Paternellement maternel et maternellement paternelle

Du blog d’Isabelle de Gaulmyn

Et si on changeait le Notre Père en Notre Mère ?

D’accord, la question est provocante. Je vois d’ici certains lecteurs de ce blog commencer à fourbir leurs armes, pour m’accuser de ne pas respecter la prière chrétienne. Qu’ils suspendent un instant leurs doigts avant de frapper le clavier, car rien de telle, ici, comme intention. Simplement le désir de poser une question de fond, en profitant de ce débat sur la langue et le sexisme qui agite en ce moment notre pays, et en écho à la nouvelle traduction du Notre Père.

Présupposés sexistes

Personnellement, la solution, prônée par certains courants féministes dans l’Église, de changer le « Notre Père » en « Notre mère » ne me convainc guère : l’image de la maternité poserait au moins autant de problèmes que celle de la paternité pour parler de Dieu. Le Dieu trinitaire est au-delà du masculin et du féminin, et la formule de « Notre Père-Mère » ne serait guère adaptée pour en rendre compte.
Reste que la question de ce qu’une culture, et ici une religion peut, à travers son langage, véhiculer comme présupposés sexistes, me semble pertinente. L’Église, qui affirme être dans le monde, ne pourra pas s’exonérer de ces débats qui traversent notre société sur l’inégalité hommes-femmes. Elle ne peut pas non plus se dédouaner de toute responsabilité dans la question des violences faites aux femmes. Non pas que les femmes soient plus soumises à la violence dans l’Église. Elles ne le sont ni plus, ni moins. Mais la théologie féministe a eu le mérite de débusquer la vision patriarcale parfois violente que véhiculent les textes bibliques, marqués par un contexte historique et social bien particulier. Il suffit de lire certains passages de Paul, ou des Pères de l’Église, inaudibles aujourd’hui.

Le statut de la femme dans l’Eglise

Au-delà des textes, c’est toute l’institution qui doit aussi faire ce travail d’introspection. Peut-on espérer une réflexion sérieuse sur le statut et le rôle de la femme dans l’Église, et ce que cela peut induire comme comportement au quotidien dans les relations hommes-femmes en son sein ? Une réflexion qui ne soit pas transformée en caricature par les détracteurs du féminisme. Où l’on puisse s’interroger sur les significations sociales, philosophiques ou religieuses de la différence des sexes, à l’aide, osons le mot, des études de genres, sans que l’on soit immédiatement démonisé par une partie du catholicisme ? Et au-delà de la sempiternelle question des femmes-prêtres, qui, en soi, ne réglerait rien.

Humour malsain des milieux ecclésiaux

Il n’est pas certain que l’Église soit perdante dans une telle démarche : après tout, par rapport à d’autres religions, le christianisme est plutôt mieux placé de ce point de vue. Et le catholicisme n’a pas que des défauts, loin de là, pour la condition féminine. L’histoire des congrégations religieuses féminines le prouve amplement. On comprend alors d’autant moins pourquoi l’Église tarde tant à faire ce travail, pourquoi elle continue à donner l’image d’une institution profondément patriarcale et masculine, et à cultiver cette forme d’humour malsain que l’on rencontre encore dans les milieux ecclésiaux à l’encontre des femmes. À ne rien faire pour avancer sur l’égalité homme-femme en interne, à refuser d’entendre un profond mouvement de fond dont elle préfère souvent se moquer, l’Église prend le risque que cela explose à sa figure, un jour, de manière violente. Il sera alors trop tard.

Paternellement maternel et maternellement paternelle

Le grand saint François de Sales n’avait-il pas trouvé la solution il y a 400 ans : paternellement maternel et maternellement paternel ! Il fallait y penser. C’est lui qui l’a fait.

A MADAME ANGELIQUE ARNAULD, ABBESSE DE PORT-ROYAL  A MAUBUISSON

Le Saint quitte Paris. – Réponse aux appréhensions sur l’avenir. – Ne pas examiner son oraison d’une manière curieuse. – La patience  » parmi les niaiseries et enfances  » du prochain. – Un châtiment miséricordieux de la Providence divine. – Ce que Dieu unit est inseparab1e.

