Faveurs extraordinaires et recueillement

«… Il y avait comme un voile jeté pour moi sur toutes les choses de la terre. J’étais entièrement cachée sous le voile de la Sainte Vierge. En ce temps-là, on m’avait chargée du réfectoire et je me rappelle que je faisais les choses comme ne les faisant pas, c’était comme si on m’avait prêté un corps. Je suis restée ainsi pendant une semaine entière 1. »

Voilà comment la petite Thérèse raconte les effets qu’eut sur sa vie de prière une grâce extraordinaire, celle d’un « vol d’esprit ». Dans ce numéro consacré au recueillement, nous ne voudrions pas laisser sous silence la place que peuvent avoir dans la vie de prière de telles grâces.

Grâces sensibles et vie spirituelle

Face à un tel sujet, le lecteur ne pourra pas s’empêcher de penser que ces grâces étant rares, elles ne le concernent pas, et donc d’interrompre sa lecture avant même la fin du premier paragraphe. Pourtant, l’exemple cité en exergue de cet article doit nous amener à réfléchir. Sainte Thérèse de Lisieux a toujours défendu que sa « petite voie » était une petite voie toute ordinaire, et que dans l’Histoire d’une âme, il y en (aurait) pour tous les goûts, excepté pour les voies extraordinaires. » (CJ 9.8.2). Cependant, elle a connu elle-même quelques-unes de ces grâces extraordinaires : le sourire de la sainte Vierge, la vision prémonitoire de la maladie de son père, les vols de l’esprit dont elle fait état dans le passage cité ou encore la blessure d’amour qui a suivi l’Offrande à l’Amour miséricordieux (cf. CJ 7.7.2). L’expérience de l’accompagnement montre également que ces grâces ne sont pas si rares ; comme pour la petite Thérèse, de nombreux chrétiens en bénéficient de quelques unes au cours de leur vie.

Mais avant d’aller plus loin, il nous faut préciser ce que nous entendons ici par faveurs extraordinaires. Nous reprenons à notre compte la définition qu’en donne le Père Marie-Eugène. « Les faveurs extraordinaires dont nous parlons ici, sont des formes particulières de l’action directe de Dieu sur l’âme qui produisent une connaissance distincte, soit à l’aide d’une impression sur les sens, soit par une infusion de lumière dans l’intelligence. 2 »

Les faveurs sont extraordinaires dans la mesure où Dieu exerce son action directement sur les sens ou les facultés (intelligence) pour y produire une image ou une lumière particulière. Il faut bien noter que tout don d’amour de charité, aussi intense soit-il, et quels que soient ses « effets secondaires » (extase ou autre) reste dans la ligne ordinaire de l’action de Dieu. Bien entendu, une grâce extraordinaire étant habituellement accompagnée d’une infusion de charité, il ne faudrait pas opposer les deux, même s’il convient de bien les distinguer. Nous y reviendrons.

Grâces sensibles et premières expériences de recueillement

Dans ces grâces extraordinaires, Dieu se saisit puissamment de la sensibilité ou des facultés de celui qui en bénéficie, pour y imprimer une image ou une connaissance distincte. L’âme, qui d’ordinaire éprouve combien ses facultés sont volages, goûte alors avec délices leur apaisement. Cet apaisement peut durer longtemps quand l’emprise a été forte, huit jours dans le cas de la petite Thérèse. Certaines grâces durent elles-mêmes longtemps, s’accompagnant d’un recueillement quasi continuel. Sainte Thérèse d’Avila expérimente ainsi pendant près d’un an la présence du Christ à ses côtés (Sixièmes Demeures 8, 3), qui assiste à tout ce qu’elle fait, la rendant attentive à ne le peiner en rien. Quand elle veut prier, elle n’a qu’à se tourner vers cette présence qu’elle perçoit.

L’expérience de grâces fortes facilitant le recueillement est une expérience courante : combien de convertis n’ont-ils pas vécu une période de quelques mois à quelques années pendant laquelle la prière est facile et savoureuse, l’esprit se fixant aisément et paisiblement sur l’Objet Divin contemplé ? De manière plus discrète mais aussi plus largement répandue, combien d’entre nous n’ont-ils pas expérimenté une prière plus facile après un temps de retraite ou lors d’une liturgie fervente ? Nous sommes incarnés, et de telles expériences sont nécessaires à notre cheminement vers Dieu qui concerne tout ce que nous sommes.

