Divorce et remariage

Le site catholique américain First Things vient de publier une tribune de Robert Spaemann (né à Berlin en 1927), spécialiste d’éthique chrétienne, professeur émérite de philosophie à l’universite de Münich.
Jeanne Smits l’a traduite en français. Elle précise que Robert Spaemann est un proche de Benoît XVI, ayant participé à saSchülerkreise sur la création et l’évolution en 2006.

Extraits. Traduction complète ici: leblogdejeannesmits.blogspot.fr

http://benoit-et-moi.fr/2014-II/actualites/divorce-et-remariage.html

Les statistiques du divorce dans les sociétés modernes occidentales sont catastrophiques.
Elles montrent que le mariage n’est plus considéré comme une réalité nouvelle et indépendante qui transcende l’individualité des époux, une réalité qui, à tout le moins, ne peut être dissoute par la volonté d’un seul des deux partenaires.
Mais peut-elle être dissoute par le consentement des deux partenaires, ou par la volonté d’un synode, ou d’un pape ?
La réponse est nécessairement négative, puisque, comme l’affirme Jésus lui-même explicitement, l’homme ne peut séparer ce que Dieu lui-même a uni. Tel est l’enseignement de l’Eglise catholique.
(…)

Qu’elle le veuille ou non, l’Eglise, en Occident, est en voie de devenir une contre-culture; son avenir dépend désormais principalement de savoir si elle qui est le sel de la terre, saura garder sa saveur et ne pas être piétinée par les hommes.

La beauté de l’enseignement de l’Eglise ne peut briller qu’à condition de ne pas être diluée.
La tentation de diluer la doctrine est aujourd’hui renforcée par un fait qui dérange : les catholiques divorcent presque autant que leur homologues sécularisés. Quelque chose est allé de travers, c’est évident. Il est contraire à toute raison de penser que tous les catholiques divorcés et remariés civilement sont entrés dans leurs premiers mariages convaincus de leur indissolubilité et qu’ils ont alors fait une volte-face fondamentale en avançant. Il est plus raisonnable de supposer qu’ils se sont engagés dans le mariage sans se rendre d’emblée clairement compte de ce qu’ils faisaient: à savoir brûler leurs vaisseaux pour toujours (c’est-à-dire jusqu’à la mort), de telle sorte que l’idée même d’un deuxième mariage ne pouvait même pas exister pour eux.
(…)

Au lieu de renforcer l’attrait naturel et intuitif de la permanence conjugale, bien des hommes d’Eglise, y compris des évêques et des cardinaux, préfèrent recommander, ou au moins envisager une autre option, une option alternative à ce que Jésus enseigne et qui constitue, fondamentalement, une capitulation devant la pensée laïque dominante. Le remède à l’adultère, nous dit-on, ne doit plus être la contrition, le renoncement et le pardon, mais le passage du temps et l’habitude, comme si l’acceptation sociale générale et notre manière de nous sentir à l’aise avec nos propres décisions et nos propres vies avaient un pouvoir presque surnaturel. Cette alchimie est supposée transformer un concubinage adultérin – que nous appelons « second mariage » – en union acceptable que l’Eglise devrait même bénir au nom de Dieu.
Avec cette logique, il n’est que justice que l’Eglise bénisse également les partenariats homosexuels.
(…)

Cependant, le temps passe.
L’adultère aimerait recevoir la communion de nouveau. Il est prêt à confesser sa faute, mais il n’est pas disposé à en payer le prix, à savoir une vie de continence. La femme abandonnée ne peut que regarder pendant que l’Eglise accepte et bénit la nouvelle union. Comme pour ajouter l’insulte à la blessure, l’abandon qu’elle a subi reçoit le sceau de l’approbation ecclésiastique.
Il serait plus honnête alors de remplacer les mots « Jusqu’à ce que la mort vous sépare » par « jusqu’à ce l’amour de l’un de vous refroidisse » – cette formule a déjà été recommandée avec le plus grand sérieux. Parler ici d’une « liturgie de bénédiction » plutôt que d’un remariage devant l’autel n’est qu’un tour de passe-passe trompeur qui n’a d’autre effet que de jeter la poudre aux yeux.