Paris, 12 septembre 1619.

Je pars en fin demain matin [1], ma tres chere Fille, puisque telle est la volonté de Celuy auquel nous sommes, nous vivons et nous mouvons. (Ac 17,28) O qu’il soit loüé, ce grand Dieu eternel, pour les misericordes qu’il exerce envers nous ! Vostre consolation console mon cœur, qui est si fort uni avec le vostre, que rien ne sera jamais receu en l’un que l’autre n’y ayt sa part, ains le tout, puisqu’en verité ilz sont en communauté, ce me semble, parfaite ; et qu’il me soit loysible d’user du lan­gage de la primitive Eglise, un cœur et une ame (Ac 4,32).

Ceci estoit escrit quand j’ay receu vostre seconde lettre; mays je poursuis a vous respondre a la premiere.

J’espere que Dieu vous fortifiera de plus en plus ; et a la pensee, ou plustost tentation, de tristesse sur la crainte que vostre ferveur et attention presente ne durera pas, respondes une fois pour toutes, que ceux qui se confient en Dieu ne seront jamais confondus (Eccli 2,11), et que, tant selon. l’esprit que selon le cors et le temporel, vous aves jetté vostre soin sur le Seigneur, et il vous nourrira (Ps 54,23). Servons bien Dieu aujourd’huy, demain Dieu y pour­voira. Chaque jour doit porter son souci; n’ayes point souci du lendemain (Mt 6, 34), car le Dieu qui regne aujourd’huy, regnera demain. Si sa Bonté eust pensé, ou pour mieux dire conneu que vous eussies besoin d’une assis­tance plus presente que celle que je vous puis rendre de si loin, il vous en eust donné, et vous en donnera tous­jours, quand il sera requis de suppleer au manquement de la mienne. Demeurés en paix, ma tres chere Fille. Dieu opere de loin et de pres, et appelle les choses esloignees (Rm 4,17)  au service de ceux qui le servent, sans les approcher : absent de cors, present d’esprit, dit l’Apostre (1 Co 5,3).

J’espere que j’entendray bien ce que vous me dires de vostre orayson, en laquelle pourtant je ne desire pas que vous soyes curieuse de regarder vostre procedé et façon de faire ; car il suffit que tout bonnement vous m’en fassies sçavoir les mutations plus remarquables, selon que vous en aves souvenance apres l’avoir faite. Je treuve bon que vous escrivies, selon les occurrences, pour m’envoyer par apres, selon que vous estimeres estre convenable, sans crainte de m’ennuyer ; car vous ne m’ennuyeres jamais.

Prenés garde, ma tres chere Fille, a ces motz de sot et de sotte, et souvenes vous de la parole de Nostre

Seigneur (Mt 5,22) : Qui dira a son frere : Raca (qui est une. parole qui ne veut rien dire, ains tesmoigne seulement quelque indignation), il sera coulpable de conseil ; c’est a dire, on deliberera comme il le faudra chastier. Ap­privoyses petit a petit la vivacité de vostre esprit a la patience, douceur, humilité et affabilité parmi les niai­series, enfances et imperfections feminines des Seurs qui sont tendres sur elles mesmes et sujettes a tracasser autour des aureilles des Meres. Ne vous glorifies point en l’affection des Peres qui sont en terre et de terre, mays en celle du Pere celeste qui vous a aymee et donné sa vie pour vous (Ep 5,2).

Dormes bien ; petit a petit vous reviendres aux six heures, puisque vous le desires. Manger peu, travailler beaucoup, avoir beaucoup de tracas d’esprit, et refuser le dormir au cors, c’est vouloir tirer beaucoup de service d’un cheval qui est efflanqué, et sans le faire repaistre.

Pour la seconde lettre : Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande preten­tion ? Or sus, il n’y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre crea­ture affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu’elle s’est departie [2]. J’eusse voulu que vous ne vous fussies pas raillee et moc­quee de ces gens la, mais qu’avec une modeste simplicité vous les eussies edifiés par la compassion dont ilz sont dignes, selon que Nostre Seigneur nous a enseigné en sa Passion. Neanmoins, Dieu soit beni dequoy encor la  chose est ainsy passee, avec tant d’edification des autres prochains [3], selon que le bon M. du V [a] escrit [4].

