Catéchèse du pape François sur la famille 14

Catéchèse du pape François 22 avril 2015

Chers frères et sœurs,

Dans la précédente catéchèse sur la famille, je me suis arrêté sur le premier récit de la création de l’être humain, dans le premier chapitre de la Genèse, où il est écrit : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme » (1,27).

Aujourd’hui, je voudrais compléter cette réflexion par le second récit, que nous trouvons au deuxième chapitre. Nous lisons ici que le Seigneur, après avoir créé le ciel et la terre, « modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » (2,7). C’est le sommet de la création. Mais il manque quelque chose : Dieu met ensuite l’homme dans un très beau jardin pour qu’il le cultive et le garde (cf. 2,15).

L’Esprit-Saint, qui a inspiré toute la Bible, suggère pendant un moment l’image de l’homme seul – il lui manque quelque chose -, sans la femme. Et il suggère la pensée de Dieu, presque le sentiment de Dieu qui le regarde, qui observe Adam seul dans le jardin : il est libre, il est seigneur… mais il est seul. Et Dieu voit que cela « n’est pas bon» : c’est comme un manque de communion, il lui manque une communion, un manque de plénitude. « Ce n’est pas bon », dit Dieu, et il ajoute : « je vais lui faire une aide qui lui correspondra » (2,18).

Alors Dieu présente à l’homme tous les animaux ; l’homme donne à chacun d’eux son nom – et ceci est une autre image de la seigneurie de l’homme sur la création -, mais il ne trouve en aucun animal l’autre semblable à lui. L’homme continue seul. Quand finalement Dieu présente la femme, l’homme reconnaît en exultant que cette créature, et celle-là seulement, fait partie de lui : « l’os de mes os et la chair de ma chair » (2,23).

Finalement, il y a un reflet, une réciprocité. Quand une personne – c’est un exemple pour bien comprendre cela – veut donner la main à une autre, elle doit l’avoir devant elle : si on donne la main et qu’on n’a personne, la main reste là… il lui manque la réciprocité. C’est ainsi qu’était l’homme, il lui manquait quelque chose pour arriver à sa plénitude, il lui manquait la réciprocité. La femme n’est pas une « réplique » de l’homme ; elle vient directement du geste créateur de Dieu. L’image de la « côte » n’exprime pas du tout l’infériorité ou la subordination mais, au contraire, que l’homme et la femme sont de la même substance et sont complémentaires et qu’ils ont une réciprocité. Et le fait que – toujours dans la parabole – Dieu façonne la femme pendant que l’homme dort, souligne précisément qu’elle n’est en aucune façon une créature de l’homme, mais de Dieu. Cela suggère aussi autre chose : pour trouver la femme – et nous pouvons dire pour trouver l’amour dans la femme -, l’homme doit d’abord la rêver et il la trouve ensuite.

La confiance de Dieu dans l’homme et dans la femme, auxquels il confie la terre, est généreuse, directe et pleine. Il leur fait confiance. Mais voilà que le malin introduit dans leur esprit le soupçon, l’incrédulité, la méfiance. Et finalement arrive la désobéissance au commandement qui les protégeait. Ils tombent dans ce délire de la toute-puissance qui pollue tout et détruit l’harmonie. Nous aussi, nous le sentons bien souvent en nous, tous.

Le péché génère la méfiance et la division entre l’homme et la femme. Leur rapport sera menacé par mille formes d’abus et d’assujettissement, de séduction trompeuse et d’arrogance humiliante, jusqu’aux plus dramatiques et violentes. L’histoire en porte les traces. Pensons, par exemple, aux excès négatifs des cultures patriarcales. Pensons aux multiples formes de machisme où la femme est considérée comme étant de seconde classe. Pensons à l’instrumentalisation et à la marchandisation du corps féminin dans la culture actuelle des médias. Mais pensons aussi à la récente épidémie de méfiance, de scepticisme, et jusqu’à l’hostilité qui se répand dans notre culture – en particulier à partir d’une méfiance compréhensible des femmes – à l’égard d’une alliance entre l’homme et la femme qui soit capable, à la fois, d’affiner l’intimité de la communion et de garder la dignité de la différence.

Si nous ne trouvons pas un sursaut de sympathie pour cette alliance, capable de mettre les nouvelles générations à l’abri de la méfiance et de l’indifférence, les enfants viendront au monde de plus en plus déracinés de celle-ci dès le sein maternel. La dévalorisation sociale de l’alliance stable et générative de l’homme et de la femme est certainement une perte pour tout le monde. Nous devons remettre à l’honneur le mariage et la famille ! La Bible dit quelque chose de beau : l’homme trouve la femme, ils se rencontrent et l’homme doit quitter quelque chose pour la trouver pleinement. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour aller vers elle. C’est beau ! Cela signifie commencer une nouvelle route. L’homme est tout entier pour la femme et la femme est tout entière pour l’homme.

La garde de cette alliance de l’homme et de la femme, même s’ils sont pécheurs et blessés, confus et humiliés, méfiants et incertains, est donc pour nous, croyants, une vocation exigeante et passionnante, dans la situation d’aujourd’hui. Le même récit de la création et du péché conclut ainsi : « Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit » (Gn 3,21). C’est une image de tendresse envers ce couple pécheur qui nous laisse bouche bée : la tendresse de Dieu pour l’homme et pour la femme ! C’est une image de la protection paternelle du couple humain. Dieu lui-même prend soin de son chef-d’œuvre et le protège.