Le terrible business des mères porteuses

En ligne sur le site benoit-et-moi sous le titre : le terrible business des mères porteuses

Femmes indiennes sacrifiées pour donner des enfants aux couples gay
Diego Molinari

13/01/2013
www.lanuovabq.it

Pour la visite de routine avec le Dr Manish Banker, elle est venue au Pulse Women’s Hospital, où elle s’écroule au sol.
Premila Vaghela, qui était enceinte de huit mois, est morte peu après. C’est arrivé en mai dernier, à Ahmedabad, la région pauvre et turbulente du centre-ouest du Gujarat, en Inde. Le docteur Banker est un spécialiste privé en IVF (en français FIV), l’abréviation dans cet anglais médical riche en latinismes qui désigne la fécondation in vitro.

Premila était l’une de ses «surrogate»: de pauvres femmes qui offrent leur appareil de reproduction pour de l’argent à de riches couples étrangers (américains, taïwanais, Arabes, Européens, Singapouriens, et même Indiens des classes les plus riches), qui, en substance, en louent l’utérus pour y implanter un ovule fécondé: le leur. Ce phénomène, appelé par les anglophone simplement «surrogacy», càd «maternité de substitution» (en français, on parle de mères porteuses) est maintenant un enjeu important pour la société indienne, ainsi que pour une grande partie de la culture libérale américaine. Comme dans tout autre phénomène économique du marché globalisé, à une demande spécifique des «consommateurs» issus par exemple de l’Upper West Central Park (le quartier des riches de New York) ou de Californie, correspond une réaction précise d’une main-d’oeuvre délocalisée dans le tiers monde: ici Anand, dans le Gujarat, la capitale mondiale de la maternité de substitution, où les couples d’étrangers investissent de l’argent pour faire reproduire leur propre progéniture. Ahmedabad, la ville de l’histoire de Premila, n’est pas loin.

Premila est morte, mais pas avant d’avoir porté à son terme son sale travail. L’histoire de sa courte, très courte «hospitalisation» est significative, parce qu’elle met en lumière (folle inversion par rapport à la culture de l’avortement), la valeur de la vie de la femme par rapport à celle de l’enfant, qui n’est pas son fils, mais un produit, bien payé, destiné à d’autres. Premila, qui s’est écroulée au Pulse Women’s Hospital – la structure privée qui gère les «grossesses de substitution» – a été immédiatement transportée à l’unité de soins intensifs prénataux, où ils ont extrait le bébé par césarienne. Plus tard, les médecins ayant constaté l’état critique de Premila, l’ont envoyée dans un autre hôpital, le Sterling Hospital. Les rapports officiels de cet hôpital rendent compte de l’état désespéré dans lequel la femme est arrivée, victime d’une grave crise cardiaque. Les tentatives pour la réanimer ont été vaines. Premila laisse un mari et deux enfants. Le bébé, qui pesait 1,750 kg à la naissance, a été mis en couveuse. On ignore si la commande qui a coûté la vie à Premila a été finalement livrée au couple de riches Américains anonymes.
Le Dr Banker a donné les informations nécessaires à la police qui, au moment de la tragédie avait promis une enquête. Il semble en fait qu’aucun dossier n’ait été ouvert pour ce cas.

Histoires désespérées de colonialisme biologique

Coolie est un vieux mot, à dire vrai méprisant, avec lequel les colons anglais décrivaient les autochnones des terres colonisées. Le mot semble dériver de cool, «frais». Les coolies étaient les serviteurs qui, avec de grands évantails, suivaient les élégants anglais dans les canicules d’Asie et d’Afrique. Le mot, considéré comme très offensant dans l’Inde indépendante, refait brutalement surface dans le discours public: certains décrivent les mères porteuses comme des biological coolies, concrètement des esclaves biologiques. L’essence et les modalités concrètes de ce phénomène font en effet penser à l’esclavage, ou peut-être même une servitude encore plus dangereuse et humiliante. Beaucoup parlent en fait de «colonialisme biologique». Un retour de l’impérialisme des pays riches, sous la forme – envahissante jusqu’au paroxysme – d’une exploitation du ventre des autochtones. Le Sydney Herald, dans un article dense consacré à ce phénomène le 7 Septembre, raconte l’indifférence de nombreux «clients» envers les mères porteuses de leurs enfants que, souvent, ils ne veulent même pas rencontrer. «J’aurais voulu frapper un gay qui m’a demandé, après que son fils soit né, où il pourrait trouver une nourrice» a déclaré au journal la gynécologue Anita Nayar. «Il voulait que son enfant ait les défenses immunitaires que donne le lait maternel, comme si les indiennes étaient des esclaves de plantations pour l’élevage des enfants».