Ma chere Fille, je vous dis adieu, et conjure vostre cœur de croire que jamais le mien ne se separera de luy : il est impossible ; ce que Dieu unit est inseparable. Tenes vos­tre courage haut eslevé en cette eternelle Providence, qui vous a nommee par vostre nom (Is 43,1) et vous porte gravee en sa poitrine maternellement paternelle (Is 49,16) ; et en cette grandeur de confiance et de courage, prattiqués soigneusement l’humilité et debonnaireté. Ainsy soit il.

Je suis incomparablement vostre, ma tres chere Fille. Demeurés en Dieu. Amen.

Je pars un peu plus a la haste, parce que la Reyne desire que je luy face la reverence avant mon retour [5].

Ce qui n’est point Dieu doit estre peu en nostre estime. Dieu soit vostre protection. Amen.

 

A LA SOEUR DE BLONAY, MAITRESSE DES NOVICE:S A LA VISITATION DE LYON [6]

La foi en la Providence au milieu des sécheresses spirituelles. – Quel examen il faut faire. – Le grand acte d’amour de Notre-Seigneur sur la croix.- ­Profit que nous devons tirer de nos imperfections. – Vivre joyeuse sous le regard de Dieu. – Saluts paternels.

Annecy, 18 février 1618.

Ce m’eust esté une consolation sans pair de vous voir toutes en passant [7], mais Dieu ne l’ayant pas voulu, je m’arreste a cela; et ce pendant, ma tres chere Fille, tres volontier je lis vos lettres et y respons.

0 Nostre Dame ! ma tres chere Fille, si Nostre Sei­gneur pense en vous et s’il vous regarde avec amour ? Ouy, ma tres chere Fille, il pense en vous, et non seu lement en vous, mais au moindre cheveu de vostre teste (Mt 10,30 ; Lc 21,18) : c’est un article de foy, et n’en faut nullement douter. Mays je sçai bien aussi que vous n’en doutes pas, ains seulement vous exprimes ainsy l’aridité, secheresse et insensibilité en laquelle la portion inferieure de vostre ame se treuve maintenant. Vrayement, Dieu est en ce lieu, et je n’en sçavois rien, disoit Jacob (Gn 28,16) ; c’est a dire, je ne m’en appercevois pas, je n’en avois nul sentiment, il ne me sembloit pas. J’ay parlé de ceci au livre de l’Amour de Dieu, traittant de la mort de la volonté et des resignations; je ne me souviens pas en quel Livre (TAD 9, ch 3-11-13).

Et que Dieu vous regarde avec amour, vous n’aves nul sujet d’en douter ; car il voit amoureusement les plus horribles pecheurs du monde, pour peu de vray desir qu’ilz ayent de se convertir. Et dites-moy, ma tres chere Fille, n’aves vous pas intention d’estre a Dieu ? ne voudries vous pas le servir fidelement ? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux ? D’examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist ; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu’il ne vous plaise, car c’est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu’elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens ! Et qui n’aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous ?

Vous dites bien, ma tres chere Fille, que ces tenta­tions vous arrivent parce que vostre cœur est sans ten­dreté envers Dieu ; car c’est la verité que si vous avies de la tendreté vous auries de la consolation, et si vous avies de la consolation vous ne series plus en peyne. Mais, ma Fille, l’amour de Dieu ne consiste pas en conso­lation ni en tendreté  autrement, Nostre Seigneur n’eust pas aymé son Pere lhors qu’il estoit triste jusques a la mort (Mt 26,38) crioit : Mon Pere, mon Pere, pourquoy  m’as-tu abandonné (Mt 27,46) ? Et c’estoit lhors, toutefois, qu’il faysoit le plus grand acte d’amour qu’il est possible d’imaginer.

