Célibat sacerdotal et pédophilie

Pourquoi la suppression du célibat ecclésiastique, comme moyen d’éradiquer le fléau des prêtres pédophiles, serait absolument inutile et même contreproductif

Citations de l’auteur d’un remarquable article publié en italien sur le blog Libero Arbitrio, et traduit en français par l’auteure du blog français, benoît-et-moi.fr. À lire absolument

 

Périodiquement, on se remet à parler de cas d’abus sur des enfants, commis par de misérables délinquants en soutane, et périodiquement il y a toujours quelqu’un pour ressortir le lien entre la pédophilie dans le clergé et le vœu de célibat.

La discipline de chasteté féroce à laquelle le Vatican contraint le prêtre, anormalement refoulé, serait le ressort criminogène qui déclencherait de sombres pulsions en dessous de la ceinture, et pousserait le pasteur à violer l’agneau. Le remède universel recommandé par toute la pensée ecclésialement correcte et même par de nombreux prêtres et évêques accomodants avec le monde, serait d’abolir le célibat et d’inaugurer l’ère de l’amour libre, de l’église libre. Ainsi, les prêtres seraient heureux et les enfants seraient en sécurité.

L’idée qui est décrite ci-dessus est un exemple de « dogme ». 
Nous désignons ici par « dogme » (avec les guillements, pour le distinguer du dogme au sens canonique du terme), un concept qui est répété et rabâché par de prétendue figures d’autorité, à tel point qu’il est intellectuellement digéré et bu sans avoir été mastiqué au préalable, sans avoir sérieusement été envisagé et médité, sans en avoir personnellement vérifié la véracité et / ou la fiabilité des sources.

Celui qui est tombé dans le piège du « dogme » se condamne à une pensée standardisée et pré-emballée, et souvent à agir comme caisse de résonance, contribuant à sa propagation pratiquement épidémique. Et il est important de préciser que le « dogme » ne fait aucune distinction en ce qui concerne la religion politique, la classe sociale, le niveau de scolarité etc..: les simplifications grotesques du type nous-pensons-tu-crois plaisent beaucoup aux manichéens qui se nourrissent de haine froide, mais la réalité est toujours plus complexe que n’importe quel schéma idéologique. Le « dogme » s’enracine partout et menace tout le monde, et peut même s’insinuer dans un esprit par ailleurs habitué à penser correctement. Personne n’est en sécurité.

Pour en finir avec le « dogme » susmentionné sur les prêtres pédophiles, il suffit de réfléchir un peu, mais sérieusement, sur les prêtres et les pédophiles.

A propos des prêtres

L’idée que le prêtre convoite les enfants comme conséquence de son empêchement vis-à-vis des adulte est risible, pas parce que nous devons avoir une confiance inconditionnelle en la vertu des prêtre, mais au contraire, précisément parce que l’histoire du monde montre que, « si on veut, on peut ».

Pour un prêtre, avoir des relations sexuelles n’est pas impossible, et même on peut soupçonner que ce n’est pas très difficile. Ce sont des choses qui arrivent: des prêtres avec leur gouvernantes « particulières », ou impliqués dans des relations avec une paroissienne, peut-être au vu et su de la communauté, mais sur lesquels on ferme les yeux, il y en a toujours eu. ….

Mais heureusement il y a des prêtres qui font les choses selon les règles, et qui, après être tombés amoureux, ne veulent plus être prêtres, demandent et obtiennent la suspension a divinis et la dispense pour le mariage. 
Pour ne rien dire des apostats, ceux qui se transfèrent plus ou moins spontanément vers quelque église protestante où on peut épouser une femme, épouser un homme, changer de sexe, farequellochetipare (fais-ce-qu’il te-plaît) parce que Jésus est tellement amour.

Sans parler de ceux qui jettent tout simplement leur soutane aux orties, un point c’est tout.
Sans parler non plus des prêtres qui, sans s’engager dans une relation amoureuse plus ou moins stables, se contentent de prostituées, jusqu’à ce qu’ils soient pris la main dans le sac (sic).
En somme, ceux qui croient naïvement que les prêtres sont CONTRAINTS de ne pas avoir des relations sexuelles, n’ont peut-être jamais connu de prêtre.

