Réflexions sur la mort du Lt Colonel Arnaud Beltrame

Témoignage du Père Jean-Baptiste sur Arnaud Beltrame

Lettre de Mgr Dominique Lebrun à Mgr Alain Planet, évêque de Carcassonne et Narbonne

Un héros français, par le Général X.

Pour le curé de Trèbes, « le lieutenant-colonel Beltrame a vécu un chemin de croix »

Mgr de Romanet, évêque aux Armées françaises, réagit à la mort du lieutenant-colonel Beltrame

« Le courage est d’abord un acte raisonnable »

RECUEILLI PAR CÉLINE HOYEAU, JOURNAL LA CROIX
Cynthia Fleury Philosophe (1) La philosophe revient sur le geste héroïque du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame. Elle souligne combien le courage se fabrique collectivement, même s’il se vit d’abord à l’intérieur de soi.

Que vous évoque la mort du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, le fait qu’il ait échangé sa vie contre celle d’une otage ?

Cynthia Fleury : Que le courage est encore une valeur très importante pour les forces de l’ordre. Ce n’est pas n’importe quel homme, mais un individu qui a choisi de servir son pays. Cet homme n’était pas inconscient, il a agi en pleine connaissance de ses capacités, considérant que c’était à lui de le faire et qu’il en avait possiblement la force. Il a d’ailleurs tenté pendant plusieurs heures de négocier avec le terroriste. La fin aurait pu être différente.

Ce gendarme avait été entraîné, il avait déjà fait un exercice de ce calibre. Son acte est d’abord le fruit d’une réflexion, ensuite celui de la pensée qu’il a les moyens de changer les choses et enfin que c’est son devoir en tant que gendarme.

Aussi, je ne pense pas qu’on puisse parler de geste sacrificiel. C’est un geste de protection de la vie d’autrui et, en ce sens, un geste d’un très fort engagement civique, démocratique et militaire. Ce qui le guide, c’est en dernière instance l’espérance, la possibilité d’une issue autre, et non pas un renoncement à la vie.

Avec la prise en compte de la possibilité de sa mort…

C. F. : Oui, mais il est conscient qu’en courant ce risque, il va sauver la vie d’une jeune femme. C’est un acte qui relève du don de soi. Certes, il est mû par le sentiment d’une charge, presque de dette envers soi et envers la société, mais en dernière instance, personne ne l’y oblige et personne ne l’aurait accusé de quoi que ce soit s’il ne l’avait pas fait. C’est une décision de son intime conscience, qu’il a prise seul. C’est pour cela que le courage est à la fois quelque chose que nous fabriquons collectivement, mais qui se vit d’abord à l’intérieur de soi.

Le courage est-il inné ou s’apprend-il ?

C. F. : Il n’a rien d’un acte intempestif, voire instinctif. Il s’apprend. C’est d’abord un acte raisonnable. Ce n’est pas du tout de l’inconscience, mais au contraire une haute conscientisation du risque. Et, malgré cela, on décide de considérer que le risque doit être pris pour préserver un idéal supérieur, des vies… Bien évidemment, ce courage est porté par une culture, des valeurs, tout ce qu’on appelle l’esprit de corps dans l’armée.

Est-ce à la portée de tout le monde ?

C. F. : Il y a cet acte exceptionnel, héroïque. Et puis, il y a des actes plus ordinaires, où ce qui est convoqué, ce n’est pas le réel de la mort, mais la mort sociale, ou le risque de se faire mal, ou des risques moindres, mais qui demandent d’être pris pour préserver une qualité de vie, un lien avec la communauté, des valeurs. Il ne faut pas croire qu’être héroïque est la seule manière d’avoir du courage. Tous les héros ont eu du courage, mais tous les courageux ne sont pas nécessairement des héros. Et notre société a besoin des deux. Elle a besoin d’exemples comme celui-ci mais nous ne pouvons nous reposer sur le seul sacrifice des plus valeureux d’entre nous.

(1) Auteure de La Fin du courage, Éd. Fayard et des Irremplaçables (qui sort ce mois-ci chez Folio).