En somme, nous voudrions tous-jours avoir un peu de consolation et de sucre sur nos viandes, c’est a dire avoir le sentiment de l’amour et la tendreté, et par consequent la consolation. Et pareillement, nous voudrions bien estre sans imperfections ; mais, ma tres chere Fille, il faut avoir patience d’estre de la nature humaine et non de l’an­gelique. Nos imperfections ne nous doivent pas plaire, ains nous devons dire avec le saint Apostre (Rm 7,24) : 0 moy miserable ! qui me delivrera du cors de cette mort ? mais elles ne nous doivent pas ni estonner ni oster le courage. Nous en devons voirement tirer la sousmission, humilité et desfiance de nous mesmes ; mais non pas le descouragement ni l’affliction du cœur, ni beaucoup moins la desfiance de l’amour de Dieu envers nous ; car ainsy Dieu n’ayme pas nos imperfections et pechés ve­nielz, mais il nous ayme bien nonobstant iceux. Ainsy, comme la foiblesse et infirmité de l’enfant desplaist a sa mere, et pourtant, non seulement ne laisse pas pour cela de l’aymer, ains l’ayme tendrement et avec compassion, de mesme, bien que Dieu n’ayme pas nos imperfections et pechés venielz, il ne laisse pas de nous aymer tendre­ment ; de sorte que David eut rayson de dire a nostre Seigneur (Ps 6,3) : Aye misericorde, Seigneur, parce que je suis infirme.

Or sus, c’est asses, ma tres chere Fille. Vivés joyeuse: Nostre Seigneur vous regarde, et vous regarde avec amour, et avec d’autant plus de tendreté que vous aves d’imbecillité. Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensees contraires ; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infir­mités.

Priés pour mon ame, ma chere Fille, et me recommandés a vos cheres filles novices [8], lesquelles je connois toutes, fors que ma Seur Colin [9] Je suis entierement vostre en Nostre Seigneur, qui vive a jamais en nos cœurs. Amen.

Annessi, ce XVIII febvrier 1618.

Notes

[1] – Le vendredi, 13 septembre 1619, l’Eveque de Genève quitta la capitale pour rejoindre la cour en Touraine. Quelques jours auparavant (5 septembre), la réconciliation du Roi et de la Reine mère avait eu lieu à Coucières, où Louis XIII, Anne d’Autriche et une suite brillante de princes, de princesses, de ducs, de maréchaux, de seigneurs et de dames, étaient venus au-devant de Marie de Médicis. Les deux cours reprirent ensuite le chemin de la ville de Tours, et les réceptions recommencèrent. (Cf. De Stefani, La Nunz.iatura di Francia del Card. Guido Bentivoglio, Firenze, 1867, vol. III, p. 486, etc.)

[2] – Angélique d’Estrées, abbesse de Maubuisson, fille du grand-maître de l’artillerie, Antoine d’Estrées, vicomte de Soissons, marquis de Cœuvres, et de Françoise Babou de la Bourdaisiére. Nous avons dit (L8, note 944) comment la justice humaine s’était levée enfin pour châtier une longue suite de désordres. A aucun titre, on le comprend, la Maison des Filles pénitentes où elle avait été séquestrée, ne pouvait plaire à l’Abbesse ; aussi, trompant la surveillance, elle s’évade en novembre 1618, et dès lors on commence à Rome à s’occuper de son affaire. L’année suivante, le 6 septembre, Angélique d’Estrées se présentait à l’improviste à Maubuisson, accompagnée d’une troupe de gentilshommes armés, que commandait le comte de Sanzay ou Sanzéi, son beau-frère. Au milieu du tumulte et du danger, Angélique Arnauld ne perdit rien de son énergie et de son sang-froid; mais après des scènes de violence qui pouvaient en présager d’autres plus terribles encore, Mme de Port-Royal, emmenant avec elle les trente Religieuses qu’elle avait reçues à Maubuisson, se retira à Pontoise. Un exprès alla en toute hâte prévenir sa famille, et le lendemain le prévôt et deux cent cinquante archers cernaient l’abbaye et cherchaient à s’emparer de Mme d’Estrées. Celle-ci, prudemment, avait vidé la place ainsi que sa troupe, et bientôt on appre­nait qu’elle était sur la frontière de Flandre. Son procès commença ; en dé­cembre 1620 elle se vit privée, par sentence définitive, de l’abbaye qui fut d’abord donnée à une sœur du duc de Luynes, et enfin à Charlotte de Sois­sons (1623) ; c’est alors que la Mère Arnauld retourna à Port-Royal. (D’après Racine, Abrégé de l’Histoire de Port-Royal, publié par Gazier, 2e édition, Paris, etc.)

