Ranimer l’espérance

Jésus et les deux disciples en route vers Emmaüs  (Luc 24,13-35)

En ouvrant l’Evangile pour regarder Jésus qui rencontre des personnes, Jésus qui leur apporte la Bonne Nouvelle et la lumière de Dieu, nous voulons aujourd’hui nous limiter à cette rencontre majeure que nous offre l’Evangile selon St Luc: la rencontre de Jésus avec les deux disciples qui se rendent à Emmaüs. On peut dire que, à travers cette rencontre, Jésus les fait passer de la déception à la joie.

La foi à l’épreuve du mal.

Ces deux personnes qui cheminent vers Emmaüs, savent que Jésus est mort sur la croix. Elles manifestent à travers leurs paroles combien leur foi vient d’être marquée par l’épreuve du mal. Ces deux disciples sont typiques à bien des points de vue de l’homme à évangéliser aujourd’hui . Et dans ce passage de l’Evangile, il faut faire ressortir tout ce qui peut nous servir pour l’évangélisation de personnes marquées effectivement par l’épreuve du mal.

On nous dit (v.13) que ces deux personnes font partie du groupe des disciples de Jésus au sens large, donc qu’elles ont reçu une certaine formation. Peut-être était-ce deux des soixante-douze qui ont été envoyés en mission. Et Luc, en décrivant leur cheminement, nous dit (vv.14,15.17) qu’ils parlent (suzètein=parler), discutent (homilein=argumenter), sont tristes. Ils “discutent” au sens d’une discussion violente, d’une discussion oiseuse. La mort de Jésus, c’est-à-dire l’épreuve du mal, les plonge dans la désillusion, dans le désarroi ; leur foi devient une foi désabusée.

Une foi désabusée. On pourrait dire que ces deux disciples représentent ces chrétiens qui n’ont plus la joie de la foi, parce qu’ils ont subi la morsure du mal, la morsure de l’épreuve. Ceci est d’autant plus répandu aujourd’hui que, dans certains pays, à travers l’impact de la télévision, le mal, la souffrance, sont donnés en spectacle. Il y a donc comme une sorte de croissance géométrique de l’expérience du mal.

Comment s’y prendre pour évangéliser ce type de croyants ? L’attitude de Jésus ressuscité qui se fait évangélisateur va nous offrir une piste.

Par sa présence et son écoute, Jésus ouvre la blessure.

Jésus va d’abord ouvrir la blessure dont souffrent ces deux personnes. Jésus s’approche, il fait route avec eux (v.15). Jésus se fait discret au point de leur demander ce qui se passe et de les inciter à partager leur problème. D’un air tout-à-fait goguenard, il leur dit: « Mais de quoi parliez-vous donc en chemin ? »

La morsure de l’épreuve va se révéler, dans leur réponse, de deux façons:

• Une certaine agressivité envers Jésus: « Mais enfin, tu es bien le seul à ignorer ce qui se passe à Jérusalem ! »  Elle montre qu’ils sont intérieurement dans une tristesse profonde.

• Une foi désabusée, une incrédulité qui s’est installée, comme s’ils avaient été trompés. Ils croyaient qu’il allait libérer Israël; mais, maintenant, il est mort, tout cela est fini.

Il est très curieux de constater qu’aux vv.19 à 24, ils récitent en fait le « je crois en Dieu ». Ils récitent le kérygme: oui, ils croyaient vraiment, ils ont fait l’expérience que c’était un prophète, que c’était quelqu’un de puissant en oeuvres. Mais, en fait, ils récitent le kérygme comme s’ils étaient les dindons de la farce: c’est une histoire qui s’est mal terminée.

Jésus, avec amour et pédagogie, commence par ouvrir la blessure dont ils souffrent en les laissant raconter de quoi ils souffrent et ce qui fait difficulté: l’expérience du mal qui les marque.

Jésus va soigner la morsure du mal à sa racine, en trois étapes.

1. Jésus commence d’abord par leur reprocher leur inintelligence et leur incrédulité.

Ce n’est peut-être pas la façon de s’y prendre qui porte les meilleurs fruits… et pourtant c’est bien ce que fait Jésus! Il les secoue : oui, ils se sont fait avoir, mais pas de la façon dont ils pensent! En fait ils ont succombé à la morsure du mal, ils ne l’ont pas surmontée.

