Sainte Maria Goretti, martyre de la pureté (1890-1902)

Maria naît dans le petit village de Corinaldo, le 16 octobre 1890, troisième d’une famille de sept enfants. En 1899, son père, cultivateur pauvre, déménagea dans une ferme au bord de la Méditerranée, près de Nettuno. Il mourut peu de temps après, laissant six enfants à nourrir.

Assunta, son épouse, décida de continuer la rude tâche à peine commencée et confia la garde des petits à Marietta, qui n’était alors âgée que de neuf ans. La petite fille d’une maturité précoce devint très vite une parfaite ménagère. Le jour de la Fête-Dieu, elle communia pour la première fois avec une ferveur angélique. Elle s’appliquait avec délices à la récitation quotidienne du chapelet. Maria Goretti ne put apprendre à lire, car la pauvreté et l’éloignement du village l’empêchèrent de fréquenter l’école. La pieuse enfant ne tint cependant aucun compte des difficultés et des distances à parcourir lorsqu’il s’agissait de recevoir Jésus dans le Saint Sacrement. « Je puis à peine attendre le moment où demain j’irai à la communion », dit-elle l’après-midi même où elle allait sceller de son sang sa fidélité à l’Époux des vierges.

Les Serenelli, proches voisins de la famille Goretti, étaient des gens serviables et honnêtes, mais leur fils Alessandro se laissait entraîner par des camarades corrompus et des lectures pernicieuses. Il venait aider la famille Goretti pour des travaux agricoles trop pénibles. Maria l’accueillait, reconnaissante, trop pure pour se méfier. Ce jeune homme ne tarda pas à lui tenir des propos abjects, en lui défendant de les répéter. Sans bien comprendre le péril qui la menaçait et craignant d’être en faute, Maria avoua tout à sa mère. Avertie d’un danger qu’elle ignorait, elle promit de ne jamais céder.

Alessandro Serenelli devenait de plus en plus pressant, mais prudente, l’adolescente s’esquivait le plus possible de sa présence. Furieux de cette sourde résistance, le jeune homme guettait le départ de la mère pour pouvoir réaliser ses desseins pervers. L’occasion tant attendue se présenta le matin du 6 juillet 1902. Alessandro se précipita brutalement sur Maria, alors seule et sans défense. Brandissant sous ses yeux un poinçon dont la lame acérée mesurait 24 centimètres, il lui fit cette menace : « Si tu ne cèdes pas, je vais te tuer ! » La jeune chrétienne s’écria : « Non! C’est un péché, Dieu le défend ! Vous iriez en enfer ! » Déchaîné par la passion, n’obéissant plus qu’à son instinct, l’assassin se jette sur sa proie et la laboure de quatorze coups de poinçon.

Lorsque Assunta est mise au courant du drame, Maria gît mourante à l’hôpital de Nettuno. Le prêtre au chevet de la martyre, lui rappelle la mort de Jésus en croix, le coup de lance et la conversion du bon larron : « Et toi, Maria, pardonnes-tu ? lui demanda-t-il. – “Oh, oui ! murmura sans hésitation la douce victime, pour l’amour de Jésus, qu’il vienne avec moi au Paradis.” » Les dernières paroles que la Sainte prononça au milieu d’atroces douleurs, furent celles-ci : « Que fais-tu Alessandro ? Tu vas en enfer ! » et comme elle se détournait dans un ultime effort, son cœur cessa de battre.

Alessandro Serenelli fut condamné à une peine de trente ans de prison. Après huit années d’incarcération, une nuit de 1910, il rêva que Maria lui offrait des lys qui se transformaient en lumières scintillantes. Ce rêve lui fit réaliser le mal qu’il avait fait et il se repentit. Il fut libéré en 1929, après vingt-sept années de détention.

Dans la nuit de Noël 1934, il alla jusqu’à Corinaldo, où était retournée la mère de Marietta, Assunta Goretti, qui à cette époque était au service du curé, et la supplia de lui pardonner. Elle accepta en disant : « Dieu vous a pardonné, ma Marietta vous a pardonné, moi aussi je vous pardonne. » Tous deux assistèrent à la messe ensemble le lendemain, recevant la Sainte Communion, l’un à côté de l’autre, sous le regard très étonné des paroissiens.

