Un printemps dans le monde arabe

Pour le père Samir Khalil Samir, Jésuite originaire d’Egypte, professeur de théologie et d’islamologie à l’université pontificale orientale et un des grands experts internationaux de dialogue entre chrétiens et musulmans, ce mouvement représente un « printemps » dans le monde arabe, un autre pas vers la démocratisation des pays de la région.

 

 

ZENIT : Quelle lecture faites-vous des manifestations qui ont renversé le régime de Moubarak, mais aussi celles qui ont eu lieu en Tunisie, en Algérie et, ces derniers jours, en Iran et en Libye pour demander la fin des vieux régimes ?

P. Samir Khalil Samir : Ces mouvements sont plus ou moins nés de manière spontanée. Ce que l’on remarque c’est qu’il y a une majorité de jeunes, qu’il n’y a ni partis politiques ni groupes organisés. C’est une réaction de masse, du peuple.

Le second point commun à tous ces mouvements c’est qu’ils sont dirigés contre des régimes qui durent depuis des décennies, comme en Tunisie (21 ans), en Egypte (presque 30 ans), en Libye (42 ans), au Yémen (21 ans) etc…Cela signifie que presque partout les gens en ont assez, qu’ils veulent un changement et ils le manifestent en disant : « Va-t-en! ». On peut lire en arabe sur les affiches irhal (ارحل), qui signifie « Va-t-en ! », comme pour dire « ça suffit, maintenant ». D’ailleurs le nom arabe du mouvement d’opposition à Moubarak est « kefaya! » qui veut dire « ça suffit ».

Le troisième aspect qui me frappe est que la motivation de fond est la même pour tous ces pays : trouver un emploi, fonder une famille et vivre dans un minimum de décence. Dans le cas de la Tunisie tout est parti de ce jeune tunisien [Mohamed Bouazizi, qui s’est immolé le 4 janvier 2011, n.d.r.] qui avait étudié mais ne trouvait pas de travail et qui décide finalement d’acheter, avec ses quelques économies, un peu de légumes pour les vendre dans la rue. Mais voilà que la police arrive, lui dit « tu n’as pas de permis » et lui prend toutes ses affaires. Sa vie est brisée d’un coup, comme ça, alors qu’il lutte pour vivre. Alors il s’immole, déclenchant un fort mouvement de protestation en Tunisie.

En Egypte, près de 30 millions d’égyptiens vivent avec moins de deux dollars par jour. Un chiffre qui ne permet même pas de vivre simplement. Une situation que l’on retrouve un peu partout. En cela, il y a un contraste très fort avec les responsables, les gouvernants, qui n’ont pas de problèmes dans la vie. Ils mènent au contraire une vie luxueuse. Ils sont très riches. Ils ne possèdent pas des millions mais des milliards de dollars.

Jusqu’ici tout cela a été accepté, mais maintenant les gens réagissent : on ne peut pas, ce n’est pas juste.

Et puis il y a un quatrième aspect qui m’a frappé : le fait qu’il n’y ait pas eu d’agressivité, comme cela arrivait d’habitude, contre personne. Je veux dire par là que l’Amérique n’a pas été attaquée, qu’il n’y a pas eu de drapeau américain ou israélien piétiné. Les gens s’inquiétaient concrètement de leur sort. Et ils n’ont pas tenté de tuer ou de jeter en prison les chefs de gouvernement : ils les condamnent mais les laissent partir. Il ne s’agit pas d’un mouvement dirigé contre quelqu’un mais pour la vie, pour une vie plus décente, plus digne.

Tout cela me fait dire qu’un vrai printemps s’annonce pour le monde arabe et que ce printemps, nous le souhaitons, fera naître quelque chose de positif.

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