L’or, l’encens, la myrrhe

 

Écouter l’homélie de la messe de la fête de l’Épiphanie à la paroisse saint Aubin (72), 3 janvier 2016.

Homélie du pape François le 6 janvier

Les paroles du Prophète Isaïe – adressées à la ville sainte de Jérusalem – nous appellent à nous lever, à sortir, sortir de nos fermetures, sortir de nous-mêmes, et à reconnaître la splendeur de la lumière qui illumine notre existence: «Debout, Jérusalem, resplendis! Elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi» (60,1). “Ta lumière”, c’est la gloire du Seigneur. L’Église ne doit pas croire qu’elle brille de sa propre lumière; elle ne le doit pas. Saint Ambroise le rappelle dans une belle expression, en utilisant la lune comme métaphore de l’Église: «L’Église est véritablement comme la lune: […] elle brille non pas de sa propre lumière, mais de celle du Christ. Elle tire sa splendeur du Soleil de justice, de sorte que l’on peut dire: “Ce n’est plus moi qui vit mais le Christ qui vit en moi”» (Exameron, IV, 8, 32). Le Christ est la vraie lumière qui éclaire; et dans la mesure où l’Église demeure ancrée en lui, dans la mesure où l’Eglise se laisse éclairer par lui, elle parvient à éclairer la vie des personnes et des peuples. C’est pourquoi les saints Pères reconnaissaient dans l’Église le “mysterium lunae”.

Nous avons besoin de cette lumière qui vient d’en haut pour correspondre de manière cohérente à la vocation que nous avons reçue. Annoncer l’Évangile du Christ n’est pas un choix que nous pourrions faire parmi tant d’autres, ce n’est pas non plus une profession. Pour l’Église, être missionnaire ne signifie pas faire du prosélytisme. Pour l’Église, être missionnaire revient à exprimer sa nature même: être illuminée par Dieu et réfléchir sa lumière. C’est cela son service. Il n’y a pas d’autre voie. La mission est sa vocation: faire resplendir la lumière du Christ est son service. Combien de personnes attendent de nous cet engagement missionnaire, parce qu’elles ont besoin du Christ, elles ont besoin de connaître le visage du Père.

Les Mages, dont parle l’Évangile de Matthieu, sont un témoignage vivant du fait que les semences de vérité sont présentes partout, parce qu’elles sont un don du créateur qui appelle chacun à le reconnaître comme Père bon et fidèle. Les Mages représentent les hommes de partout dans le monde, qui sont accueillis dans la maison de Dieu. Devant Jésus il n’existe plus aucune division de race, de langue ni de culture: dans cet Enfant, toute l’humanité trouve son unité. Et l’Église a la tâche de reconnaître et de faire apparaître de manière plus claire le désir de Dieu que chacun porte en soi. C’est le service de l’Église, avec la lumière qu’elle réfléchit, faire apparaître le désire de Dieu que chacun porte en soi. Comme les Mages beaucoup de personnes, aussi de nos jours, vivent avec le “cœur inquiet” qui continue à interroger sans trouver de réponses certaines – c’est l’inquiétude de l’Esprit Saint qui se meut dans les cœurs. Elles sont encore à la recherche de l’Étoile qui indique la route vers Bethléem.

Combien d’étoiles il y a dans le ciel! Et pourtant, les Mages en ont suivi une autre, nouvelle, qui brillait pour eux beaucoup plus. Ils avaient scruté longtemps le grand livre du ciel pour trouver une réponse à leurs interrogations – ils avaient le cœur inquiet –, et finalement la lumière était apparue. Cette étoile les a changés. Elle leur a fait oublier leurs intérêts quotidiens, et ils se sont mis tout de suite en chemin. Ils ont écouté une voix qui, de l’intérieur, les poussait à suivre cette lumière– la voix de l’Esprit Saint qui opère chez toutes les personnes –; et elle les a guidés jusqu’à ce qu’ils trouvent le roi des juifs dans une pauvre maison de Bethléem.

Tout cela est un enseignement pour nous. Aujourd’hui, répéter la question des Mages nous fera du bien: «Où est le roi des juifs qui vient de naître? Nous avons vu son étoile à l’Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui» (Mt 2, 2). Nous sommes sollicités, surtout à une époque comme la nôtre, à nous mettre à la recherche des signes que Dieu offre, sachant qu’ils demandent notre engagement pour les déchiffrer, et comprendre ainsi sa volonté. Nous sommes interpellés à aller à Bethléem pour trouver l’Enfant et sa Mère. Suivons la lumière que Dieu nous offre – toute petite…; l’hymne du bréviaire nous dit de manière poétique que les Mages lumen requirunt lumine: c’est une petite lumière –, la lumière qui émane du visage du Christ, plein de miséricorde et de fidélité. Et, une fois arrivés devant lui, adorons-le de tout notre cœur, et présentons-lui nos dons: notre liberté, notre intelligence, notre amour. La vraie sagesse se cache dans le visage de cet Enfant. C’est là, dans la simplicité de Bethléem, que se trouve résumée la vie de l’Église. C’est là la source de cette lumière, qui attire à elle toute personne dans le monde, et oriente le chemin des peuples sur la voie de la paix.