[3] – Tandis que sa rivale attirait de plus en plus sur elle le mépris général, Angélique Arnauld avait grandi encore aux yeux de tous les témoins de leur lutte. Les faiblesses que relève le sage Directeur n’avaient point frappé autour d’elle, mais seulement la dignité, la fermeté, l’inviolable attachement à la Règle. Pendant les trente heures de leur séjour à Pontoise, l’Abbesse et ses Filles pratiquèrent les observances monastiques comme si rien d’anormal ne se fût passé. Le 7 septembre, à dix heures du soir, le peuple enthousiasmé accompagna en foule, avec des lumières, la procession de retour à Maubuis­son, que protégeaient les archers à cheval.

[4] – André du Val (L2, note 198) directeur du Carmel de Pontoise, se trouvait sans doute dans cette ville lors de l’échauffourée de Mme d’Estrées à Maubuisson.

[5] – La reine Marie de Médicis fit à l’Evêque de Genève le plus bienveillant accueil, et témoigna se souvenir de l’avoir vu à la cour de Henri-le-Grand. C’est sans doute par erreur que l’édition de 1626 et les suivantes portent response au lieu de reverence.

[6] – La mention des  » cheres filles novices  » et en particulier de la Sœur Colin, prouve que cette lettre fut écrite à la Directrice de la Visitation de Lyon, Sœur Marie-Aimée de Blonay. (L5, note 538)

[7] – Si le voyage du Prince Cardinal de Savoie avait eu lieu, comme l’on s’y attendait, le saint Evêque aurait vu, en effet  » en passant  » ses Filles de Lyon. (note 338).

[8] – Elles étaient, à cette date, au nombre de sept : Anne-Marie Bellet et Marguerite Chasselay, qui rentrèrent cette année-là même dans le monde ; Jeanne-Françoise Estienne, Françoise-Catherine Orlandini, Jacqueline-Eli­sabeth Daniel, Marie-Madeleine Ravier et Anne-Claude Colin.

[9] – Nous avons rencontré dès le début de la fondation de Lyon la gracieuse figure d’une .enfant de dix ans, inséparable compagne de piété de sa mère Isabeau Daniel, veuve Colin (L6, note 584). Elle reçoit d’abord la robe grise des Sœurs de la Présentation, avec une cornette que rem­place un petit voile blanc lorsqu’elle suit les congrégées dans leur transfor­mation en Filles de la Visitation. (L6, notes 757, 1038). En attendant l’âge d’entrer au noviciat, Claude pratique tous les exercices de la Communauté, et ne connaît d’autre divertissement que de  » faire des oratoires.  » (Livre du Couvent, du 1er Monastère de Lyon, trans­féré à Venise.) La Mère de Chantal fut charmée du bon naturel et de la pré­coce maturité de cette toute jeune fille ;  elle en donna une preuve en la choisis­sant pour l’assister au parloir, même quand elle s’y trouvait avec l’Evêque de Genève, en 1615. La Mère de Blonay lui montra plus tard semblable confiance, et l’aimable assistante nous a conservé le souvenir de traits charmants de la débonnaireté du saint Prélat, dont elle fut témoin à cette occasion. Le 13 décem­bre 1617, le Chapitre l’admit à la vêture, et l’année suivante, 25 décembre, Sœur Anne-Claude prononça ses vœux. Elle coopéra (1613 et 1641) aux fon­dations d’Avignon et de Tarascon, et mourut en odeur de sainteté dans ce dernier monastère, en décembre 1680. Partout elle avait conquis l’affection et l’estime universelles par une vie d’abnégation, d’obéissance et de charité. (Voir Année sainte de la Visitation, tome XII, p. 1I5.)