La Passion selon Matthieu

Voici quelques aspects de la Passion que Matthieu souligne, ou qu’il est seul à rapporter.

Jésus est présenté comme maître de la situation

« Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples. » (26,18) Dans sa Passion, Jésus nous est présenté par Mt comme maître des événements. Dans l’épisode de la préparation de la Pâque, par exemple, Jésus affirme : « c’est chez toi que je veux célébrer ». De même, lorsque Jésus rend le dernier souffle, Mt n’écrit pas : « il expira », mais : « il laissa partir son esprit » (27,50). Jésus donne librement sa vie pour nous.

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Mt souligne l’accomplissement des Écritures

Mt conserve dans le récit de la passion son souci de montrer l’unité des deux Testaments : comment le Nouveau accomplit la Loi et les Prophètes. Dans le récit de la passion, on peut souligner : lors de l’arrestation (26, 51-56, avec cette phrase emblématique de Jésus : « Comment alors s’accompliraient les Écritures d’après lesquelles il doit en être ainsi ? ») ; le marché de Judas est mis en rapport avec les 30 deniers d’argent en Za 11,12-13 ; les pièces d’argent jetées dans le champ du potier renvoie à Jr 19,1-4.6.10-11 ; le fiel que l’on donne à boire au lieu de la myrrhe et que Jésus goûte (absent chez Mc) accomplit Ps 69,22… Tout est sous contrôle !

20000 personnes dans les rues de Qaraqosh en Irak ce matin pour célébrer l’entrée de Jésus à Jérusalem (video 11′)

Jésus refuse l’utilisation de la puissance humaine et l’appel à la puissance divine

« Rentre ton épée…  Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges ? » (26,52-54). Jésus exprime à Pierre qu’il refuse de s’opposer à la violence par la violence, et aussi de recourir à une intervention miraculeuse de la puissance divine (cf. le récit des Tentations, Mt 4). Il choisit lucidement le chemin de l’humiliation, parce qu’il y reconnaît ce qui est conforme au dessein de Dieu révélé dans l’Écriture. Jusqu’au bout, Jésus est pour nous un modèle d’humilité et d’obéissance.

Le plan du récit met en vis-à-vis le suicide de Judas et au repentir de Pierre

« Judas, le traître, fut pris de remords en le voyant condamné ; il rapporta les trente pièces d’agent… il dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent ». Jetant les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre » (27,3-5). Judas, pris de remords, confesse qu’il a péché et que Jésus est innocent. Son geste, jeter l’argent dans le Sanctuaire, est un déni de sa trahison, et une accusation des chefs juifs, les vrais coupables.

Le reniement de Pierre est tout aussi déplorable que la trahison de Judas, car il renie Jésus non pas une, mais trois fois, et il le fait en prêtant serment et en jurant, chose que l’on fait devant Dieu et par le nom de Dieu. Il existe cependant une différence majeure entre les deux disciples. En effet, Pierre « se souvint de la parole de Jésus » (Mt 26, 75). Il revient par lui-même au souvenir et à l’enseignement de son maître. Faire mémoire, c’est actualiser.S’accrocher à la parole de Jésus, c’est être sauvé.

À l’opposé, Judas s’en remet… aux autorités juives, desquelles il attend une solution. Mais devant leur réponse, il tombe dans le désespoir et se suicide : « Que nous importe? À toi de voir! » (Mt 26, 25.49). Serait-ce le même désintérêt glaçant que nous voudrions graver dans la loi à venir sur le suicide assisté ?

Les ébranlements cosmiques manifestent que le temps de la fin est là

« Jésus rendit l’esprit. Et voici que le rideau du Temple se déchira en deux… la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s’ouvrirent… » (27,51-54). Le voile déchiré, l’ébranlement cosmique, présentent la mort de Jésus comme la fin de l’ancienne alliance. Et en disant que d’autres saints ont été ressuscités (accomplissement des prophéties de Ez 36,12-13 ; Dn 12,2), les événements de la fin sont, d’une certaine manière, anticipés à la mort de Jésus. Nous sommes maintenant dans les derniers temps, propulsés vers l’avant. « Le centurion et ceux qui gardaient Jésus… dirent : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! » Cette confession de foi du centurion, étendue à ses compagnons, amorce un mouvement de conversion chez les païens destiné à une grande ampleur, la mission universelle va commencer.

Même la garde dérisoire du tombeau annonce la résurrection !

« Les chefs des prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate en disant : « Seigneur… cet imposteur a dit de son vivant : « Trois jours après, je ressusciterai ». Donne donc l’ordre que le tombeau soit étroitement surveillé… de peur que ses disciples ne disent… : « Il est ressuscité d’entre les morts ». (27,63-64). La présence des gardes est l’occasion d’exprimer, avant même les récits d’apparitions, la foi en la résurrection. Ce récit étonnant rappelle la prédiction de Jésus et anticipe le témoignage apostolique. Pour Matthieu, la garde placée au tombeau garantit, sur le mode du récit, que les disciples n’avaient pas volé le corps de Jésus. Il rend compte aussi, sur un mode polémique, de l’origine du récit, qui serait une tromperie délibérée de la part des autorités juives (les grands prêtres et les pharisiens). La vérité, c’est que Jésus est ressuscité !