Devant le mal, il faut se montrer plus astucieux que de baisser les bras, et plus croyant que de proclamer l’absence de Dieu. C’est cela que Jésus leur dit en leur disant: « O coeurs inintelligents à croire ce qu’avaient annoncé les prophètes ! »

2. Jésus leur cite ensuite la Bible, l’Ecriture, la Parole divine.

Il fait une longue catéchèse à partir de la Parole de Dieu pour montrer que, dans son Amour, Dieu permet que le mal puisse concourir à son plan. On ne sait pas de quoi Jésus a parlé. Mais Luc nous dit que, depuis la Loi et les Prophètes en passant par les Psaumes, Jésus fait une relecture complète de l’Ancien Testament. Il a donc dû leur parler d’Abraham, de Moïse, de l’expérience du peuple Hébreu au désert et ainsi de suite…

Et cette catéchèse biblique, où Jésus montre que les grands hommes de Dieu ont fait l’expérience du mal, et que sa mort sur la croix et sa résurrection étaient prophétisées, cette catéchèse biblique est décisive; et les deux disciples disent alors : « Notre coeur n’était-il pas tout brûlant pendant qu’il nous parlait en chemin ? » (v.32).

3. Enfin, Jésus se fait reconnaître comme vivant et proche d’eux au coeur même de leur épreuve.

C’est la fraction du pain, c’est l’Eucharistie, c’est le pain de la route qui fortifie et qui permet de surmonter l’épreuve. Jésus rompt le pain, et ils le reconnaissent à la fraction du pain. Ils communient à Jésus crucifié-ressuscité, touché par le mal et victorieux du mal…

Autrement dit, il y a un don d’Amour, une expérience de l’Amour guérissant. Oui, Dieu est bon, et Sa bonté est encore plus forte que le mal. Dans nos rencontres évangélisatrices, ce peut être la prière que nous faisons avec cette personne blessée pour demander au Seigneur qu’Il lui redonne la paix…

Telle est la façon dont Jésus s’y prend pour soigner la morsure du mal jusqu’à sa racine en trois étapes : d’abord secouer ces deux personnes en leur reprochant leur inintelligence et leur incrédulité. Ensuite, il leur cite longuement la Bible, l’Ecriture, la Parole divine. Enfin, il se fait reconnaître comme vivant et proche d’eux au coeur même de leur épreuve, d’une expérience d’un amour guérissant.

Au coeur même de la souffrance du monde, seul un chrétien qui communie à Jésus vivant peut être un témoin de la victoire de l’Amour sur le mal.

C’est donc la Parole de Dieu et l’expérience de la proximité de Dieu en Jésus crucifié ressuscité qui sont les véritables moyens de notre mission pour redonner la possibilité de croire en l’Amour de Dieu à tant de chrétiens qui sont désabusés. Et c’est alors permettre d’accueillir le signe de l’évangélisation véritable qui est la joie.

Très souvent, nous sommes tout-à-fait désarçonnés, décontenancés, devant des personnes très profondément marquées par l’expérience du mal. Nous ne savons pas quoi leur dire. Jésus nous invite à nous faire proches d’elles, à les entretenir longuement à partir de la Parole de Dieu (ne pas hésiter à citer l’Ecriture, la Parole de Dieu; cela peut nous sembler un peu difficile, et pourtant c’est ce que fait Jésus).

Et à partir de là va naître une expérience de l’amour de Dieu, une compréhension de l’amour de Dieu qui nous montrera à partir de la joie qui naîtra dans le coeur de ces personnes qu’elles ont véritablement été évangélisées. Elles ne se sont pas arrêtées à l’expérience du mal, et de la souffrance, et de la croix, mais véritablement la résurrection commence à irriguer leur coeur.

Merci Jésus, toi qui as voulu passer par nos souffrances, par nos épreuves, par notre mort. Merci Jésus de nous donner le témoignage de ta résurrection à travers l’Ecriture et au fond de notre coeur. Et aussi par tant de signes au long de notre vie quotidienne. Merci Jésus d’être le vivant qui te fait proche de chacun de nous.

VOR AUSSI LA FICHE 101, à l’onglet « Fiches » sous le titre du blog.

D. Auzenet