Transfiguration, fugace, gratuite, nécessaire

La version marcienne du récit de la Transfiguration fourmille de détails dû à un témoin oculaire : le verset concernant la blancheur, le fait que Jéus emmène les trois mêmes à la Transfiguration et à l’Agonie à Gethsémani(la formule littéraire est identique), l’intérêt pour Élie (il est nommé en premier) qui se poursuit juste après le récit, l’attrait (il nous est bon) et la répulsion (effrayé) caractéristiques d’une authentique expérience sprituelle, l’interrogation perplexe sur la résurrection… Sans doute la consigne de ne pas en parler a-t-elle été rompue dans les jours qui ont suivi la résurrection, avant la pentecôte… et Pierre va faire mention de cette expérience étonnante dans sa seconde lettre…


L’expérience de la transfiguration, comme toute expérience spirituelle, est fugace (ne pas se l’approprier ni vouloir la reproduire), gratuite (pourquoi ces trois-là ?), mais nécessaire (enfouie en nous pour nous permettre de continuer à avancer dans les temps de sécheresse et d’obscurité qui sont le pain quotidien de la, vie chrétienne normale)…

Méditation du pape François

Chers frères et soeurs, bonjour !

Ce deuxième dimanche de Carême nous invite à contempler la transfiguration de Jésus sur la montagne, devant trois de ses disciples (cf. Mc 9,2-10). Un peu auparavant, Jésus avait annoncé qu’à Jérusalem, il souffrirait beaucoup, il serait rejeté et mis à mort. Nous pouvons imaginer ce qui devait se passer alors dans le coeur de ses amis les plus intimes,les disciples : l’image d’un Messie fort et triomphant est mise à mal, leurs rêves sont brisés et l’angoisse les assaille à la pensée que le Maître en qui ils avaient cru serait tué comme le pire des malfaiteurs. C’est justement à ce moment-là que Jésus appelle Pierre, Jacques et Jean et les emmène avec lui sur la montagne.

L’Evangile dit : « Il les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne » (v. 2). Dans la Bible, la montagne a toujours une signification spéciale : c’est le lieu élevé, où ciel et terre se touchent, où Moïse et les prophètes ont fait l’expérience extraordinaire de la rencontre avec Dieu. Gravir la montagne c’est se rapprocher un peu de Dieu. Jésus monte en hauteur avec ses trois disciples et ils s’arrêtent au sommet de la montagne. Là, il se transfigure devant eux. Son visage rayonnant et ses vêtements resplendissants, qui anticipent l’image du Ressuscité, offrent à ces hommes apeurés la lumière de l’espérance, pour traverser les ténèbres : la mort ne sera pas la fin de tout, parce qu’elle ouvrira la gloire de la Résurection. Donc, Jésus annonce sa mort, les conduit sur la montagne et leur montre ce qu’il se passera après, la Résurrection.

Comme s’est exclamé l’apôtre Pierre (cf. v. 5), il est beau de s’arrêter avec le Seigneur sur la montagne, de vivre cette “anticipation” de la lumière au coeur du Carême. C’est une invitation à nous souvenir, spécialement quand nous traversons une épreuve difficile – et beaucoup parmi vous savent ce qu’est traverser une épreuve difficile – que le Seigneur est ressuscité et qu’il ne laisse pas l’obscurité avoir le dernier mot.

Il arrive parfois de traverser des moments d’obscurité dans la vie personnelle, familiale ou sociale, et de craindre qu’il n’y ait pas d’issue. Nous nous sentons effrayés face aux grandes énigmes comme la maladie, la souffrance de l’innocent ou le mystère de la mort. Sur le chemin de la foi, nous trébuchons souvent en rencontrant le scandale de la croix et les exigences de l’Evangile, qui nous demande de consacrer notre vie dans le service et de la dépenser dans l’amour, au lieu de la garder pour soi et de la défendre. Nous avons besoin, alors, d’un autre regard, d’une lumière qui éclaire en profondeur le mystère de la vie et qui nous aide à aller au-delà de nos schémas et des critères de ce monde. Nous sommes nous aussi appelés à gravir la montagne, à contempler la beauté du Ressuscité qui allume des lueurs dans chaque fragment de notre vie et qui nous aide à interpréter l’histoire et à partir de la victoire pascale.

Mais soyons attentifs : ce sentiment de Pierre qu’ “il est bon que nous soyons ici” ne doit pas devenir une paresse spirituelle. Nous ne pouvons pas rester sur la montagne et jouir tout seuls de la béatitude de cette rencontre. Jésus nous ramène dans la vallée, parmi nos frères et dans la vie quotidienne. Nous devons nous méfier de la paresse spirituelle : nous nous sentons bien, avec nos prières et nos liturgies, et cela nous suffit. Non ! Gravir la montagne, ce n’est pas oublier la réalité ; prier n’est jamais s’évader des fatigues de la vie ; la lumière de la foi ne sert pas à vivre une belle émotion spirituelle. Non, ce n’est pas le message de Jésus. Nous sommes appelés à faire l’expérience de la rencontre avec le Christ, éclairés par sa lumière, afin de l’apporter et de la faire resplendir partout. Allumer des petites lumières dans le coeur des personnes ; être des petites lampes d’Evangile qui apportent un peu d’amour et d’espérance : c’est la mission du chrétien.

Prions la Très Sainte Vierge Marie, afin qu’elle nous aide à accueillir avec émerveillement la lumière du Christ, à la protéger et à la partager.