Messe d’installation de Mgr Aupetit

Lecture de la bulle : 29.17

Son homélie : 49.26

Mot final : 1. 50. 00

Portrait. C’est un profil atypique, médecin avant de devenir prêtre, qui prend ce 6 janvier le siège d’archevêque de Paris. Un spécialiste de bioéthique mais aussi un homme de prière, qui a désormais la charge d’être le visage le plus visible de l’Église en France. (Laurent Dandrieu dans Valeurs actuelles)

Il voulait être médecin de campagne, et le pape François, qui décrit souvent l’Église comme un « hôpital de campagne », l’a choisi le 7 décembre dernier comme nouvel archevêque de Paris, pour succéder à Mgr Vingt-Trois, atteint par la limite d’âge et affaibli ces derniers mois par la maladie. Le parcours atypique de Mgr Aupetit témoigne de l’humour dont est capable la Providence qui, lorsqu’elle exauce vos désirs, le fait souvent d’une manière détournée et ironique.

Rien ne prédestinait Michel Aupetit à devenir l’une des plus hautes figures de l’Église de France. Au rebours de la plupart des évêques, issus de familles nombreuses très pieuses, il voit le jour, le 23 mars 1951, dans un foyer où seule la mère est pratiquante. Il naît à Versailles, mais cette famille de trois enfants est modeste ; le père, cheminot, ne met jamais les pieds à l’église. C’est donc de sa mère que le jeune Michel tient sa foi et, interrogé par la Vie, il la citera sans hésiter comme la femme qu’il admire le plus : « Sans faire de bruit, elle m’a appris à aimer gratuitement. »

En 2015, il confiait à Paris Match : « Depuis tout petit, je rêvais d’être médecin parce que je supportais mal de voir souffrir ceux que j’aimais. » Il veut être médecin de campagne, donc, mais aussi fonder une famille et avoir des enfants. Devenu généraliste, tout en ayant suivi une formation en bioéthique médicale (une matière que, devenu prêtre, il enseignera), il ouvre un cabinet avec des amis à Colombes, en les prévenant qu’il remettra son avenir en jeu d’ici à une dizaine d’années.

Un homme de conviction et d’écoute

Car l’appel de Dieu a déjà engagé avec lui un combat spirituel qui durera douze ans. En 1990, il rentre au séminaire de Paris. À 44 ans, en 1995, il est ordonné prêtre par un autre archevêque au parcours atypique, Mgr Lustiger. Mais c’est dans l’ombre du successeur de celui-ci, Mgr Vingt-Trois, qu’il fait son chemin : « J’ai le sentiment que c’est une nomination construite pas à pas par Mgr Vingt-Trois. D’ailleurs, Mgr Aupetit est inconnu à Rome, qu’il ne connaît pas : ce n’est en rien une nomination bergoglienne », nous confie un fin connaisseur du diocèse. La rumeur veut d’ailleurs que Mgr Lebrun ait été le premier choix du pape et que l’intéressé ait décliné, faute sans doute de se sentir les épaules assez “politiques”. Après différents postes en paroisse, Michel Aupetit est nommé en 2006 par Mgr Vingt-Trois vicaire général du diocèse puis, en 2013, évêque auxiliaire par Benoît XVI. Il fait déjà alors figure d’héritier de l’archevêque de Paris.

Mais pas question d’exercer une telle responsabilité sans avoir fait ses preuves comme évêque de plein exercice. Ce sera à Nanterre, où le pape François le nomme en 2014. Dans ce diocèse de 1,6 million d’âmes, il fait montre de qualités de pasteur et de gestionnaire, mettant en place un système de solidarité financière entre les paroisses ou une association diocésaine pour venir au secours des sans-abri. Proche de ses prêtres, il se montre bienveillant à toutes les sensibilités, accueillant les traditionalistes sans fâcher les progressistes, soucieux de mobiliser toutes les énergies au service de l’évangélisation, sujet où il fait preuve de dynamisme et d’inventivité, cherchant à susciter des « start-up du bon Dieu ». Une fidèle du diocèse de Nanterre loue « un homme d’une très grande intelligence, à la parole franche, qui ne louvoie pas, mais très à l’écoute. Il écoute avant de décider ; mais une fois qu’il a décidé, il a décidé. Il a une haute idée de l’autorité épiscopale, et peut faire montre d’une certaine dureté quand les choses ne vont pas ; mais c’est aussi un pasteur, soucieux de répondre aux aspirations de chacun. » Un exemple de ce mélange de fermeté et de respect : favorable à la “manif pour tous”, avec laquelle il est l’un des rares évêques à avoir battu le pavé, il a envoyé à tous les curés de son diocèse une lettre en défense de la famille, en les laissant libres de ne pas la lire à leurs paroissiens si cela risquait de créer des tensions entre les fidèles.

