Le baptême purifie nos sens

DE SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE [v. 330-390]. Sermon sur le saint baptême.

Le baptême ne doit pas marquer l’âme d’une légère teinture, mais d’une empreinte profonde. Que rien en nous n’échappe à l’initiation; qu’il n’y ait plus rien de la première naissance; ne laissons rien qui ne soit illuminé.

Que l’illumination baptismale touche nos yeux pour nous donner un regard droit, afin que nous ne portions en nous-mêmes aucune de ces imaginations déshonnêtes qui viennent d’un spectacle dont notre curiosité est toujours en quête. Qu’il y ait, chez nous, une poutre ou un fétu de paille, ôtons-les; nous pourrons alors voir ceux des autres.

Que l’illumination touche nos oreilles; qu’elle touche notre langue, pour que nous entendions ce que dira le Seigneur, qu’il nous fasse connaître au matin sa miséricorde, et que nous percevions l’exultation et la joie qui résonnent aux oreilles ouvertes à la grâce divine.

Quant à notre langue, que l’illumination lui évite d’être un glaive acéré ou un rasoir effilé et de rouler sous elle peine et souffrance. Qu’au contraire, attentifs à l’Esprit aux langues de feu, nous exprimions la sagesse cachée de Dieu qui se manifeste dans le mystère.

Guérissons notre odorat, pour ne pas nous disperser en poussière au lieu de répandre un parfum délicat. Respirons la senteur du baume qui a été répandu pour nous, laissons notre esprit s’en imprégner, laissons-nous faire et réformer par lui, afin que de nous aussi s’exhale une bonne odeur.

Purifions notre toucher, notre goût, notre gosier; ne donnons pas de caresses efféminées et ne nous plaisons pas à la mollesse. À l’imitation de Thomas, touchons plutôt, comme il convient, le Verbe qui pour nous s’est fait chair. Ne nous laissons pas tenter par les mets succulents et les friandises, laissant ce qui est plus amer à nos frères; goûtons plutôt et apprenons que le Seigneur est doux, d’un goût meilleur et qui demeure. Ne nous contentons pas d’apporter de faibles soulagements à notre gosier; offrons-lui plutôt la douceur de paroles plus délicieuses que le miel.

Donnons tous nos membres à Dieu sur la terre, consacrons-les­ lui tous. En nous donnant nous-mêmes tout entiers, retrouvons-­nous tout entiers, puisque c’est recevoir sans rien perdre que de se donner à Dieu et de lui faire l’offrande sacrée de toute notre personne.