Les détails juridiques, économiques et sociaux du phénomène donnent raison à ceux qui utilisent le mot «esclavage». Même s’il savait qu’il en a le droit, le mari de Premila ne peut pas poursuivre le Pulse Hospitalpour obtenir une indemnisation. Le contrat de subrogation signée par elle, comme par toutes les autres, exonère les médecins et les couples étrangers de toute complication avec la mère porteuse, en s’assurant que son mari assumera tous les risques, médicaux, financiers et psychologiques.
Le Sydney Herald, toujours lui, affirme que «les contrats précisent que si une mère est diagnostiquée avec une maladie mortelle à la fin de la grossesse, elle sera maintenue en vie par voie artificielle pour protéger la qualité du fœtus et pour assurer une naissance en bonne santé pour le compte des parents génétiques. Le moustachu Dr Banker, affirme que le couple américain a payé un million de roupies à la famille de Premila. «La somme est insignifiante» tonne Kishwar Desai, une écrivain indienne qui vient de publier un livre sur le sujet intitulé «Origins of Love». Desai représente l’une des premières réactions concrètes d’intellectuels à la propagation de ce phénomène, allant jusqu’à écrire sur le prestigieux quotidien britannique The Guardian: «De combien d’autres femmes comme Premila n’avons-nous pas entendu parler? Personne ne veut écrire sur la mort d’une pauvre femme». L’écrivain est irritée par le fait que l’Inde soit devenue l’Eldorado mondial de la maternité de substitution.

L’industrie de la surrogacy vaudrait aujourd’hui deux milliards et demi de dollars, produisant quelque chose comme 25.000 enfants par an.
L’induit est très structuré: aux cliniques, s’ajoutent les recruteurs, les avocats pour les contrats, les espaces où les cliniques font vivre ensemble les femmes enceintes, les hôtels qui hébergent les parents étrangers qui viennent pour vérifier l’état de leur commande ou «retirer» le produit prêt à être livré. La clientèle est majoritairement américaine, mais on dit que la moitié des cas impliquent des indiens de la classe supérieure: le cas le plus notoire, délibérément diffusé par les médias, est l’une des stars de Bollywood, Amir Khan et sa femme Kiran Rao, qui en Décembre 2011 ont affirmé avoir eu un enfant par une mère porteuse. Dans le «portefeuille clients» des plus d’un millier de cliniques spécialisées du sous-continent, il y a les Australiens, les Taiwanais, les Singapouriens et les Européens. Le groupe avec la plus forte croissance est celui des gay occidentaux.

Une étude réalisée par le Centre for Social Research (CSR) à New Delhi, sortie en Avril dernier et intituléeSurrogacy Motherhood: ethical or commercial, a commencé à communiquer des données et des épisodes vraiment inquiétants. Ranjana Kumari, la directrice du centre, raconte: «Nous avons trouvé une femme qui avait reçu 25 cycles de FIV. Une autre a été forcée d’avoir quatre embryons implantés à la fois, contre la pratique internationale d’un embryon à la fois, ou tout au plus, deux». D’après le document, que l’on peut consulter en ligne (ndt: je n’ai pas fait la recherche…), il semble qu’à beaucoup de mères porteuses, on fait signer le contrat, mais elles ne reçoivent pas de copie; qu’un grand nombre d’entre elles ont trois ou quatre enfants qu’elles tentent d’élever grâce à deux ou trois grossesses de substitution; qu’elles sont confinées dans des hôtels où, en cas de maladies contractées par leurs enfants ou leur mari, elles ne peuvent pas recevoir de visites; que si un enfant naît «défectueux» (habituons-nous à ce vocabulaire commercial, parce que c’est vraiment de commerce qu’il s’agit) la femme n’est pas payée: en tenant compte du fait que le risque de mal-formation avec la fécondation in vitro est le double par rapport à la fécondation naturelle, cela qui signifie que beaucoup de mères porteuses ne sont pas payées à la fin de la gestation, et du «déchet» c’est-à-dire de l’enfant, on aimerait bien connaître le sort, sur lequel, pour le moment, nous n’avons aucune information. Enfin, il y a le contexte social plus vaste, où souvent, la femme est poussée à la grossesse de substitution par le mari qui a des problèmes d’alcool, le mari qui gaspille, le mari qui a besoin d’un capital de départ avec lequel démarrer une entreprise: une fois le capital épuisé (ce qui arrive souvent), la femme procédera à une nouvelle grossesse pour des tiers. La directrice du Centre for Social Research, Ranjana Kumari ne craint pas de déclarer au journal australien que «notre étude montre qu’est en train de se créer une mafia de trafiquants, avec des femmes trouvées dans des endroits reculés par des agents de recrutement qui ont le seul but de gagner de l’argent. La vulnérabilité des pauvres est exploitée».