La même paroissienne vante ses qualités de prédicateur, et se montre impressionnée de ce qu’avant de prêcher, il impose à l’assistance un long moment de silence, qu’il met à profit pour prier… Gros travailleur, couché à minuit et levé à 5 heures, il est en effet solidement ancré dans cette prière dont sa mère lui a transmis le sens. À un ami prêtre, qui l’a rapporté au Figaro, il a confié : « Il me faut prier sans cesse, sans quoi je ne serais pas en état d’être évêque. »

Mais cet homme de Dieu, qui ne transige pas sur l’enseignement du Christ, est aussi un homme chaleureux, réputé pour son humour. Un exemple ? Interrogé par la Vie sur le passage de l’Évangile qu’il redoute de commenter, il répond : « L’épisode des esprits mauvais que Jésus envoie dans les porcs : trop de gens risquent de se sentir concernés. » Bon guitariste, interprète fervent de Brassens, Mgr Aupetit est aussi sculpteur et ses oeuvres ornent des églises de Royan et de Paris.

Quel archevêque de Paris sera-t-il ? Un pasteur à la voix claire et au visage ouvert, répondent tous ceux que nous avons interrogés. L’ayant côtoyé en raison de leur engagement commun sur la bioéthique, Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita, décrit « un homme extrêmement affable, dont l’expression comme la façon d’être ne sont absolument pas cléricales ». Après Mgr Lustiger, au caractère colérique, et Mgr Vingt-Trois, réputé pour sa froideur caustique, nombre de prêtres du diocèse estiment qu’un peu de “calinothérapie” ne sera pas superflue et attendent beaucoup de l’arrivée de cet homme « animé d’une joie profonde, le plus souvent souriant, très abordable », comme le confie au Figaro l’un de ceux qui le connaissent bien.

En pointe sur la défense de la vie

« Par rapport à son prédécesseur, analyse l’un des prêtres du diocèse, cet homme débonnaire, qui a une vraie personnalité, qui est le contraire d’un apparatchik, va apporter une liberté de ton qui devrait être un encouragement à plus de liberté dans les attitudes, dans les initiatives. Même si Mgr Vingt-Trois laisse un diocèse en bon état de marche, on sort quand même d’une période de glaciation hiérarchique, un peu “chape de plomb”. Pour les adieux de l’archevêque de Paris, la cathédrale était à moitié vide, pas une personnalité ne s’était déplacée. Mgr Aupetit devrait apporter une atmosphère de chaleur, de bonne humeur, de bienveillance, qui devrait être stimulante pour tous. » Mgr Vingt-Trois n’avait-il pas su établir un lien avec les Parisiens ? « Je crois qu’il ne l’a pas souhaité, surtout… Vis-à-vis de l’extérieur, le nouvel archevêque devrait offrir un visage plus tonique, une véritable capacité à transmettre une espérance, une joie de croire. »

Sur le fond, la nomination de Mgr Aupetit est clairement une bonne nouvelle pour les jeunes générations qui souffrent souvent de la trop grande prudence d’une hiérarchie avant tout soucieuse de ne pas heurter l’air du temps. Il n’est pas impossible que, avec le recul, elle apparaisse comme un point de bascule dans le délicat équilibre du nuancier des sensibilités ecclésiales. D’autant plus, paradoxalement, qu’il est à peu près impossible de l’y situer avec précision. « Comme il est devenu prêtre sur le tard, il est extérieur à ces querelles, notamment liturgiques, qui ont agité l’Église, note un prêtre parisien. Mais c’est un homme aux convictions vigoureuses, sans complexes, et les évêques ont vécu son élection à la tête du conseil épiscopal “famille et société” comme une véritable révolution copernicienne. Pour certains, une divine surprise, pour d’autres une douche froide. »

Car Mgr Aupetit n’a jamais hésité à prendre des positions courageuses sur la défense de la vie, notamment à travers ses chroniques de Radio Notre-Dame mais aussi intervenant sur le cas de Vincent Lambert, le mariage homosexuel ou sur les lois de fin de vie. Mais, note Tugdual Derville, il le fait non en idéologue, mais en praticien parfaitement au fait de ces sujets : « C’est un homme qui a une autorité naturelle, il n’est ni impressionné ni impressionnable. Il ne prend pas position à coups de petites phrases, mais par des raisonnements solidement étayés, presque implacables, mais qui partent de sa connaissance du corps et des âmes, et de son attention aux personnes souffrantes. Ce n’est pas providentiellement anodin qu’un homme qui a exercé la médecine se retrouve à ce poste au moment où ces questions bioéthiques deviennent à ce point centrales. »

Car, si tous insistent sur le fait qu’il ne faut pas enfermer Mgr Aupetit dans cette compétence, et si sa nouvelle fonction l’amènera à intervenir sur bien d’autres sujets, tous ont conscience aussi que la devise qu’il s’est choisie à son ordination épiscopale, tirée de l’Évangile selon saint Jean, fournit bien l’axe de son action : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance. » Et la base, si Dieu veut, d’un nouvel élan missionnaire.