Difficultés

Pourtant vient un temps pour les nouveaux convertis – et aussi pour ceux qui devraient l’être depuis longtemps ! – où cette facilité du recueillement disparaît, les distractions se multiplient, et le découragement guette. Face à cette difficulté, on observe plusieurs types de réactions :

– Le premier réflexe est de redoubler de ferveur : si le recueillement a diminué, c’est certainement que je suis moins fervent. On cherche à multiplier les temps de prière, les sacrifices, etc. Tous ces efforts restent généralement sans succès, la prière et les sacrifices étant plus difficiles du fait de ce que la ferveur sensible est retombée. D’où une certaine désolation intérieure, un cercle vicieux qui semble m’entraîner irrémédiablement vers le bas : je suis moins fervent, et donc Dieu s’éloigne de moi, et je n’arrive pas à inverser la vapeur.

– J’essaye de revivre les occasions où j’ai vécu ces grâces sensibles : rassemblements de divers types, retraites, sessions, groupes de prière… Souvent cela tourne un peu à la boulimie ! Et en même temps je me rends compte que cette course me fatigue, me laisse insatisfait, que je n’y trouve pas ce que je cherche vraiment.

– Parfois, c’est finalement un certain découragement qui s’installe, quand on s’est épuisé en vain pendant plusieurs années à remédier à notre peu de recueillement. Pour certains, cela ira jusqu’à un abandon des œuvres de la foi.

Une première origine de ces difficultés vient d’une illusion : la force de ces grâces et la plénitude qui les accompagne peuvent nous faire croire que cette ferveur sensible fait partie de droit à la normalité de la vie spirituelle. Il nous a semblé toucher le ciel, et comme saint Pierre, il nous semble normal de planter notre tente avec le Seigneur sur la montagne de la Transfiguration. Mais alors, comme saint Pierre, nous ne savons pas ce que nous disons (Lc 9,33). Car ici-bas, nous cheminons dans la foi, et non pas dans la vision (2 Co 3,7). La plénitude de l’expérience du Royaume de Dieu n’est que pour l’au-delà. En attendant, nous le vivons comme à l’obscur, par la foi théologale qui nous fournit la lumière proportionnée à notre condition mortelle3 ; car « nul ne peut voir Dieu et vivre » (cf. Ex 33,20).

Ces difficultés tiennent ensuite à une méconnaissance de ce qu’est la prière : on confond prière et recueillement, prière et ferveur sensible. Or l’essence de la prière n’est pas ce qui est ressenti, mais une volonté humaine qui se tourne vers son Créateur. Là où cette orientation de la volonté existe, là il y a prière. En pratique, du moment que je suis là pour Dieu, je prie, même si ma prière est tout sauf fervente et/ou pleine de distractions. Certes, il faut que ces distractions soient involontaires, c’est-à-dire que lorsque je m’en aperçois, je me tourne à nouveau vers Dieu. Ces distractions sont alors simplement le fait de l’agitation naturelle et normale de mon monde intérieur, agitation qui échappe à ma volonté,

La qualité d’une prière est donc indépendante de ce que ressent le priant. Une oraison très sèche pleine de distractions peut être une excellente oraison, dans laquelle s’exprime pleinement, par la fidélité de celui qui prie, l’ouverture de son cœur à Dieu. Mais, ajouteront beaucoup, comment se fait-il que Dieu puisse nous être présent sans que nous ressentions sa présence ? Nous sommes corps et esprit, mais nous ne ressentons que ce qui touche notre corps ; la vie de notre esprit ne touche notre sensibilité que par ricochet, par ses répercussions dans notre psychisme et notre corps. Ainsi, une action de Dieu sur notre esprit n’aura souvent pas de répercussion sur notre sensibilité ; Dieu peut agir, nous être réellement présent, et il l’est dès que nous nous tournons vers lui dans la foi, sans que nous n’en percevions rien. Bref, les sécheresses que nous éprouvons ne sont pas nécessairement le signe d’un éloignement de Dieu ; bien plus, comme nous allons le voir dans un prochain paragraphe, elles font généralement partie de la pédagogie dont Dieu use pour nous rapprocher de lui.

