Marie, fille et gardienne de l’Incarnation

Si les grandeurs de la Vierge ont été, dès le début, connues dans l’Église, elles ont été détaillées et expliquées au cours des temps. Il y a un progrès dans la connaissance, non pas en ce sens qu’elle a connu avec plus l’amour, mais en ce qu’on a connu avec plus de précision. Le passant connaît la fleur avec amour, mais le jardinier la connaît plus clairement que lui, et le botaniste en saura mieux distinguer les parties. Tous les âges ont cherché à pénétrer les mystères du cœur de la Vierge, mais chaque fois qu’on a parlé d’elle, c’était que le dogme de l’Incarnation était en jeu. L’Église voulait le conserver intègre et ne trouvait pas de meilleur moyen que de proclamer une à une aux hérétiques les gloires de la Vierge.
La première, ce fut la vérité de la Maternité de Marie. Dès les premiers siècles, les docètes disent que Jésus avait le corps d’un fantôme. L’Église répond que le corps et le sang de Jésus sont réels, et que Marie est vraiment sa Mère. Et les croyants s’unissent autour de la Vierge qu’ils disent Mère véritable de Jésus.
En même temps, d’autres nient la Conception virginale, et cherchent à Jésus un père charnel. C’était nier l’opération du Saint-Esprit couvrant la Vierge de son ombre, c’était rejeter l’intervention directe de Dieu dans le monde, et donc l’Incarnation. Et pour l’affirmer, il fallait redire les paroles de saint Luc : L’ange fut envoyé à une Vierge et la Vertu du Très Haut la couvrit de son ombre … Dieu qui n’avait voulu se faire homme qu’à condition que sa Mère fût Vierge, ne pouvait pas se déjuger et consentir à ce qu’elle perdît cette virginité. Celle qui avait été Vierge dans la conception devait le demeurer pendant et après l’enfantement. Le nier eût été renoncer à l’Incarnation.
Puis en 431, le Concile d’Éphèse proclame la THEOTOKOS, la maternité divine. Elle avait donné au Fils de Dieu tout ce que peuvent donner les mères à leurs enfants, le corps et le sang. Et nier après cela qu’elle eût été mère de Dieu comme le faisaient les Nestoriens, c’était nier que nous avons Dieu au milieu de nous, c’était nier l’Emmanuel.
De celle dignité de la maternité divine découleront au cours des temps toutes les gloires de Marie. Et aucune ne pourrait être niée sans qu’on portât la main sur l’Incarnation. Ce serait en effet méconnaître l’Incarnation que de penser que Dieu, suprême pureté, eût pu coexister dans la Vierge avec le péché mortel, ou avec le péché véniel, ou même originel (dogme de l’Immaculée Conception) ; ou même seulement avec l’obligation à la corruption dans le tombeau (dogme en fonction de l’Assomption). Et pour ne pas s’y exposer, l’Église définit ces gloires successives de Marie, pure de tout péché, immaculée dans sa conception, et montée au ciel avec son corps. Et c’est cet honneur dont la Vierge est entourée qui démasque toutes les hérésies relatives à l’Incarnation.
Il y a vingt siècles, le Fils de Dieu se fit homme, et la plus belle des floraisons que suscita cette rosée divine venue du ciel ce fut la Vierge de l’Incarnation. Depuis vingt siècles, l’Église, assistée par le Saint-Esprit, a défendu et dévoilé ce dogme de l’Incarnation, et chaque fois cela a été au profit de la Vierge dont la théologie se constituait ainsi dans un esprit d’amour. En sorte que tout autour du dogme de l’Incarnation se tissait une enveloppe, une tunique de fils vivants et divins, c’étaient les vérités concernant la Vierge Marie, et l’énumération de ses grandeurs. Et cette tunique adhère comme une tunique de chair : on ne pourra plus jamais l’arracher, et elle enveloppera pour le prolonger et le protéger le dogme central de l’Incarnation, aussi longtemps que durera l’Église, c’est-à-dire jusqu’à la fin des siècles.
Cardinal Journet, sermon donné en l’église st Joseph de Genève,
4 mai 1920