C’est ensemble également qu’ils assistèrent le 27 avril 1947 aux cérémonies de la béatification et à celles de la canonisation de Marietta le 24 juin 1950, par le vénérable pape Pie XII (Eugenio Pacelli, 1939-1958). Ce fut la première fois qu’une mère assistait à la canonisation de sa fille.

Dans son allocution, le Saint-Père déclarait : « Elle est le fruit mûr d’une famille où l’on a prié tous les jours, où les enfants furent élevés dans la crainte du Seigneur, l’obéissance aux parents, la sincérité et la pudeur, où ils furent habitués à se contenter de peu, toujours disposés à aider aux travaux des champs et à la maison, où les conditions naturelles de vie et l’atmosphère religieuse qui les entouraient les aidaient puissamment à s’unir à Dieu et à croître en vertu. Elle n’était ni ignorante, ni insensible, ni froide, mais elle avait la force d’âme des vierges et des martyrs, cette force d’âme qui est à la fois la protection et le fruit de la virginité. »

Alessandro Serenelli, devenu membre du Tiers-Ordre franciscain, travaillait depuis 1936 en tant que jardinier du Couvent des Pères Capucins d’Ascoli Piceno, puis, plus tard, au couvent de Macerata où il passa le reste de sa vie à leur service. Il y mourut le 6 mai 1970, à l’âge de 88 ans, après avoir rédigé un testament des plus édifiants.

Alessandro Serenelli, testament autographe, 5 mai 1961:

« Je suis âgé de presque 80 ans, et ma journée va bientôt se terminer. Si je jette un regard sur mon passé, je reconnais que dans ma première jeunesse j’ai pris un mauvais chemin : celui du mal qui m’a conduit à la ruine ; j’ai été influencé par la presse, les spectacles et les mauvais exemples que la plupart des jeunes suivent sans réfléchir, mais je ne m’en souciais pas. J’avais auprès de moi des personnes croyantes et pratiquantes, mais je ne faisais pas attention à elles, aveuglé par une force brutale qui me poussait sur une route mauvaise. À vingt ans j’ai commis un crime passionnel, dont le seul souvenir me fait encore frémir aujourd’hui.

Maria Goretti, qui est aujourd’hui une sainte, a été le bon ange que la Providence avait mis devant mes pas. Dans mon cœur j’ai encore l’impression de ses paroles de reproche et de pardon. Elle a prié pour moi, intercédé pour moi, son assassin. Trente ans de prison ont suivi. Si je n’avais pas été mineur, j’aurais été condamné à vie. J’ai accepté la sentence méritée ; j’ai expié ma faute avec résignation. Marie a été vraiment ma lumière, ma Protectrice ; avec son aide j’ai acquis un bon comportement et j’ai cherché à vivre de façon honnête lorsque la société m’a accepté à nouveau parmi ses membres. Avec une charité séraphique les fils de saint François, les frères mineurs capucins des Marches, m’ont accueilli parmi eux non comme un serviteur, mais comme un frère. C’est avec eux que je vis depuis 1936. Et maintenant j’attends avec sérénité le moment où je serai admis à la vision de Dieu, où j’embrasserai de nouveau ceux qui me sont chers, où je serai près de mon ange gardien et de sa chère maman, Assunta.

Puissent ceux qui liront ma lettre en tirer l’heureuse leçon de fuir dès l’enfance le mal et de suivre le bien. Qu’ils pensent que la religion avec ses préceptes n’est pas une chose dont on puisse se passer, mais qu’elle est le vrai réconfort, la seule voie sûre dans toutes les circonstances, même les plus douloureuses de la vie. Pax et Bonum (Paix et bien !) ».

Du pape François, le 3 juillet 2016

Dans un message au diocèse d’Albano, où vécut la jeune sainte italienne célébrée le 6 juillet, le pape rend hommage à sa « très généreuse offrande du pardon » qui constitua « pour son meurtrier, le début de ce sincère chemin de conversion qui, à la fin, le conduira à goûter l’abandon confiant dans les bras du Père ». Le pape a évoqué la jeune sainte comme un exemple pour le Jubilé de la miséricorde, après l’angélus de dimanche, 3 juillet.