Repos dans l’Esprit

Dans cet article consacré aux rapports entre recueillement et faveurs extraordinaires, il nous faut évoquer un phénomène apparu depuis quelques dizaines d’années dans les groupes de prière du Renouveau charismatique : le « repos dans l’Esprit ». Tout d’abord pour dire que le phénomène en question n’est pas une faveur extraordinaire, mais un effet secondaire d’une grâce donnée par Dieu, comme nous le verrons bientôt. En quoi consiste-t-il ? Pendant la prière commune ou lors de la prière d’intercession pour une personne donnée, la personne tombe par terre. Elle reste alors dans une grande paix intérieure et un certain engourdissement des membres, rendant tout mouvement difficile. L’imagination est souvent arrêtée pendant un certain temps, et la personne expérimente un recueillement qui peut être profond. Les fruits peuvent être abondants du point de vue de la guérison intérieure de la personne4.

Que se passe-t-il ? Quand Dieu est à l’origine du phénomène, il touche fortement la personne, qui sous le choc en « oublie » de rester debout ! C’est en cette touche que consiste la grâce reçue ; elle n’est en elle-même pas sensible, et le plus souvent ne s’accompagne pas de lumières précises. Par cette touche, Dieu transforme la personne en tel ou tel point de son être, sans que cette personne connaisse l’œuvre que le Seigneur réalise en elle. Le reste n’est qu’effets secondaires, retentissement de la grâce de Dieu dans l’être de la personne, qui n’est pas habituée à ce mode d’action de Dieu en elle. C’est le cas d’abord du retentissement physique (la personne tombe), qui en soi ne présente aucun intérêt pour la sanctification de la personne5, puis aussi, dans une certaine mesure, du recueillement qui suit cette touche.

Ce recueillement peut durer plusieurs heures, et il nous semble que dans ce cas on peut souvent reconnaître la situation décrite par sainte Thérèse dans le chapitre 6 des Fondations : « Je voudrais me faire comprendre, c’est difficile, et je ne sais si je m’en tirerai ; mais les âmes qui ont été ainsi abusées me comprendront, si elles veulent me croire. J’en ai connu, de haute vertu, qui passaient sept ou huit heures dans un état qu’elles croyaient être de ravissement ; le moindre exercice vertueux s’emparait d’elles d’une façon telle qu’elles s’abandonnaient, persuadées qu’on ne doit pas résister au Seigneur ; de quoi peu à peu les tuer ou les rendre idiotes, si elles n’y remédient pas. » (Fondations 6,2)

Par ignorance, nous prenons alors pour recueillement ce qui n’est qu’effet secondaire, sur notre nature, de l’action de Dieu. Mais pendant ces longues heures, Dieu n’agit plus et « un seul acte, l’éveil fréquent de la volonté à l’amour de Dieu, nous acquiert plus de mérite que ces temps d’arrêt » (Fondations 6,5). Alors que faire ? L’engourdissement est bien réel au départ, et il ne s’agit en aucun cas (quand le phénomène a une origine divine, ce que nous supposons ici) de nous forcer ou de forcer la personne à se relever immédiatement. Par contre, pour la personne sujette à ce phénomène de manière répétée, il sera bon d’avoir le souci de ne pas prolonger ces états, en étant bien persuadée que ce n’est pas là que réside la grâce de Dieu, qui a déjà été donnée, et que sa position allongée n’est que la conséquence de sa propre faiblesse. Et si le phénomène devient partie intégrante de sa vie spirituelle sur une période un peu prolongée, il faut alors lui appliquer le « traitement » recommandé par saint Jean de la Croix, sainte Thérèse et tous les mystiques aux faveurs surnaturelles : y résister par les moyens physiques (repos, vie équilibrée, dans la mesure du possible évitement des occasions), spirituels (ne pas les désirer et encore moins s’y complaire, y résister intérieurement autant que possible), et comme sainte Thérèse « supplier le Seigneur de nous conduire par une autre voie ». Cette résistance devra se faire sans tension mais avec la dernière énergie. C’est à ce prix alors, et à ce prix seulement, que nous pourrons rester dans un accueil authentique de la grâce offerte.