A propos des pédophiles

L’idée que le pédophile désire les enfants à la suite de son empêchement envers les adultes est tout aussi infondée. Voici un passage du roman « Lolita » (chapitre 5, pour être précis). 
L’ineffable Humbert Humbert écrit dans ses « mémoires »:

Selon les apparences, j’entretenais ce qu’on appelle des rapports normaux avec des créatures terrestres aux seins évocateurs de citrouilles ou de poires ; secrètement, j’agonisais sur le bûcher d’une concupiscence infernale que rallumait chaque nymphette qui passait – et, par lâche respect des lois, je n’osais l’approcher pour implorer ma délivrance. Quant aux femmes qui se pliaient à mes caresses, elles n’avaient qu’un pouvoir analgésique. Je veux bien croire que la fornication dite naturelle me procurait des sensations assez semblables à celles qu’éprouvent les grande mâles en se pliant avec les grandes femelles à ce rythme routinier qui secoue l’univers – mais pouvais-je m’en satisfaire comme eux, moi qui avais eu la brève et foudroyante révélation d’une félicité incomparablement plus haute? Le plus terne de mes rêves impurs eût éclipsé le plus brillant des romans d’adultère imaginé par le plus viril des génies ou le plus talentueux impuissant. Mon univers était disloqué. J’avais conscience non pas d’un, mais de deux sexes, dont aucun n’était le mien. Anatomiquement, tous deux s’appelaient femelle; mais pour moi, à travers le prisme de mes sens, ils étaient aussi différents que « les rêves des rochers et les rochers des rives ». (ndt: je me suis servie de la traduction de EH Kahane, pour l’édition Gallimard de 1959 )

Je crois que ce passage parle de lui-même, nous ne pouvons pas nous contenter de l’attribuer au génie littéraire de Nabokov. 
D’autre part, le cinéma nous a donné une remarquable galerie de caractères, depuis le garde-chiourme de Sleepers jusqu’au souteneur de Taxi Driver. Peut-être moins mémorables que Humbert Humbert, mais avec la même caractéristique: ils sont laïcs. Ils pourraient se marier sans obstacle, draguer dans les bars, rechercher les prostituées, et pourtant ils convoitent les enfants, les séduisent, et les violent. Tout comme le font dans le monde réel, tous les pères de famille qui abusent de leurs enfants, tous ceux qui travaillent dans les établissemnts scolaires et en profitents, bref, tous les pervers poussés par leur perversion vers des enfants, et pas ailleurs: parce que pour le pédophile c’est le sexe avec des adultes qui est un substitut à la pédophilie, pas l’inverse.

Donc

L’effet combiné de ces observations banales – il suffisait seulement d’y penser – permet de démolir le *dogme* [célibat ecclésiastique => abus sur les enfants].

La vérité n’est pas qu’un prêtre pédophile est un prêtre qui est devenu un pédophile, mais un pédophile qui est devenu prêtre.

Il est alors évident que la question-clé n’est pas la discipline du célibat, mais la sélection à l’entrée.

Le problème est précisément le suivant: il y a beaucoup de gens qui n’auraient jamais dû devenir prêtres, et pourtant le sont devenus, avec des conséquences graves, non seulement pour l’Eglise mais aussi pour la société dans son ensemble (et le débat ne concerne pas seulement la maltraitance des enfants, mais aussi d’autres aspects, par exemple les prêtres qui parlent plus de politique que l’Evangile).

Pourquoi? 
Je vais me hasarder à proposer une explication partielle: le problème est en quelque sorte lié à la crise d’époque que l’Église a traversée il y a 40-50 ans.

Une partie des prêtres, des évêques et des intellectuels catholiques a compris le Concile Vatican II de façon désastreuse, et a pensé qu’il était temps de réconcilier le catholicisme avec le «monde», mettant un terme à l’opposition avec la pensée laïque dominante (qui était alors le marxisme et, aujourd’hui, l’individualisme relativiste).

