentielle.

(1). Dominique Folscheid : Sexe mécanique. La crise contemporaine de la sexualité. La Table Ronde, 2002.

 

Homélie pour le 18ème dimanche ordinaire B, donnée par l’abbé Pierre Guéroult le 05-08-2012

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