La 70° guérison de Lourdes

Ce dimanche 11 février 2018, Fête de Notre-Dame de Lourdes et XXVIe Journée mondiale du malade, Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, Noyon et Senlis, a déclaré le caractère miraculeux de la guérison de Sœur Bernadette Moriau. C’est la 70e guérison de Lourdes reconnue miraculeuse par l’évêque du diocèse du lieu où réside la personne guérie, précise un communiqué du sanctuaire.

La guérison de Soeur Bernadette Moriau, religieuse de la congrégation des franciscaines oblates du Sacré-Coeur de Jésus, intervenue le 11 juillet 2008 après son pèlerinage à Lourdes, est officiellement le 70e miracle attribué à l’intercession de Notre-Dame de Lourdes. C’est une joie immense pour toute l’Eglise car « cette guérison nous redit la présence aimante et agissante de Notre Dame dans la vie des fidèles qui, comme elle, veulent se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu et la mettre en pratique », explique Mgr Jacques Benoit-Gonnin.

Sœur Bernadette Moriau est née le 23 septembre 1939 dans le Nord de la France. A 19 ans, elle entre au Couvent de Nantes dans la congrégation des Sœurs franciscaines Oblates du Sacré-Cœur de Jésus. Elle obtint son diplôme d’infirmière en 1965.

En 1966, elle a 27 ans lorsque débutent des douleurs lombo-sciatiques. Quatre interventions chirurgicales et des traitements se succéderont sans bénéfice net. En 1975 elle ne peut plus exercer son métier d’infirmière. Des déficits neurologiques apparaissent en 1987, réduisant nettement son périmètre de marche. Les traitements médicaux se montrent quasi impuissants. Un neurostimulateur médullaire est mis en place en 1992 et elle doit débuter un traitement morphinique en 1994. Des troubles sphinctériens apparaissent dès 1998. Le corset rigide cervico-lombaire porté à partir de 1999 devient permanent. En 2005 son pied gauche se transforme en équin nécessitant une attelle.

En juillet 2008, elle participe au Pèlerinage de son diocèse à Lourdes et reçoit le Sacrement des malades. Elle revient dans le même état et même aggravé par la fatigue du voyage.

Le 11 juillet 2008, alors qu’au même moment se déroule la Procession Eucharistique à Lourdes, elle est dans la Chapelle de sa Communauté pour une heure d’Adoration. Vers 17h45, elle revit, dans son cœur, un moment fort vécu dans la Basilique Saint Pie X, lors de la bénédiction des malades avec le Saint Sacrement. C’est alors qu’elle ressent une sensation inhabituelle de relâchement et de chaleur dans tout son corps. Elle perçoit comme une voix intérieure qui lui demande d’enlever l’ensemble de ses appareils, corset et attelle. Elle constate alors que son pied est revenu dans sa position normale et qu’elle peut à nouveau le bouger. Tous les troubles sphinctériens disparaissent et elle interrompt le jour même tout traitement anti-douleur ainsi que le neurostimulateur médullaire.

De nouveaux examens médicaux, des expertises et trois réunions collégiales à Lourdes en 2009, 2013 et 2016, ont permis au Bureau des Constatations Médicales de constater collégialement, le 7 juillet 2016, le caractère imprévu, instantané, complet, durable et inexpliqué de la guérison. Le 18 novembre 2016 à Lourdes, lors de sa réunion annuelle, le CMIL (Comité Médical International de Lourdes) confirme « la guérison inexpliquée, dans l’état actuel des connaissances scientifiques ».

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Longue jupe brune, pull en laine blanche ras du cou, silhouette fluette, regard timide. Sœur Bernadette Moriau le reconnaît : elle n’a pas l’habitude d’être sous les feux de la rampe. Mardi 13 février, pourtant, elle s’est adressée avec aisance et humour à la cinquantaine de journalistes massés dans une salle de la maison diocésaine de Beauvais. « Je suis chargée de vous le témoigner, pas de vous le faire croire », dit-elle d’ailleurs, en reprenant les mots de sainte Bernadette Soubirous devant ceux qui l’interrogeaient.