Une nécessaire purification

C’est que « lorsque le Seigneur commence à choyer une âme, notre nature, amie du plaisir, se complaît en ces délices, elle ne voudrait même pas bouger, et ne les perdre sous aucun prétexte » (Fondations 6,2). Sous l’effet des grâces sensibles, une partie de notre nature a toujours tendance à se tourner vers elle-même et son plaisir plutôt que de se tourner vers Dieu. Cela est inévitable, il nous faut le reconnaître paisiblement, et avec une pointe d’humour. Voilà où nous en sommes ! Mais cette tendance est un obstacle à notre union à Dieu et à son action en nous, c’est pourquoi le Seigneur va travailler à nous en purifier. Comment ? par un sevrage. C’est alors qu’il faut lire saint Jean de la Croix, particulièrement la Nuit obscure ou la Montée du Carmel. Dieu nous a habitués à percevoir quelque chose de son action avec notre sensibilité. Nous croyions alors le voir et le sentir. En fait, nous ne voyions et ne sentions que les effets secondaires de son action, et non pas Dieu lui-même. Or Dieu est bien plus beau et délicat que les perceptions de notre sensibilité brute. En nous sevrant de toute perception sensible, notre Père veut nous amener à reconnaître en vérité qu’Il est au-delà de ce que nous pouvons en sentir, à en faire une vérité existentielle, qui dirige toute notre vie spirituelle. Par là il nous amène aussi à lui remettre effectivement notre sensibilité, et il refond le rapport de notre volonté et de notre intelligence avec elle. N’ayant plus l’appui du sensible pour aimer ou connaître, nos facultés apprennent alors peu à peu à se mouvoir en fonction de ce que dit la foi. Cela ne se fait pas sans douleur ! Mais les fruits sont immenses. Alors, mais alors seulement, les faveurs extraordinaires pourront porter leur plein et entier fruit de grâce, sur lequel nous voudrions revenir un peu.

Un appui pour notre vie de prière

Les faveurs extraordinaires reçues par sainte Thérèse ont nourri sa prière de manière intense ; aurait-elle par exemple recommandé à ses sœurs de s’adresser au Christ dans la prière « comme un ami parle à son ami », si elle n’avait expérimenté cette amitié dans toutes les visions reçues ? La vision de la place qu’elle avait méritée en enfer (Vie 32,1) marquera sa prière pour toujours : face au Christ, elle se place dans l’attitude humble de celle qui a mérité l’enfer devant Celui qui l’en a tiré.

Un autre exemple est celui du frère Laurent de la Résurrection, frère carme au couvent de Paris au XVIIe siècle. Alors qu’il a 18 ans, il est converti par une grâce fondatrice : au printemps, devant un arbre, il comprend de manière surnaturelle la toute puissance de Dieu qui est à l’ouvre dans cet arbre, et va lui faire reprendre vie : [le frère Laurent] me dit que Dieu lui avait fait une grâce singulière dans sa conversion, étant encore dans le monde, âgé de 18 ans. Un jour en hiver, regardant un arbre dépouillé de ses feuilles et considérant que, quelque temps après, ces feuilles paraîtraient de nouveau, puis des fleurs et des fruits, il reçut une haute vue de la providence et de la puissance de Dieu, qui ne s’est jamais effacée de son âme. Cette vue le détacha entièrement du monde et lui donna un tel amour pour Dieu, qu’il ne pouvait pas dire s’il était augmenté depuis plus de 40 ans qu’il était en religion. (Entretiens 1,1) 7.

Quand, quelques années plus tard, Laurent rentre au Carmel, il se fera le chantre de l’exercice de la présence de Dieu, se tournant vers Dieu présent en toutes choses, vers cette présence qui lui avait été révélée par une faveur extraordinaire bien des années auparavant. Il en est de même pour nous ; certaines grâces que nous avons reçues peuvent servir de support, d’aide à notre vie de prière, par une vue générale sur le mystère qu’elles nous ont fait entrevoir. Souvent, nous y aurons un certain attrait, qu’il suffit de suivre paisiblement. C’est ainsi que sainte Thérèse se tournait vers le Christ présent à ses côtés, et le frère Laurent vers Dieu présent en toutes choses. Pour d’autres, cela pourra être vers le Christ présent dans l’Eucharistie, vers la Trinité présente dans leur âme… Ces grâces facilitent d’autant plus le recueillement que le Seigneur, en les donnant, a laissé imprimé en notre âme quelques traces du mystère divin aperçu ce jour-là.