Avec une naïveté catastrophique, on a pensé que cette « paix » renforcerait l’Eglise alors qu’au contraire, elle n’a fait que l’affaiblir: les catholiques tièdes, ceux qui sont en ligne avec la mentalité de la masse, souffrent d’un complexe d’infériorité culturelle, enfoui mais indubitable, et ce sont eux les plus exposés à l’apostasie.

Entre autres choses, la crise culturelle a également provoqué une énorme chute des vocations sacerdotales, aussi en raison du fait que la confusion est grande sous le ciel concernant la nature et la fonction de prêtre dans le monde. 
Et là, si les séminaires se retrouvent avec des vocations réduites de moitié ou même décimées, il est clair – en particulier là où la confusion fait rage – que la tentation peut venir d’être moins exigeants: en somme, il n’y en a déjà pas beaucoup qui veulent devenir prêtres, si en plus, on les rejette…

J’espère que, dans aucun séminaire on n’a jamais permis que soit ordonné quelqu’un dont on connaissait ou suspectait une attirance vers les enfants, mais je n’en mettrais pas ma main au feu. Pourtant, j’ai le vague sentiment qu’on a cru résoudre le problème en rendant plus « facile » l’accès à la prêtrise; ce qui vraisemblablement n’a pas beaucoup augmenté le nombre de prêtres dignes de ce nom, qui seraient devenus prêtres de toutes façons, mais a augmenté le nombre de ceux dont il aurait mieux valu qu’ils ne le soient pas, et rendu les choses plus faciles pour les misérables qui ne se sentaient aucune vocation réelle, mais étaient très forts pour faire semblant et étaient désireux de profiter de cette aura d’autorité qui imprègne automatiquement la figure du prêtre: des pédophiles, en fait (et aussi d’autres catégories, du type militants politiques déguisés, et disons-le, quelques serpents dans le sein de l’Eglise, qui combattent la pensée catholique « de l’intérieur »).

Tout cela ne suffit pas à expliquer le phénomène des prêtres pédophiles, et, d’une manière générale, des criminels hypocrites qui entrent dans le clergé, arrivant même parfois à des charges non négligeables: ce phénomène date évidemment de bien avant les 50 dernières années (Marcel Maciel – des Légionnaires du Christ, ndt -, une « autorité » en la matière, a été ordonné prêtre en 1944 – par son oncle évêque, après avoir été expulsé de trois séminaires, tels sont les maux du népotisme – heureusement que les évêques ne font pas d’enfants justement à cause du célibat); c’est un fait qui découle du péché originel et de la « 
casta Meretrix » qui fait que, tant que le monde et l’histoire dureront, le péché pourra être réduit mais pas éliminé. À mon avis, pourtant, cela aide à expliquer pourquoi, dans ces dernières années, le phénomène a statistiquement explosé: parce que tout le reste a explosé, en particulier dans le cerveau de chacun.

Conclusion

Il est donc évident que l’abolition du célibat ecclésiastique serait parfaitement inutile pour le but qui est en cause ici: il serait même contre-productif, parce que les pédophiles infiltrés dans les rangs du clergé n’auraient rien d’autre à faire que de trouver une femme, renforçant ainsi leur alibi social, et puis ils continueraient à poursuivre les enfants avec plus de tranquillité que jamais.

Le « dogme » du lien entre célibat et pédérastie n’est rien de plus qu’un lieu-commun pieux, très en vogue chez ceux qui n’ont réfléchi correctement ni à l’un ni à l’autre -je regrette de constater que, dans cette catégorie, il y a aussi des évêques et des cardinaux – et très opportun pour les anti-cléricaux dont le principal objectif était et reste d’attaquer l’Église catholique, et à cette fin, tout est permis, même l’instrumentalisation de la question pédophile.

Mais le problème ne se résoudra pas en donnant une femme au prêtre et en rendant la figure du prêtre plus en ligne avec la mentalité du monde, mais, à l’inverse, par des tests plus rigoureux et plus sélectifs des vocations.

C’est précisément ce que Benoît XVI fait avec patience. Si cela conduit dans l’immédiat à une nouvelle chute du nombre de prêtres, tant pis, l’important est que ce seront des prêtres de meilleure qualité.

En attendant, prions le Seigneur d’envoyer davantage d’ouvriers dans la vigne.