Pour une démarche jubilaire 1

Écouter l’homélie du dimanche 14 février à la paroisse Saint Aubin (72), 1er dimanche de Carême C.

Le Jubilé ?

1. Dans l’Ancien Testament, le Jubilé, un temps consacré à Dieu

Devinette : quel rapport y a-t-il entre le cor et le jubilé ? En hébreu, c’est le même mot : yobel, qui signifie le bélier, désigne aussi la corne, l’instrument dont on se sert pour annoncer le début de l’année jubilaire (et d’autres solennités). Que savons-nous de ce fameux jubilé ? Lisons Lévitique 25.

Tout comme le sabbat est fixé au septième jour, et que l’année sabbatique est la dernière d’une période de sept ans, le jubilé arrive au terme de sept « semaines » ou septénaires d’années : « Vous déclarerez sainte la cinquantième année ;… ce sera pour vous un jubilé ».

La dernière année de chaque septénaire était déjà considérée comme particulière : c’est une année de repos, comme un grand sabbat, pour la terre d’abord : « Tu ne sèmeras pas ton champ, tu ne tailleras pas ta vigne ». Le repos pour la terre et pour les hommes ne va pas sans la confiance que cela suppose à l’égard du Créateur. La terre et le temps appartiennent en réalité au Seigneur.

L’année du Jubilé doit voir le retour de chacun dans sa propriété. Dans les actes d’achat et de vente on tient compte de cette échéance. En fait, la terre n’est jamais réellement vendue, mais seulement « un certain nombre de récoltes », et le prix est calculé en fonction des années qui restent avant le jubilé. Car, la cinquantième année, la terre revient au clan.

Année de redistribution des biens et des chances, l’année sainte devait également être le temps de la libération voulue par le Dieu d’Israël. Il pouvait arriver qu’un homme accablé de dettes n’ait plus d’autre choix que de se vendre, avec toute sa famille. Le texte précise que ce temps de service est limité : « Il sera ton serviteur jusqu’à l’année du jubilé ; alors il sortira de chez toi avec ses enfants et il retournera à son clan ».

2. Jésus, celui en qui les Jubilés trouvent leur épanouissement

Jésus de Nazareth, s’étant rendu un jour dans la synagogue de sa ville, se leva pour faire la lecture (cf. Lc 4, 16-30). On lui donna le rouleau du prophète Isaïe, dans lequel il lut le passage suivant : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi, car le Seigneur m’a donné l’onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance, proclamer une année de grâce de la part du Seigneur » (61, 1-2).

Le prophète parlait du Messie. « Aujourd’hui — ajouta Jésus — cette Écriture est accomplie pour vous qui l’entendez » (Lc 4, 21), faisant comprendre qu’il était lui-même le Messie annoncé et qu’en lui commençait le « temps » si attendu : le jour du salut était arrivé, la « plénitude du temps ». Tous les jubilés se rapportent à ce « temps » et concernent la mission messianique du Christ, venu comme « consacré par l’onction » de l’Esprit Saint, comme « envoyé par le Père ».

3. Pour l’Église, un Jubilé est une année de grâce

« Pour l’Église, le Jubilé est précisément cette « année de grâce », année de la rémission des péchés et des peines dues aux péchés, année de la réconciliation entre les adversaires, années de multiples conversions et de pénitence sacramentelle et extra-sacramentelle » (Jean-Paul II, TMA, 14)

 

Les Jubilés dans l’histoire

1. 1300 Le premier Jubilé chrétien

L’initiative de la première Année Sainte ne fut pas prise par le pape, mais par le peuple chrétien. Dès le premier janvier 1300, des foules nombreuses de pèlerins affluent vers Rome. Ils espèrent, en cet anniversaire de la naissance de Jésus et à l’occasion de la visite aux tombeaux des apôtres Pierre et Paul, être délivrés de leurs fautes et des peines encourues. Rome est en paix. Boniface VIII, un homme au caractère rude, occupe le siège de saint Pierre depuis 6 ans. Répondant au désir de la foule, le pape promulgue (avec effet rétroactif) le 22 février 1300 le premier jubilé chrétien. L’Année Sainte doit aller de Noël 1299 à Noël 1300. Boniface VIII veut ainsi signifier que l’Année Sainte sera désormais une des manières de célébrer le centenaire de la naissance de Jésus. Tout au long de l’année, la Basilique Saint-Pierre reste ouverte jour et nuit.

2. Les Jubilés chrétiens dans l’histoire

À partir du 14°siècle les jubilés jalonnent l’histoire de l’Église. On peut y voir une manière de sanctifier le temps. La périodicité des jubilés a d’abord varié pour se fixer peu à peu, mais jamais définitivement.

Boniface VIII (1294-1303) avait prévu un jubilé tous les siècles. Cependant, comme l’année jubilaire juive était célébrée tous les 50 ans, Clément VI (1342-1352) fixa le second jubilé pour 1350. Urbain VI (1378-1389) réduisit le rythme des jubilés à 33 ans, durée présumée de la vie de Jésus. L’intervalle entre deux jubilés fut encore réduit à 25 ans par Paul II (1404-1471). Un Jubilé par génération. Ainsi depuis 1470 jusqu’au 19° siècle les jubilés se succèdent à ce rythme. Outre ces jubilés ordinaires on peut relever 85 jubilés extraordinaires, dont 65 au niveau universel, les autres répondant à des circonstances particulières d’un pays.

3. Le Jubilé de la miséricorde en 2016

Pape François, 11 avril 2015

2. Nous avons toujours besoin de contempler le mystère de la miséricorde. Elle est source de joie, de sérénité et de paix. Elle est la condition de notre salut. Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité. […]

3. Il y a des moments où nous sommes appelés de façon encore plus pressante, à fixer notre regard sur la miséricorde, afin de devenir nous aussi signe efficace de l’agir du Père. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu ce Jubilé Extraordinaire de la Miséricorde, comme un temps favorable pour l’Église, afin que le témoignage rendu par les croyants soit plus fort et plus efficace.

14. Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année Sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, et l’être humain un viator, un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte Sainte à Rome, et en tous lieux, chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion : en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous.

Le Seigneur Jésus nous montre les étapes du pèlerinage à travers lequel nous pouvons atteindre ce but : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous » (Lc 6, 37-38).

25. Une Année Sainte extraordinaire pour vivre dans la vie de chaque jour la miséricorde que le Père répand sur nous depuis toujours. Au cours de ce Jubilé, laissons-nous surprendre par Dieu. Il ne se lasse jamais d’ouvrir la porte de son cœur pour répéter qu’il nous aime et qu’il veut partager sa vie avec nous. L’Église ressent fortement l’urgence d’annoncer la miséricorde de Dieu. […] 3 Le Jubilé de 2016, plus centré sur les œuvres de miséricorde Voir le diaporama spécifique. « J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles. Ce sera une façon de réveiller notre conscience souvent endormie face au drame de la pauvreté, et de pénétrer toujours davantage le cœur de l’Évangile, où les pauvres sont les destinataires privilégiés de la miséricorde divine. La prédication de Jésus nous dresse le tableau de ces œuvres de miséricorde, pour que nous puissions comprendre si nous vivons, oui ou non, comme ses disciples. Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles […] Et n’oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles […] ». (Pape François, MV n° 15, 11 avr. 2015)

Suite dimanche prochain.