Lorsque l’on manipule les mots

Comment l’idéologie du gender s’est sournoisement insinuée dans les déclarations internationales, en violation notamment de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
L’agenda du genre divorce la personne humaine d’elle-même, de son corps et de sa structure anthropologique

L’Osservatore Romano a publié le 14 mai le texte d’ une intervention vigoureuse de Marguerite A. Peeters, le 9 mars 2012, lors d’un colloque organisé au Palais des Nations à Genève par la Mission de l’Observateur permanent du Saint-Siège sur le thème « Pour préserver l’universalité des droits de l’homme ».

Marguerite A. Peeters dirige à Bruxelles l’Institute for Intercultural Dialogue Dynamics, dont l’objet est l’étude des concepts-clefs, valeurs et mécanismes opérationnels de la mondialisation. Elle enseigne par ailleurs à l’Université pontificale Urbanienne.

Attachée à décoder la grammaire du vocabulaire utilisé dans les instances internationales, Marguerite Peeters dénonce « comment l’idéologie du gender s’est sournoisement insinuée dans les déclarations internationales, en violation notamment de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ». À ses yeux, appuyant la position du Saint-Siège, « l’objectif du genre divorce la personne humaine d’elle-même, de son corps et de sa structure anthropologique ».

 

« UN COMBAT CULTUREL, POLITIQUE ET JURIDIQUE »

Elle discerne un « danger » « dans un processus que nous pourrions qualifier de mondialisme s’imposant par en haut qui, sous couvert de participation de la base, de droits égaux et de non-discrimination, utilise les canaux de la gouvernance mondiale pour essayer d’agencer un assentiment mondial à des intérêts particuliers, à travers une utilisation manipulatrice du langage au cours de processus de construction de consensus ».

Pour Marguerite Peeters, il s’agit d’« un combat culturel, politique et juridique ayant cours dans ces fora concernant l’identité sexuelle, l’orientation sexuelle, le contenu des droits et le sens de l’universalité ».

 

« ATTEINDRE À L’ÉGALITÉ EXCLUSIVEMENT EN TERMES DE POUVOIR SOCIAL »

Au bout du compte, les acteurs de ce combat, selon Marguerite Peeters, « se nourrissant à la fois du féminisme radical et du mouvement homosexuel, qui tous deux ont lutté pour atteindre à l’égalité exclusivement en termes de pouvoir social, ont distingué le genre du sexe, restreignant le sexe aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui définissent les hommes et les femmes, et utilisant le genre en référence à ce qu’ils considéraient être les rôles socialement construits qu’une société donnée considérerait appropriés pour les hommes et les femmes ».

En conclusion, l’auteur s’inquiète : « Ils ont traité la maternité, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, la complémentarité homme-femme, l’identité sponsale de la personne humaine, la féminité et la masculinité, l’hétérosexualité comme autant de constructions sociales ou de stéréotypes qui seraient contraires à l’égalité, discriminatoires, et donc à être culturellement déconstruits. Au bout du processus révolutionnaire, le corps masculin et féminin lui-même était considéré comme socialement construit. »

 

La culture dans laquelle nous vivons au début du troisième millénaire intègre les fruits positifs d’un processus historique marqué par la décolonisation, un puissant mouvement ayant accordé aux femmes un statut social qu’elles n’avaient jamais atteint auparavant, et l’effondrement du marxisme-léninisme. A une heure de mondialisation accélérée, elle semble célébrer, peut-être plus que toute culture précédente, l’égalité de tous les êtres humains. Notre génération a également la possibilité de découvrir et de s’émerveiller de la diversité fascinante des peuples et des cultures et de leur contribution spécifique et irremplaçable à l’humanité. Nous discernons un danger, cependant, dans un processus que nous pourrions qualifier de mondialisme s’imposant par en-haut qui, sous couvert de participation de la base, de droits égaux et de non discrimination, utilise les canaux de la gouvernance mondiale pour essayer d’agencer un assentiment mondial à des intérêts particuliers, à travers une utilisation manipulatrice du langage au cours de processus de construction de consensus. Nous ne pouvons nier l’existence d’un combat culturel, politique et juridique ayant cours dans ces fora concernant l’identité sexuelle, l’orientation sexuelle, le contenu des droits et le sens de l’universalité. Le langage est un facteur critique dans ce combat.Examinons l’histoire du terme gender dans le discours onusien. Le terme gender est entré dans le langage des textes négociés au niveau international à travers les documents de consensus non-contraignants du processus des conférences onusiennes des années 1990. Il a fait une percée décisive dans la Plateforme d’Action de Pékin de 1995, dont la perspective du genre est le centre, et l’égalité des sexes (gender equality) l’objectif premier. A la suite de Pékin, le Secrétariat de l’ONU a immédiatement conduit, avec grande efficacité, un exercice d’intégration de la perspective du genre (gender mainstreaming) à travers tout le système onusien. L’égalité des sexes a rapidement été identifiée comme priorité transversale de la gouvernance mondiale, au point de devenir en pratique une condition de l’aide au développement. Le sens traditionnel du genre se réfère aux catégories grammaticales de «masculin», «féminin» et «neutre» dans les langues anciennes et nouvelles. Mais les sociologues et psychologues appartenant à l’intelligentsia postmoderne occidentale ont développé un sens très différent depuis la moitié des années 1950. Se nourrissant à la fois du féminisme radical et du mouvement homosexuel, qui tous deux ont lutté pour atteindre à l’égalité exclusivement en termes de pouvoir social, ils ont distingué le genre du sexe, restreignant le sexe aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui définissent les hommes et les femmes, et utilisant le genre en référence à ce qu’ils considéraient être les rôles socialement construits qu’une société donnée considérerait appropriée pour les hommes et les femmes. En pratique ils ont traité la maternité, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, la complémentarité homme-femme, l’identité sponsale de la personne humaine, la féminité et la masculinité, l’hétérosexualité comme autant de constructions sociales ou de stéréotypes qui seraient contraires à l’égalité, discriminatoires, et donc à être culturellement déconstruits. Au bout du processus révolutionnaire, le corps masculin et féminin lui-même était considéré comme socialement construit. L’agenda du gender divorce la personne humaine d’elle-même, pour ainsi dire — de son corps et de sa structure anthropologique. Il est évident qu’ainsi radicalement redéfini, le gender est une pure construction intellectuelle, difficile à saisir par les cultures non-occidentales.

 

Marguerite A. Peeters