Hommage au P. Daniel Sesboüé

Cher Daniel

Pardonne-moi d’avoir tardé à me joindre à tous ceux, nombreux, qui te rendent un dernier adieu. Mais à 97 ans1, quelques jours importent peu !

Hélas, en ces temps de confinement, que d’autres, comme Marie Balmary, nomment « fléau »2, nous n’avons pu nous retrouver le jour de ta sépulture, pour un dernier hommage. Pas même ton frère Bernard, que nous connaissons bien dans le diocèse, affaibli dans sa santé.

Nombreux sont ceux, et ils en témoignent3, que tu as marqués par ta gentillesse, tes attentions, ton accueil ; la liste de tous ces mots pourrait s’allonger bien facilement. Je voudrais y ajouter ces quelques lignes.

Envoyé par l’évêque du Mans faire des études en théologie à la Faculté de Strasbourg, j’ai en l’occasion de faire une spécialisation en exégèse. En ces temps troublés des années 66-72, l’exégèse historico-critique, et la démythologisation de Bultmann régnaient en maître dans les cursus universitaires bibliques…

Rentré dans le diocèse du Mans, en 1972, j’ai cherché à continuer à me former en études bibliques, et me suis inscrit aux formations que tu donnais à l’époque au Centre Monthéard, puis au Centre de l’Étoile… bénéficiant avec joie de tes interventions toujours marquées au coin de tes compétences bibliques (marquées par leur époque), et faut-il l’ajouter, de ta spiritualité amoureuse de la Parole, ce qui est l’essentiel que tu as transmis à beaucoup. J’ai encore dans mes dossiers des « polycopiés » de tes plans, et des notes prises à tes cours.

Suite à des prédications hasardeuses que j’avais entendues au cours d’une retraite sur l’Apocalypse, j’ai voulu travailler ce dernier des livres bibliques pour y voir plus clair. Et tout naturellement, l’évidence de ton parrainage s’est imposée. Au moins six années de travail pendant les temps libres, et de rencontres avec toi pour « faire le point ». Une thèse de 3° cycle, en quelque sorte, sans le diplôme, mais avec la publication d’un livre4 qui m’a servi de base pour nombre de prédications et de conférences.

Les années que j’ai pu vivre avec toi comme vicaire à N-D de la Couture jusqu’en 1984 ont étoffé ce compagnonnage. Tu avais toujours beaucoup d’humour, plein de remarques pertinentes. Il faut dire qu’avec le P. Olivier Le Jariel, curé de la paroisse à l’époque, et le P. Henry du Couëdic, nous avons beaucoup ri5. Les années passant, les prêtres aussi, tu es devenu pour beaucoup une figure de référence à Notre-Dame de la Couture, les uns et les autres bénéficiant de ta présence au confessionnal, de tes conseils avisés, de tes prédications éclairées et concises.

L’habitude de demander la correction de manuscrits ou la préface d’autres publications, en vue d’obtenir l’Imprimatur de l’Évêque, s’est poursuivie plus tard, y compris lorsque je vivais à Notre-Dame du Chêne. C’est dire que je dois beaucoup à ta bienveillance fraternelle, et à ton grand respect de la pensée et de l’écriture de ceux qui te demandaient ce service important. Je tenais à le partager, à l’heure où nos diocèses se sont appauvris en compétences théologiques ou bibliques.

Quand je reprends mes notes d’exégèse, je me dis que ta génération (et celle qui l’a précédée) a profondément creusé le sillon du renouvellement des études bibliques dont nous bénéficions tous aujourd’hui. De même qu’elle a été la colonne vertébrale du presbytérium diocésain du Mans, dont les contours sont aujourd’hui différents, suite à la présence de prêtres d’autres pays et continents.

Récemment, frappant à la porte de ta chambre de la Maison Bonnière, je t’ai trouvé lisant ta Bible… Ton visage, discrètement épanoui, laissait transparaître le goût de la nourriture que tu y puisais.

Merci Daniel pour toutes ces années de fraternité sacerdotale, car tu as été un frère pour plusieurs générations de prêtres de notre diocèse du Mans, et un exemple de fidélité à la vie sacerdotale diocésaine.

Nous avons l’espérance de nous retrouver tous auprès de Jésus, dont la Parole nous fait vivre… Peut-être dégusterons-nous ensemble une de ces délicieuses tasses de thé dont tu avais le secret !6

Dominique Auzenet, 8 mai 2020.

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Photo de 1976, lors d’une sortie au Doussay, à La Flèche, propriété familiale de la famille de Maupéou (le P. Michel de Maupéou au centre, était curé de ND de la Couture; derrière lui, sa soeur; devant lui, D. Sesboüé qui « crève l’écran ».
Les manceaux reconnaîtront de D à G les prêtres Jean-Pierre Lebrun, Hubert Joly de Colombe, moi-même avec barbe; Georges Breteau, Paul Jarrier;
à l’extrême gauche Olivier le Jariel, curé de La Flèche à l’époque;
et la famille de Maupeou (Henry et sa femme, et d’autres dont j’ai perdu les noms)

1 Somme toute, je découvre que tu as l’âge de mes parents, alors que ma mère vient de nous quitter à 100 ans…

2 Marie Balmary, Réflexion sur le fléau, La Croix du 28 avril 2020.

3 Voir le diaporama sur le site de la paroisse ND de la Couture https://youtu.be/63Yp5s0ogB8, ainsi que différentes interventions http://www.ndcouture.org/obseque-du-pere-sesboue/

4 D. Auzenet, L’Apocalypse, lettre ouverte aux martyrs, Pneumathèque, 1984. Téléchargeable Préface de Daniel Sesboüé.

5 S’il faut rire encore, tu ne m’en voudras pas, j’évoquerai ton attachement indéfectible à la sieste (que je partage aussi). C’était chez toi une vraie culture, qui permettait de te découvrir quelquefois allongé par terre, en ouvrant par mégarde la porte d’une salle du Centre de l’Étoile, entre la fin du repas de midi et la reprise des formations !

6 Tous ceux qui ont fréquenté le P. Daniel Sesboüé se souviennent de son armoire à thés, dont les petites boîtes laissaient échapper de merveilleux effluves ! Car s’il savait dresser la table de la Parole, il était aussi fin cuisinier…