Nous ne devons pas nous affliger du rappel à Dieu de nos frères, puisque nous savons bien qu’ils ne sont pas perdus, mais qu’ils ne font que nous devancer. Nous savons qu’ils ne nous quittent que pour nous précéder, comme le font couramment les voyageurs ou les navigateurs. Nous pouvons donc le regretter, sans pour autant pleurer leur perte. Pourquoi nous affligeons-nous tant du départ des nôtres comme s’ils étaient perdus à jamais, puisque le Christ notre Seigneur nous réconforte en ces termes : « Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 25-26) ?
N’oublions pas que la voie d’accès à l’immortalité, c’est précisément la mort, et que la vie éternelle ne peut s’ouvrir à nous que s’il nous est permis de quitter ce monde. La mort n’est pas une issue fatale, mais un passage, un cheminement temporaire vers l’éternité. Qui ne se hâterait de parvenir à une vie meilleure ? Qui ne serait impatient d’être transformé, transfiguré à l’image du Christ, et d’accéder au plus vite à la dignité de la gloire céleste, comme le proclame l’apôtre Paul : « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le configurer à son corps de gloire » (Ph 3, 20-21).
C’est également l’avenir que nous promet le Seigneur lorsqu’il s’adresse cette prière à son père afin que nous soyons avec lui, qu’avec lui nous vivions en ces lieux éternels et que nous nous réjouissons dans le Royaume des Cieux : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée avant la fondation du monde » (Jn 17, 24).
Celui qui doit rejoindre la maison du Christ et jouir de la gloire du Royaume des Cieux ne doit ni s’affliger ni se lamenter, mais plutôt se réjouir de son départ de son transfert, confiant dans la promesse de Dieu et fort de sa foi dans la vérité.
Quel est celui qui ne se hâte de regagner sa patrie après quelque temps passé à l’étranger ? Notre patrie, c’est le paradis. Pourquoi ne nous hâtons-nous pas d’aller la voir ? Une foule d’êtres chers nous y attendent ; des parents, des frères, des fils, sûrs déjà de leur propre salut mais préoccupés encore par le nôtre, aspirent à nous voir parmi eux. Hâtons-nous donc de satisfaire notre impatience de les rejoindre, et de comparaître au plus vite devant le Christ.
Saint Cyprien de Carthage (200-258), Traité sur la mort
Image : Plaque de cuivre émaillée champlevé de Limoges (vers 1250), représentant la résurrection de trois saints. Le texte « Propositio fixo crucifixus cu(m) crucifixo » signifie « Projet immuable du Crucifié. Avec Christ crucifié ».