Les indiens commencent à être sceptiques sur cette commercialisation de la maternité. Un pays qui n’a pas beaucoup de perception de l’étranger, commence à se demander pourquoi l’Inde doit offrir un service qui est un crime ailleurs. Mais plus encore: les images des femmes enceintes sur les panneaux d’affichage des cliniques, désormais très répandues, offensent de plus en plus la population, qui est consciente du fait que ces femmes sont obligées de vivre ensemble dans des dortoirs qui ressemblent beaucoup à un élevage d’animaux:baby-factories, «usines à bébés». Il n’est pas rare, en effet, que le contrat prévoit la séparation temporaire de la fécondée avec sa famille afin d’éviter le risque de relations sexuelles avec son mari, et donc la transmission de maladies vénériennes qui peuvent affecter la qualité du produit, c’est à dire l’enfant de substitution.

Le coût de la vie: la publicité
——-
Une des sources qui rapporte les détails de l’histoire de Premila est l’article écrit à chaud par le Times of India, disponible sur le site Web en anglais du journal. En faisant défiler la page vers le bas on trouve les Google Ads, c’est-à-dire les espaces avec les annonces publicitaires que Google associe au profile de l’internaute selon les mots-clés spécifiques pour cette page. Eh bien, l’automatisme «a-moral» de l’algorithme veut me conseiller des sites comme le New Dehli IVF Center (“International standards with good success rates. Donor and surrogacy »). Il m’en conseille aussi d’autres de ce type, certains ont comme extension de domaine. Ru (Russie) ou. Gr (Grèce). Mais c’est oneinsix.com qui a attiré mon attention. «Surrogacy Cost $26,500 Surrogate & Surrogacy in India» est le titre. J’entre dans le site, qui est dépouillé, moche; bien visible, toutefois, le bouton pour payer avec Paypal, et puis, à la page «coût» , un texte, dans un anglais hérissé de fautes de grammaire typique de certains Indiens: «En 2005, la maternité de substitution coûtait 12.000 $. Aujourd’hui, les mêmes cliniques font payer 35.000 dollars. Un suicide économique de reporter ou retarder ton traitement n’est pas nécessaire», écrit le site. «Deux cliniques que nous connaissons offrent la maternité de substitution pour 26.000 dollars, le prix de Juin 2012. Ces cliniques procurent une mère porteuse pour ce prix incluant un dépôt pour la naissance du bébé». Quand on pense à des êtres humains comme marchandise, on n’arrive pas à imaginer que l’on puisse être aussi explicite. Le site continue énumérant ce qui est inclus dans le prix: «conseil et recrutement de la mère porteuse; préparation de la mère porteuse; cliniques pour le cycle de FIV; médicaments et injections pour la FIV, en fonction du dosage; rembousement de la mère porteuse; chambre et pension pour la mère porteuse pendant 9 mois; travailleurs sociaux [sic]; assurance; dépôt pour l’hopital de livraison et en cas d’urgence». La liste est incohérente, imprécis et effrayante.
Plus bas, dans une section intitulée tout simplement «The West» (L’Occident), le site, avec les habituelles fautes de grammaire, touche le sommet de l’ignominie: «Un autre sujet de préoccupation est qu’on nous dit que nous vivons en Rip-off Britain [la Grande-Bretagne qui nous tond]. Les lois du gouvernement limitent le nombre d’embryons implantés chez une femme à trois (…) et ils veulent maintenant réduire les embryons à un! (…) En Inde, où l’on peut implanter une moyenne de 4-6 embryons, mais plus encore, le coût est nettement inférieur». Suivent des comptes arithmétiques sur le prix d’un embryon, et la critique méprisante de ceux qui parlent d’«exploitation».

A l’acheteur, de nombreuses options sont donnés pour personnaliser le produit final : «Si la donneuse de l’ovocyte ne répond pas à vos requêtes concernant l’aspect, etc. , vous pouvez mettre une annonce pour une donneuse d’ovocytes sur le Times of India . En 2005, le coût de la publicité était de 600 $ pour une douzaine de villes une fois par semaine pendant deux mois. Une donneuse d’ovules peut espérer recevoir jusqu’à 50.000 roupies». Notons que le Times of India est le journal d’où est parti l’article sur la mort de Premila: il semble que, même face à la tragédie patente, l’ensemble du système social indien (autorités, médias, intellectuels) est de connivence sinon complice.
Un examen attentif des coûts éventuels de la maternité de substitution en Amérique (120.000 dollars, selon le site), condamnant le fait que «comme toujours en Amérique, une grande partie va à l’agence et chez le médecins» entraîne de nouveaux calculs sur l’avantage des utérus indiens de oneinsix.com. Mais il y a plus: «Si vous aviez la possibilité d’implanter 6, 9 ou plus embryons à la fois, ne sauteriez-vous pas sur une telle possibilité? Bien sûr, vous auriez le risque de naissances multiples, mais elles peuvent être réduites sélectivement». La maternité de substitution, super-implantation d’embryons, meurtre d’embryons, avortement sélectif: la page se ferme avec un convertisseur de devises.