Message du pape François pour la fête de « Marietta »

On m’a dit que, pendant ce Jubilé de la miséricorde, vos communautés ont voulu porter un regard et une attention particulière à sainte Maria Goretti, vénérée comme patronne de vos Églises particulières.

La pauvreté et la nécessité impérieuse d’un travail ont poussé la famille Goretti à émigrer de leur Corinaldo natif (dans les Marches) vers l’Agro Romano d’abord, puis au cœur de ce qu’étaient, à l’époque, les marais pontins, terres fertiles mais dangereuses à cause de la malaria ; larmes et pauvreté accompagnaient hier – comme, dramatiquement, aujourd’hui encore – les chemins de familles et de peuples, dont l’origine était les causes les plus variées, entre autres la pauvreté (cf. Amoris laetitia, n.46)

Cette circonstance nous fait sentir encore plus proche cette fillette que, comme c’était l’usage dans sa famille d’origine, vous continuez d’appeler Marietta ; sa famille vivait dignement cette situation et tandis que Maman Assunta allait travailler, Marietta s’occupait de ses frères et les gardait à la maison.

La ferveur avec laquelle Marietta s’est préparée à recevoir l’Eucharistie pour la première fois est émouvante, ferveur avec laquelle, par la suite, elle s’approchait de la table eucharistique. Même si, vu la situation des lieux et les circonstances de sa vie, elle ne put se nourrir du Christ que quelques rares fois, un témoin rappelle, à ce propos, cette expression significative de la petite Goretti : « Quand irons-nous faire la communion ? Je suis impatiente ! » ; au nombre de fois a donc suppléé l’intensité de son amour pour Jésus Eucharistie, sans la force de qui elle n’aurait pu accomplir le choix fondamental de sa brève existence ; c’est pourquoi le vénérable Pie XII, le jour de sa canonisation, pouvait affirmer que le lys candide de sa virginité avait été rougi par le sang des martyrs (cf. AAS 42[1950], 579).

Aujourd’hui, j’aime souligner que, au moment où, blessée à mort, elle accomplit le choix suprême de sa vie, Marietta ne pensait plus à elle-même mais à protéger celui qui l’avait touchée à mort : « Comme cela, tu vas en enfer… » répétait-elle à Alessandro Serenelli ; Nous connaissons bien les paroles de pardon qu’elle eut pour lui ; sur son lit de mort, au chapelain de l’hôpital de Nettuno, elle dit : « Je lui pardonne et je le veux avec moi au paradis ». Dans la bulle Misericordiae Vultus, j’ai souligné que « le pardon [des offenses] devient l’expression la plus manifeste de l’amour miséricordieux, et pour nous chrétiens, c’est un impératif auquel nous ne pouvons pas nous soustraire. Bien souvent, il nous semble difficile de pardonner ! Cependant, le pardon est le moyen déposé dans nos mains fragiles pour atteindre la paix du cœur » (n. 9).

C’est justement cette très généreuse offrande du pardon qui accompagne la mort sereine de la jeune Marietta et qui constitue, pour son meurtrier, le début de ce sincère chemin de conversion qui, à la fin, le conduira à goûter l’abandon confiant dans les bras du Père des miséricordes.

Je sais que, nombreux, avec vos évêques et vos prêtres, vous vous recueillez dans les lieux liés à la mémoire de Marietta : à Le Ferriere, où elle fut blessée à mort ; à la « tente du pardon » à Nettuno, où elle est morte ; au sanctuaire de Notre Dame des Grâces et de Sainte Maria Goretti, où son corps est vénéré. Que ce parcours dans les lieux où demeure vive sa mémoire vous stimule pour vous engager, comme la sainte que vous vénérez, à être des témoins du pardon. Comme je l’ai écrit dans la bulle Misericordiae vultus, « le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance » (n. 10) : c’est le vœu avec lequel, de tout cœur, je vous envoie mon salut et ma bénédiction et, avec eux, je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi.