Chantal Delsol, professeur émérite des universités en philosophie, membre de l’Institut, chroniqueur au Figaro. Auteur de « La fin de la chrétienté » (Cerf)
On ne le dira jamais assez : la quasi disparition du christianisme comme socle et producteur de références pour toute la société est l’un des caractères les plus marquants de notre époque. Encore faudrait-il ne pas aller trop vite. En 1977, Jean Delumeau se demandait déjà si le christianisme allait mourir mais il s’en réjouissait plutôt, voyant dans l’effervescence des années 60 un signe de renouveau, l’avènement d’une foi vraie, débarrassée des habitudes sociales.
Cinquante ans plus tard, Chantal Delsol ne pose plus la question et se montre affirmative : la fin de la chrétienté, annonce-t-elle sobrement. D’ailleurs, christianisme et chrétienté ne sont pas superposables. L’Eglise est aussi un Etat, donc un pouvoir temporel. Que fait-on de cette réalité qui vient de se manifester encore au travers de la rencontre entre Jean Castex et le pape François ?
Seize siècles de Chrétienté s’achèvent. Le temps présent connaît une inversion normative et philosophique qui nous engage dans une ère nouvelle.
La transition est brutale. Elle est difficile à accepter pour les défenseurs de l’âge qui s’efface.
De même que le vieillard tend à colorer le monde de sa propre décrépitude et à le voir décadent, de même il est des chrétiens qui, aujourd’hui, se plaisent à contempler le déclin du monde dans leur propre déclin.
Nous assistons en fait à une métamorphose. Le temps païen qui s’ouvre restaure les anciennes sagesses en même temps que les anciennes sauvageries. Le grand Pan est de retour.
L’ère chrétienne qui s’achève avait vécu sur le mode de la domination. Le christianisme doit inventer un autre mode d’existence. Celui du simple témoin. De l’agent secret de Dieu.