Qu’est-ce que le renouveau charismatique ?

Dans la Bible l’Esprit Saint se révèle de deux manières différentes : une manière appelée « charismatique » où l’Esprit Saint accorde des dons particuliers, non pas pour le progrès spirituel ou comme récompense pour la propre sainteté de celui qui les reçoit, mais pour édifier la communauté ; et une autre manière d’agir de l’Esprit est appelée « transformante ou sanctifiante », c’est-à-dire qu’elle est basée sur la transformation de la personne si bien que celle qui en fait l’expérience en ressort régénérée et revêtue d’une vie nouvelle.
Ces deux manières d’agir de l’Esprit Saint, visibles dans toute la Bible et du jour de la Pentecôte à aujourd’hui, se sont manifestées de manière saisissante dans le Renouveau charismatique. Il a ainsi fait réapparaître dans l’Église les charismes de la Pentecôte, qui s’étaient perdus, et a constitué d’une certaine manière la réponse de Dieu à la prière du pape Jean XXIII pour une nouvelle Pentecôte faite tout au long du Concile Vatican II. C’est comme une nouvelle « mission » du Saint Esprit (il y en eut de nombreuses au cours de l’histoire de l’Église) qui coïncide avec la fin du Concile Vatican II.
À partir de 1967 aux États-Unis, puis de 1971 en Europe, et partout dans le monde, des millions de chrétiens vont faire l’expérience d’une « effusion de l’Esprit », d’une conversion au Seigneur Jésus, d’un désir renouvelé de sa Parole, d’un accueil de dons charismatiques de l’Esprit, pour évangéliser. À travers des milliers de groupes de prière, qui furent comme des laboratoires de la naissance d’une pastorale de Pentecôte, de nombreux chrétiens vont apprendre à prier les uns pour les autres, à demander à être renouvelés dans l’Esprit Saint, à accueillir et à exercer les charismes mentionnés en 1 Co 12 (prière en langues, prophétie, paroles de connaissance, guérison…), à livrer leur vie plus radicalement au Seigneur, à apprendre à écouter l’Esprit et à marcher selon ses impulsions, se préparant ainsi à devenir évangélisateurs dans un monde paganisé.
L’accueil de cette grâce a eu une fortune diverse selon les configurations ecclésiales, pastorales, nationales. La World Christian Encyclopedia, en 2000, estimait à près de 45 millions le nombre de catholiques engagés dans le Renouveau charismatique : 3,2 millions en Afrique ; 5,4 en Asie ; 2,4 en Europe ; 31 en Amérique latine et plus de 2 millions en Amérique du Nord. En Europe occidentale, on a appris à apprécier les fruits, constatant que des chrétiens dits « charismatiques » s’impliquaient fortement dans la vie de leurs paroisse, mouvement, groupement… tout en tenant à distance l’arbre lui-même, et surtout ses racines !
En France, le Renouveau a donné naissance à près de deux mille groupes de prière, et à de nombreuses « communautés nouvelles ». Les groupes de prière diocésains, souvent peu soutenus, ont vieilli au rythme des paroisses ; les communautés se sont développées sous forme de communautés d’alliance (par exemple l’Emmanuel), dont les membres restent en général insérés dans le monde, mais partagent une partie de leur salaire, suivent des formations et s’engagent dans des services et apostolats de la communauté ; et de communautés de vie (par exemple les Béatitudes), qui proposent un projet de vie plus proche de la vie religieuse et peuvent quelquefois rassembler organiquement couples et célibataires, adultes et enfants.
Le Renouveau charismatique n’est pas un « mouvement » organisé. Il n’a ni fondateur, ni groupe de fondateurs, ni liste de membres, ni maison générale… Dans certain pays, un comité épiscopal est chargé d’accompagner le Renouveau (en France, ce comité est actuellement — 2010 — présidé par Mgr Joseph Boishu, évêque auxiliaire de Reims). Au niveau mondial, l’ICCRS (International Catholic Charismatic Services) coordonne à Rome les comités continentaux du Renouveau catholique charismatique.
Le Renouveau charismatique est un « réveil ». Il nous donne de vivre le conseil de saint Paul à Timothée, valable pour tous, et en bien des circonstances différentes : « Je t’invite à raviver le don spirituel que Dieu a déposé en toi par l’imposition de mes mains » (2 Tm 1,6). Beaucoup de chrétiens ont vécu leur sacrement de Confirmation sans être vraiment conscients de la grâce reçue, nombreux aussi sont les baptisés qui n’ont pas encore reçu le sacrement de Confirmation. La démarche personnelle d’effusion de l’Esprit, vécue à travers le réveil spirituel du Renouveau qui marque l’étape actuelle de l’Église, est une façon de réactualiser l’initiation chrétienne, « d’habiter » son propre sacrement de Confirmation ; ou encore de compléter cette initiation en demandant le sacrement de Confirmation. Mais elle est aussi un renouvellement et une activation de tous les événements de grâce de notre état : ordination sacerdotale, profession religieuse, mariage.
Que l’Esprit Saint soit accueilli par tous les baptisés comme une personne « vivante », Seigneur et Donateur de Vie !
D. Auzenet
En 1985, le Cardinal Ratzinger écrivait :

« Ce qui parait plein d’espoir à travers l’église universelle – et ce même au milieu de la crise que l’Église traverse dans le monde occidental – c’est la vague de nouveaux mouvements que personne n’a prévus et que personne n’a fait naître, mais qui émergent simplement d’eux-mêmes de la vitalité profonde de la foi. Ce qui est rendu visible en eux – bien que légèrement – est quelque chose de très similaire à une heure de Pentecôte dans l’Église. Je pense par exemple au mouvement du Renouveau Charismatique, au mouvement Cursillo, aux Focolarini, à Communion et Libération, etc. Il est certain que ces mouvements posent aussi quelques problèmes, recèlent dans une plus ou moins grande mesure des dangers, mais il en va de même pour tout ce qui est vivant. De plus en plus souvent, je rencontre aujourd’hui des groupes de jeunes gens chez lesquels on trouve, sans aucune crispation, une prise de décision en faveur de la foi tout entière de l’Église, qui veulent vivre pleinement cette foi et qui portent en eux un grand élan missionnaire. Chez eux, toute l’intensité de la vie de prière n’a rien d’une fuite dans l’intériorité ou d’un repli sur la privacy, mais signifie simplement la catholicité pleine et indivise. La joie de croire que l’on ressent ici a quelque chose de contagieux. Parmi eux aussi va croissant spontanément le nombre de vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. Ce qui est frappant, c’est que tout cela ne résulte pas de la planification émanant d’une administration pastorale, mais a surgi de soi-même. De ce fait les organismes administratifs — justement quand ils veulent être très ouverts au progrès — ne savent qu’en faire ; cela ne cadre pas avec leur concept. Ainsi se créent des tensions quand il s’agit d’insérer ces mouvements dans l’actuelle structure des institutions ; pas de tension, cependant, dans leur rapport avec l’Église hiérarchique en tant que telle. Ici, une nouvelle génération de l’Église fait son apparition ; je la regarde rempli d’espoir. Je trouve merveilleux qu’une fois de plus l’Esprit soit plus fort que nos programmes et agisse d’une façon complètement différente de ce que nous avions imaginé… » (Entretiens sur la foi, Fayard, pp. 47-48)