Une lumière dans la nuit

Jusqu’ici, nous avons parlé des grâces que celui qui prie a lui-même reçues. Pourtant, nombreux sont ceux qui n’en n’ont jamais reçues ; quant à ceux qui ont été favorisés de l’une ou l’autre, ils expérimentent fréquemment que c’est comme s’ils n’en avaient jamais reçu, leur souvenir étant estompé et inutilisable. S’en tenir à l’aspect vécu des faveurs extraordinaires est en fait extrêmement réducteur ; ces grâces ont en effet toujours un aspect charismatique, elles sont toujours données en vue de la construction de toute l’Église. C’est ainsi que les faveurs extraordinaires reçues par les saints ont beaucoup à nous apporter, et d’une certaine manière nous sommes invités à nous les assimiler. Elles projettent une lumière vive sur ce que nous vivons dans la grisaille du quotidien. Voici l’exemple d’une vision qu’eut sainte Thérèse un jour où elle disait l’Office avec sa communauté :

Mon âme me parut tout entière comme un clair miroir, sans envers, ni côtés, ni haut, ni bas qui ne fussent clarté, et au centre m’apparut le Christ Notre-Seigneur, tel qu’il m’arrive de le voir. Il me semblait le voir dans toutes les parties de mon âme aussi clairement que dans un miroir, et ce miroir lui-même, je ne saurais dire comment, se sculptait tout entier dans le Seigneur lui-même, par une communication que je ne saurais expliquer, très amoureuse. (…) Cette vision me semble avantageuse pour les personnes qui vivent dans le recueillement, elle leur enseigne à considérer le Seigneur au plus intime de leur âme. (Vie 40, 5-6)

Le Seigneur l’exhorte d’ailleurs à mettre par écrit les visions qu’elle reçoit, car elles pourront servir à d’autres (Relation 53). Il est essentiel de noter que cet usage des faveurs reçues par d’autres est sous-tendu par la foi : il ne s’agit pas de chercher de nouvelles révélations, mais de donner un aliment qui soutienne et apaise notre imagination pendant que l’esprit va à Dieu par la foi.

Au cours de cet article, nous avons envisagé quelques aspects des rapports entre recueillement et faveurs extraordinaires, en suivant le fil de la vie spirituelle. Les faveurs ont pu au départ nous introduire dans le recueillement, mais elles sont devenues au fil du temps un obstacle plutôt qu’une aide. C’est alors qu’est intervenue une nécessaire purification de notre être, purification opérée par un sevrage, et qui débouche sur une possibilité de mettre à profit les grâces reçues pour favoriser notre entrée dans le recueillement. Au terme, nous sommes ramenés à la foi, au développement de laquelle ces faveurs sont finalement ordonnées.

Fr. Marie-Laurent de la Résurrection, o.c.d. Toulouse

1. Carnet Jaune (CJ) 11.7.2. in Thérèse de Lisieux, Œuvres Complètes, Cerf, Paris. 1998, p. 1036. Toutes les citations de Thérèse de Lisieux sont tirées de cette édition.

2. Marie-Eugène DE L’ENFANT-JÉSUS, Je veux voir Dieu, Éditions du Carmel, Vénasque, 1998, p. 706.

3. cf. Montée du Carmel 2, 16,15, qui commente 2 P 1, 17-18. Saint Jean de la Croix, remarquant que l’appel de l’apôtre à la foi « dans la parole des prophètes » suit son évocation de la Transfiguration dont il a été témoin « sur la montagne sainte », nous invite à fixer notre regard intérieur sur la parole des prophètes par la foi, et non sur tout ce que nous pouvons « voir et entendre distinctement » (Montée du Carmel 2, 16,12) dans les visions et autres grâces extraordinaires.

4. Ce n’est pas le lieu ici de donner des critères de discernement sur l’authenticité de ces grâces et ses contrefaçons humaines ou diaboliques. Pour cela, nous renvoyons à F.-R. Wilhélem Le temps des discernements, EDB, Nouan le Fuzelier, 2006.

5. Certes la première fois, cet effet physique peut avoir une incidence positive, en aidant la personne à réaliser que Dieu la saisit : tout ce qui touche notre corps a un plus grand retentissement sur ce que nous sommes que ce qui est purement spirituel. Mais cet effet n’est que secondaire, et le danger est de s’y arrêter.

6. Nous citons sainte Thérèse d’Avila d’après Thérèse d’Avila, (Œuvres Complètes, trad. M. Auclair, DDB, Paris, 1963.

7. C. de MEESTER, Frère Laurent de la Résurrection. Écrits sur la Pratique de la présence de Dieu, Cerf. Paris, 1991, p. 181.

8. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille les communiquer autour de soi (en dehors de l’accompagnateur à qui il revient de discerner, bien sûr). Simplement, en les donnant à une personne, le Seigneur veut la faire grandir, de telle manière à ce qu’elle puisse mieux participer à la réalisation de son dessein d’amour, qui est l’Église.

> Revue Carmel, n° 125, sept. 2007, pp. 65-75