Si les grandeurs de la Vierge ont été, dès le début, connues dans l’Église, elles ont été détaillées et expliquées au cours des temps. Il y a un progrès dans la connaissance, non pas en ce sens qu’elle a connu avec plus l’amour, mais en ce qu’on a connu avec plus de précision. Le passant connaît la fleur avec amour, mais le jardinier la connaît plus clairement que lui, et le botaniste en saura mieux distinguer les parties. Tous les âges ont cherché à pénétrer les mystères du cœur de la Vierge, mais chaque fois qu’on a parlé d’elle, c’était que le dogme de l’Incarnation était en jeu. L’Église voulait le conserver intègre et ne trouvait pas de meilleur moyen que de proclamer une à une aux hérétiques les gloires de la Vierge.

La première, ce fut la vérité de la Maternité de Marie. Dès les premiers siècles, les docètes disent que Jésus avait le corps d’un fantôme. L’Église répond que le corps et le sang de Jésus sont réels, et que Marie est vraiment sa Mère. Et les croyants s’unissent autour de la Vierge qu’ils disent Mère véritable de Jésus.

En même temps, d’autres nient la Conception virginale, et cherchent à Jésus un père charnel. C’était nier l’opération du Saint-Esprit couvrant la Vierge de son ombre, c’était rejeter l’intervention directe de Dieu dans le monde, et donc l’Incarnation. Et pour l’affirmer, il fallait redire les paroles de saint Luc : L’ange fut envoyé à une Vierge et la Vertu du Très Haut la couvrit de son ombre … Dieu qui n’avait voulu se faire homme qu’à condition que sa Mère fût Vierge, ne pouvait pas se déjuger et consentir à ce qu’elle perdît cette virginité. Celle qui avait été Vierge dans la conception devait le demeurer pendant et après l’enfantement. Le nier eût été renoncer à l’Incarnation.

Puis en 431, le Concile d’Éphèse proclame la THEOTOKOS, la maternité divine. Elle avait donné au Fils de Dieu tout ce que peuvent donner les mères à leurs enfants, le corps et le sang. Et nier après cela qu’elle eût été mère de Dieu comme le faisaient les Nestoriens, c’était nier que nous avons Dieu au milieu de nous, c’était nier l’Emmanuel.

De celle dignité de la maternité divine découleront au cours des temps toutes les gloires de Marie. Et aucune ne pourrait être niée sans qu’on portât la main sur l’Incarnation. Ce serait en effet méconnaître l’Incarnation que de penser que Dieu, suprême pureté, eût pu coexister dans la Vierge avec le péché mortel, ou avec le péché véniel, ou même originel (dogme de l’Immaculée Conception) ; ou même seulement avec l’obligation à la corruption dans le tombeau (dogme en fonction de l’Assomption). Et pour ne pas s’y exposer, l’Église définit ces gloires successives de Marie, pure de tout péché, immaculée dans sa conception, et montée au ciel avec son corps. Et c’est cet honneur dont la Vierge est entourée qui démasque toutes les hérésies relatives à l’Incarnation.

Il y a vingt siècles, le Fils de Dieu se fit homme, et la plus belle des floraisons que suscita cette rosée divine venue du ciel ce fut la Vierge de l’Incarnation. Depuis vingt siècles, l’Église, assistée par le Saint-Esprit, a défendu et dévoilé ce dogme de l’Incarnation, et chaque fois cela a été au profit de la Vierge dont la théologie se constituait ainsi dans un esprit d’amour. En sorte que tout autour du dogme de l’Incarnation se tissait une enveloppe, une tunique de fils vivants et divins, c’étaient les vérités concernant la Vierge Marie, et l’énumération de ses grandeurs. Et cette tunique adhère comme une tunique de chair : on ne pourra plus jamais l’arracher, et elle enveloppera pour le prolonger et le protéger le dogme central de l’Incarnation, aussi longtemps que durera l’Église, c’est-à-dire jusqu’à la fin des siècles.

Cardinal Journet, sermon donné en l’église st Joseph de Genève, 4 mai 1920