Ciase : la recommandation oubliée

par Laëtitia Gonfalon

C’est parce qu’il était recommandé par un prêtre janséniste que le jeune Julien Sorel, personnage principal du roman de Stendhal « Le Rouge et le Noir » fut admis au séminaire, en dépit d’une vie sentimentale pour le moins agitée.

Cet exemple romanesque illustrant les errements du discernement d’une vocation au XIXème siècle n’est pas autant éloigné de la réalité que l’on pourrait le penser. Si l’on réfléchit aux causes des crimes mentionnés dans le rapport de la CIASE, on retrouve également l’extraordinaire légèreté, le manque de soins dans la détection des véritables vocations, et l’insouciance qu’a démontrée l’Église en appelant à la prêtrise des jeunes gens qui étaient encore au seuil de l’âge adulte et n’avaient pas accompli leur formation humaine.

Si l’on remonte aux années 50 d’où part l’enquête de la CIASE il convient de se rappeler que la majorité légale était alors fixée à 21 ans tandis que, simultanément, l’entrée dans la vie active se faisait plus tôt qu’aujourd’hui. En l’an 2021 la majorité légale est abaissée et l’entrée dans la vie active est retardée. Il en résulte une immaturité des jeunes hommes de 18 ans qui, bien que considérés majeurs et responsables, ont encore tout à apprendre de la vie et n’ont pas encore pleinement vécu leurs premières expériences affectives.

C’est sur cette population ainsi vulnérable que, dans le souci de faire du nombre et de remédier au déficit des vocations, se précipitent diverses communautés religieuses qui leur proposent au sortir du baccalauréat des festivals, des « studiums », des retraites d’orientation de vie, des « cheminements », des missions lointaines au goût exotique. Certains s’y laissent prendre et sont bien vite engagés vers la prêtrise sans bien connaître les tentations du monde ni leurs propres pulsions intimes qui se réveilleront ultérieurement auprès de leurs jeunes paroissiens sans qu’il leur soit possible de faire machine arrière.

Ce phénomène se trouve amplifié par l’allongement de l’espérance de vie que connaît notre génération : l’exposition à des sollicitations multiples dans notre société consumériste s’en trouve amplifiée et allongée. Le risque de commettre des actes illicites et des abus s’en trouve donc renforcé tout au long de l’existence. Ne vaut-il pas mieux, avant de prendre des engagements définitifs, commettre les erreurs de jeunesse et accumuler les bêtises que ne manque pas de faire tout être humain inexpérimenté ?

Pour ces raisons, il ne faut donc ordonner que de solides personnalités ayant déjà un vécu personnel et une expérience de la vie qui garantissent au mieux leur futur comportement dans l’exercice du ministère sacerdotal.

Par conséquent nous demandons à la CIASE de compléter son rapport par la recommandation numéro 46 qui a été oubliée et que nous formulons ainsi :

Améliorer le discernement vocationnel des futurs prêtres en n’acceptant que des candidats âgés de 25 ans ou plus.