Les pièges de l’autorité

Écouter l’homélie du 5 novembre 2017, 31° dimanche dans l’année A, à la paroisse Saint Aubin (72).

Premier piège, « ils disent et ne font pas » : ce travers est tellement humain que de nombreux commentaires juifs de la Bible insistaient sur l’importance de pratiquer ce qu’on enseigne. « Celui qui observera les commandements et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux » (Mt 5,19). « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7, 21).

Deuxième piège, pratiquer l’autorité comme une domination et non comme un service : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » L’avoir, le savoir, le pouvoir, peuvent être prétexte à domination ou à supériorité ; alors que cela peut aussi bien être vécu comme un merveilleux moyen de servir les autres : encore ne faudrait-il jamais oublier que tout ce que nous possédons nous est seulement confié comme une responsabilité à exercer au bénéfice de tous.

Troisième piège, vouloir paraître : « Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères1 et rallongent leurs franges. » Qui n’est jamais tombé dans ce travers d’aimer paraître, d’attirer sur soi la considération et l’intérêt ? Et pourtant, peu importe le nom du prédicateur (ou du théologien, ou du bibliste) : pourvu que, à travers ses paroles, l’auditoire ait entendu la Parole de Dieu.

Quatrième piège, se croire important, avoir le goût des honneurs : « Ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi ». Pourtant, les titres, les décorations gardent un sens : mais ce n’est pas la personne titrée ou décorée qui est en jeu, ce sont plus profondément les valeurs qu’elle représente. Il faut être très humble pour porter sans ridicule les honneurs dûs à son rang.

« Ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, ne donnez à personne sur terre le nom de Père… ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres ». Voici, encore une fois, dans les paroles de Jésus, un appel à la liberté : que ceux qui portent un titre ne prennent pas les honneurs pour eux et se comportent en serviteurs ; que ceux qui n’en portent pas ne tombent pas dans la servilité ou la courtisanerie !

Jésus termine en disant : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé ». Nous ne sommes pas dans le registre de la récompense ou de la punition. Il ne s’agit pas non plus de prendre plaisir à s’humilier. Beaucoup plus profondément, il y a là une des grandes lois de la vie : la force de l’humilité. Dans le mot « humilité », il y a « humus » (terre). Le secret c’est d’être assez lucide pour se reconnaître petit, à ras de terre ; et alors on est tout étonné de se nourrir des richesses de nos frères et de la grâce de Dieu.

(Marie-Noëlle Thabut)

Paroles du pape avant l’angélus

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Evangile d’aujourd’hui (cf. Mt 23,1-12) se déroule dans les derniers jours de la vie de Jésus, à Jérusalem ; des jours chargés d’attentes et de tensions. D’un côté Jésus adresse des critiques sévères aux scribes et aux pharisiens, et de l’autre il laisse des consignes importantes aux chrétiens de tous les temps, donc à nous aussi.

Il dit à la foule : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le ». Cela veut signifier qu’ils ont l’autorité d’enseigner ce qui est conforme à la Loi de Dieu. Cependant, tout de suite après, Jésus ajoute : « Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. » (v. 2-3). Frères et sœurs, tous ceux qui ont une autorité, autant civile qu’ecclésiale, ont le défaut fréquent d’exiger des choses, même justes, qu’eux-mêmes ne mettent pas d’abord en pratique. Ils mènent une double vie. Jésus dit : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » (v. 4). Cette attitude est un mauvais exercice de l’autorité, qui au contraire devrait tirer sa première force du bon exemple, pour aider les autres à pratiquer ce qui est juste et nécessaire, en les soutenant dans les épreuves que l’on rencontre sur le chemin du bien. L’autorité est une aide, mais si elle est mal exercée, elle devient accablante, elle ne laisse pas grandir les personnes et crée un climat de méfiance et d’hostilité et même conduit à la corruption.

Jésus dénonce ouvertement certains comportements négatifs des scribes et des pharisiens : « ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques» (vv.6-7). C’est une tentation qui correspond à la suffisance humaine et qu’il n’est pas toujours facile de vaincre. C’est l’attitude de vivre seulement pour l’apparence.

Puis Jésus donne les consignes à ses disciples : « Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. […] Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur » (vv. 8-11).

Nous, disciples de Jésus, nous ne devons pas chercher des titres d’honneur, d’autorité ou de suprématie. Je vous dis que personnellement, je souffre de voir des personnes qui vivent psychologiquement en courant après la vanité des titres d’honneur. Nous, disciples de Jésus, nous ne devons pas le faire parce qu’entre nous il doit y avoir une attitude simple et fraternelle. Nous sommes tous frères et sœurs et nous ne devons en aucune façon écraser les autres. Les regarder ainsi [de haut], non, nous sommes tous frères. Si nous avons reçu des qualités du Père céleste, nous devons les mettre au service des frères, et non pas en tirer profit pour notre satisfaction et notre intérêt personnel. Nous ne devons pas nous considérer supérieur aux autres ; la modestie est essentielle pour une existence qui veut être conforme à l’enseignement de Jésus, qui est doux et humble de cœur et qui est venu non pour être servi, mais pour servir.

Que la Vierge Marie, « humble et plus haute que toute créature » (Dante, Paradis, XXXIII, 2), nous aide, par son intercession maternelle, à avoir horreur de l’orgueil et de la vanité, et à être dociles à l’amour qui vient de Dieu, pour le service de nos frères et pour leur joie, qui sera aussi la nôtre.

Traduction de Zenit, Anne Kurian