Le Noël des deux papes et Grégoire le Grand

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Traduction : http://benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/le-nol-des-deux-papes-vu-par-gregoire-le-grand.html

La visite d’avant-Noël du pape François à son prédécesseur Benoît XVI a proposé à nouveau au monde l’image des deux papes ensemble.

Comme fait historique, c’est sans précédent. Mais quel est le «mystère» que ce fait cache tout en le révélant?

«Factum audivimus, mysterium inquiramus», disait le pape Grégoire le Grand. Et dans un passage de ses Homélies sur Ezéchiel, il y a peut-être le sens de cet événement absolument extraordinaire dans la vie de l’Eglise: la présence simultanée de deux papes en communion l’un avec l’autre, l’un et l’autre visiblement conscients de cette mystérieux coexistence prédisposée par la main de Dieu.

Le blog Papa Gregorio Magno – tenu par un moine de l’abbaye de Rome fondée au VIe siècle par le grand père de l’Eglise – a reproposé à la veille de Noël son commentaire d’Ezéchiel 1, 8: « Sous leurs ailes, des quatre côtés, ils avaient des mains humaines».
Et il l’a accompagné d’un commentaire qui applique justement à Benoît et François les deux paradigmes de la vie contemplative et de la vie active (ici).

Grégoire dit:
« Qu’est-ce que la main sinon la vie active? Et que sont les ailes, sinon la vie contemplative? La main des hommes est sous leurs ailes, comme pour dire que la valeur de l’activité est liée au vol de la contemplation. Les deux femmes de l’Evangile, Marthe et Marie, symbolisent bien cela. Marthe était toute entière prise par les nombreux services, mais Marie était assise aux pieds du Seigneur, elle écoutait sa parole. L’une était prise par l’action, l’autre par la contemplation. L’une était engagés dans la vie active avec un service extérieur, l’autre dans la vie contemplative avec le coeur suspendu à la Parole. Or, bien que la vie active soit bonne, la vie contemplative est mieux, parce que la première se termine avec cette vie mortelle, tandis que la deuxième, atteint sa plénitude dans la vie immortelle. C’est pourquoi il est dit que Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas enlevée. Puisque la vie active est inférieure, en dignité, à celle contemplative, à juste titre on dit ici: Sous les ailes, ils avaient des mains humaines (Ezéchiel 1, 8). En effet, si par le biais de la vie active, nous accomplissons quelque chose de bien, cependant, par le biais de la vie contemplative avec le désir nous volons vers le ciel».

Et il conclut:
« La vie active, dans l’ordre du temps, précède la vie contemplative, parce qu’en oeuvrant bien, on tend à la contemplation. La vie contemplative est cependant supérieure, à cet égard, à la vie active, parce qu’elle goûte déjà, dans sa saveur intime, le repos futur».

Mais ensuite, il reprend. Et surprend:
« Pour Moïse, la vie active est appelée servitude, tandis que celle contemplative est appelée liberté. Et bien que l’une et l’autre vie soient un don de la grâce, cependant, aussi longtemps que nous vivons au milieu du prochain, l’une est nécessaire, et l’autre volontaire. Qui, en effet, connaissant Dieu peut entrer dans son royaume si auparavant il n’a pas fait le bien? Par conséquent, sans la vie contemplative, seuls peuvent aller à la patrie céleste ceux qui n’ont pas négligé les bonnes œuvres qu’ils peuvent accomplir; les contemplatifs, en revanche, ne peuvent y accéder sans la vie active, c’est-à-dire s’is négligent les bonnes œuvres qu’ils peuvent accomplir. La vie active est donc nécessaire, celle contemplative est volontaire. L’une se vit en état de servitude, l’autre en état de liberté».

A ce stade, le moine de Saint-Grégoire au Celio commente:
«La vie contemplative est ‘maior’, mais elle ne donne pas accès à la patrie céleste si elle n’est pas précédée par la vie active, qui, bien que ‘minor’, a les clés destinées à ouvrir le royaume des cieux. Pour accéder à la ‘libertas’, il faut passer par la ‘servitus’. Génial pape Grégoire! Nous sommes dans les années des deux papes, l’un actif et l’autre contemplatif».

Lorsque le soir du 21 Novembre, le pape François est allé sur l’Aventin dans le monastère de Saint Antoine de Camaldules, la branche féminine du monastère Saint-Grégoire au Celio (http://fr.radiovaticana.va), et a visité la cellule où avait vécu cloîtrée une religieuse provenant des États-Unis, Nazarena, le moine qui publie le blog «Papa Gregorio Magno» en tirait cette réflexion:

«Le Pape François et la recluse Nazarena viennent tous deux des Amériques: l’une du Nord, l’autre du Sud, mais avec les rôles inversés. En effet, l’américaine, avec la réclusion, souligne la contemplation, et l’Argentin, avec ses chois pastoraux, l’action. Mais ensuite, au-dessus d’eux, veille le Grand Ancien de l’Eglise, Benoît XVI, comme un signe posé sur la montagne de l’attente du royaume, qui se construit, mais ne se conclut pas, ici sur cette terre. Quelle merveille de Dieu!».

Voir aussi http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/12/25/01016-20131225ARTFIG00062-le-pape-francois-et-benoit-xvi-prient-ensemble.php