Le dimanche de Mgr Hervé Giraud

Dans le journal La Croix du 8 février 2014

Évêque passionné par les nouvelles technologies, Mgr Hervé Giraud (Soissons, Laon et Saint-Quentin) préside le Conseil pour la communication de la Conférence des évêques de France.

Mgr Giraud et sa valise de visite, qui contient le nécessaire (étole, calotte, images bibliques…)... 

(Jean Matthieu GAUTIER/CIRIC)

Mgr Giraud et sa valise de visite, qui contient le nécessaire (étole, calotte, images bibliques…) lors de ses déplacements.

« Mon père était cuisinier. Il travaillait donc tous les dimanches dans son restaurant, à Voiron. Et moi, dès l’âge de 8 ans, je faisais le service en salle ou au bar. Je dressais les couverts sur les tables, ou bien je préparais les plats, par exemple en décortiquant les grenouilles sous l’eau froide. J’en conserve un souvenir mitigé.

Si mon enfance n’a pas été malheureuse, elle fut rude. Ces dimanches, on travaillait jusqu’à 16 heures pour laver la vaisselle à la main. Mais je recevais des pourboires et les clients étaient souvent généreux. Ainsi, à mon entrée en sixième, j’ai pu m’offrir un vélo à huit vitesses et en profiter un peu le dimanche… après 16 heures !

DIFFICILE DE S’ARRÊTER DE TRAVAILLER, MÊME LE DIMANCHE

C’est peut-être en raison de ce passé qu’aujourd’hui encore, je travaille tout le temps. Il m’est très difficile de m’arrêter, même une heure. Apprendre à me reposer, c’est pour moi un vrai travail, même le dimanche. Aujourd’hui comme hier je n’arrête pas, selon l’expression de ma grand-mère, de “broger”, de penser, de réfléchir.

Mon père n’était pas croyant, mais ma mère nous envoyait à la messe le samedi soir, ou tôt le dimanche matin. Ma grand-mère, Mémé Alice, était très croyante. Comme elle était agricultrice, je passais aussi mes vacances à travailler, y compris le dimanche, pour “ébourrer” les oignons. Pourtant, j’ai toujours été un pratiquant régulier, notamment à la première messe du matin. C’est là que j’ai appris à goûter l’Évangile. Avec mes frères, on ne ratait pas la messe. Mais il fallait se lever tôt ! Quand j’étais adolescent, le dimanche, je pratiquais aussi le basket, surtout pour retrouver les copains.

LA VOCATION DÈS L’ENFANCE

Avant même de connaître un prêtre, j’ai toujours su, même si je luttais très fort contre cette idée, qu’un jour je serais prêtre. À 17 ans, lorsque j’ai eu mon bac, j’ai souhaité entrer au séminaire, mais mes parents m’ont sagement demandé de poursuivre mes études. En math sup puis en math spé, à Lyon, je participais à l’animation de l’aumônerie des collèges publics.

Puis, au séminaire Saint-Irénée, toujours à Lyon, mes dimanches étaient pris par mon engagement apostolique à Tournon et à Vals-les-Bains (Ardèche). Tout comme à Rome, lorsque j’étudiais à l’Université grégorienne. Là, lorsque je n’étais pas “de service” pour prêcher à Saint-Louis-des-Français, j’ai enfin pu connaître de “vrais” dimanches, pour visiter Rome et l’Italie.

Lorsque j’ai débuté mon ministère en paroisse, à Privas (Ardèche), je célébrais cinq messes dominicales. Et le lundi, jour habituel de repos des prêtres, je préparais mes cours de théologie morale, une matière difficile et sensible, pour la Catho de Lyon. De 1992 à 2003, en fonction au séminaire Saint-Irénée puis universitaire à Lyon, j’étais plutôt libre le dimanche. Cela m’a causé un tel sentiment que j’ai demandé à être rattaché à une équipe pastorale à Tournon : célébrer la messe avec les gens me manquait.

En 2003, nommé évêque auxiliaire de Lyon, je passais toute ma semaine à des tâches de gestion des personnes et d’administration. Alors, le dimanche, les messes de confirmation étaient ma grande respiration en paroisse. Enfin sorti de mon bureau et des multiples réunions, j’aimais beaucoup y prêcher, avec le Peuple de Dieu dans sa grande diversité.

QUARANTIÈME VISITE PASTORALE

Depuis le 22 février 2008, je suis évêque de Soissons, Laon et Saint-Quentin. Évêque diocésain ordinaire, j’en suis à ma quarantième visite pastorale. Ce sont de vrais bonheurs ! Il me reste encore trois visites pour boucler le tour des 864 clochers de l’Aisne.

Donner l’homélie, c’est, pour moi, tous les dimanches, une vraie joie. J’y vois un service, dans un double sens : je sers l’Évangile à d’autres, comme je servais un bon plat dans le restaurant de mon père ; et je suis au service de la Parole qu’est Jésus lui-même. C’est mon premier devoir. Les gens écoutent et attendent la Parole et une parole. J’ai envie de leur dire :“àvous la Parole ! Servez aussi la Parole.” Ma manière d’être et de penser fait que j’aime développer une pensée simple, structurée et compréhensible par tous.

Désormais, les dimanches après-midi, je prépare aussi mes “twitthomélies” de la semaine. Cela prend un peu de temps, mais j’aime ce moment-là. Plus de mille de ces homélies en 140 caractères sont rassemblées dans un livre (1). Je continue donc à travailler même le dimanche ! Reste que le dimanche soir, je m’accorde parfois le temps de regarder un film. Depuis deux ans, je suis amené à participer au Festival de Cannes, et cet autre lieu de service de l’Évangile me passionne aussi. »

Recueilli par FRÉDÉRIC MOUNIER

(1) Twitthomélies, Éd. Parole et silence. 152 p., 16 €.