Et ce que raconte la religieuse de Beauvais, avec simplicité et modestie, est effectivement de l’ordre de l’incroyable : le 70e miracle de Lourdes reconnu par l’Église depuis 160 ans. « En 2008, quand mon médecin traitant, le docteur Christophe Fumery, responsable de l’hospitalité à Lourdes, m’a proposé de partir en pèlerinage avec le diocèse de l’Oise, j’ai pensé que cela pourrait être une grâce, puisque je m’appelle Bernadette », commence-t-elle.

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Elle ressent une chaleur inhabituelle dans tout le corps

Curieusement, elle ne s’était jamais rendue dans la cité mariale en tant que malade, depuis qu’en 1966 apparurent les premiers symptômes d’une maladie des racines lombaires et sacrées, connue sous le nom de « syndrome de la queue-de-cheval ». Mais il était prévu qu’elle y aille quelques mois plus tard, pour fêter ses cinquante ans de vie religieuse chez les franciscaines oblates du Sacré-Cœur de Jésus.

Pendant ce pèlerinage, début juillet, la religieuse reçoit le sacrement de la réconciliation puis celui des malades. Elle est marquée par « la fraternité » qui règne entre les malades, les bénévoles et les soignants. « Je n’ai jamais demandé ma guérison, insiste-t-elle, mais simplement la force de poursuivre le chemin. » Devant la grotte de Massabielle, elle sent la présence mystérieuse de Marie. Mais c’est surtout pendant la procession du Saint Sacrement, au milieu des fauteuils roulants dans la basilique Saint-Pie X, qu’elle vit une expérience intense. « J’ai entendu le Seigneur me dire : “Je vois ta souffrance. Donne-moi tout”. J’ai beaucoup prié alors pour les malades, surtout les plus jeunes, afin qu’ils guérissent. »

De retour dans sa communauté de Bresles, non loin de Beauvais, elle ne ressent aucune amélioration. Mais le 11 juillet, dans la chapelle de sa communauté, elle revit la joie intense ressentie quelques jours plus tôt dans la basilique lourdaise et ressent une chaleur inhabituelle dans tout le corps.

« À 18 heures, je suis rentrée dans ma chambre et une voix m’a dit : “Enlève tes appareils”. Dans un acte de foi, j’ai alors retiré le corset, l’attelle et le neuro-stimulateur. J’ai pensé à Jésus disant au paralytique : “Prends ton grabat et marche”. À ma grande surprise, quand j’ai retiré l’attelle, mon pied gauche était redressé. Je suis allée voir ma sœur de communauté, je lui ai dit que je ne comprenais pas ce qui se passait. Nous avons pleuré et prié. »

La religieuse ne dit rien de ce qui lui est arrivé

Le jour même, sœur Bernadette Moriau arrête définitivement la morphine et échappe désormais à de lourds traitements. Au point même que le lendemain, elle part marcher 5 km en forêt avec sa belle-sœur.

La religieuse ne dit rien de ce qui lui est arrivé. Même à Lourdes l’année suivante – elle y retourne chaque année depuis 2009 pour s’occuper des malades –, elle ne raconte rien. « Et quand certains me reconnaissaient, je ne m’étendais pas », poursuit-elle. « Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir donner au maximum tout ce que le Seigneur m’a donné », répond-elle pour expliquer pourquoi elle a accepté que son dossier soit examiné par le Bureau médical de Lourdes (lire ci-dessous). Elle se dit émerveillée par ce « cadeau » reçu de Dieu et n’a pas encore bien pris conscience de la manière dont sa vie publique va désormais changer.

Sœur Bernadette ne renie toutefois rien de sa vie de malade. Pendant près de quarante années, fréquentant les hôpitaux et les centres de rééducation, elle a partagé avec d’autres malades. « J’ai parfois été découragée, j’en avais assez de la souffrance, j’avais envie d’en finir, mais je n’ai jamais douté de Dieu présent à mes côtés. Je crois que ma vie était aussi féconde quand j’étais malade que maintenant ! »

Claire Lesegretain, La croix