Trend (tendances, mode): star, gay et too-posh-to-push
—————–
Comme toutes les tendances, celle de la maternité de substitution, pour atteindre les gens du commun a dû en passer par les stars. Les vedettes de cinéma, télévision et musique (et de la mode, du sport, du théâtre, en somme les «célébrités») [ndt: en France, curieusement, on dit people, et c’est tous le rôle de cette multitude de journaux de caniveau dont les titres sont des onomatopées, et qui fleurissent – façon de parler – dans les kiosques et autres Relay] agissent comme d’énormes catalyseur fonctionnels de modes, qui se déversent sur la société de consommation, depuis la forme des pantalons que vous portez jusqu’à l’éthique de la reproduction.
Déjà en 2007, Oprah Winfrey, puissante présentatrice du talk-show le plus regardé d’Amérique, amèna à la télévision le Dr Nayana Patel TV de la Akanksha Infertility Clinic d’Andand, autrement dit la Mecque de la maternité de susbtitution.
Initialement, parmi les stars, ce fut Sarah Jessica Parker, la vedette de la célèbre série «Sex and the City». Incarnation de la femme émancipée et hédoniste, au point de devenir un modèle mondial de la sexualité bourgeoise, libre et élégante de New York, la maigrissime Parker décida entre 2008 et 2009 avec son mari Matthew Broderick (un autre acteur célèbre) d’avoir des jumeaux au moyen de la maternité de substitution.
La Parker est le leader d’une catégorie particulière de clients des utérus indiens: les too-posh-to-push (trop-chics-pour-pousser). Des femmes de la haute société qui, pour des motifs sociaux, professionnels ou tout simplement par paresse, rejettent l’idée que, pour avoir un enfant, il faille se déformer le corps avec la grossesse, et ne peuvent pas tolérer qu’à la fin du processus il faille encore souffrir les douleurs de l’accouchement. Hollywood a dédié à la surrogacy une comédie, avec les deux plus élégantes actrices comiques du programme très populaire « Saturday Night Live« : les excellentes Tina Fey et Amy Poheler. Dans le film, une femme d’affaires snob avec des problèmes de fertilité prend pour mère porteuse une fille de South Philly (la partie sud de Philadelphie, vue comme le pays imaginaire des pauvres, des gens peu éduqués; c’est là que se passe le film « Rocky »).

La rousse oscarisée Nicole Kidman (qu' »Avvenire » a qualifié de «magique» quand elle a décidé d’épouser son dernier mari, Keith Urban, lors d’une cérémonie catholique) a annoncé il y a un peu plus d’un an avoir eu un enfant par mère porteuse. Contrairement à Parker, elle a gardé secret l’ensemble du processus, et n’en a parlé qu’après coup. Elle a appelé sa fille «Faith», foi , «parce que nous avons besoin de beaucoup de foi».
Mais le cas le plus frappant, en raison de ses implications sociales, a été celui du chanteur de 65 ans Elton John, qui a «substitué» la maternité de «son fils» pour pouvoir l’élever avec son «mari»(ou «sa femme»?) tout juste épousé, le cinéaste David Furnish, de vingt ans son cadet.
Bien que la maternité de substitution ait été pratiquée depuis plusieurs années, le cas d’Elton John a fait sensation car il s’agit d’un enfant né biologiquement d’un couple d’homosexuels célèbrissimes. Dans la pratique, la mise en scène à l’échelle mondiale – un théâtre dont seules les célébrités peuvent profiter – du rêve sur le point d’être réalisé des groupes LGBT et de toute la théorie du genre: les couples homosexuels aussi peuvent engendrer, dépassant dans un élan post-humain, les limites imposées par la nature, qui, comme dans tous les Gnoses, est vue par la théorie du « genre » comme un démiurge mauvais, ayant enfermé le corps des gay dans des corps non compatibles avec la reproduction humaine et peut-être même avec leur propre psyché.
En plus, en 2011 la nouvelle de la naissance du fils d’Elton John a été annoncée le jour de Noël. Le chanteur aurait déclaré plus tard qu’il avait eu des doutes, disant qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère, mais il semble que ces sorties n’aient pas été suivies d’actions concrètes. Le New York Post a publié au début de 2013 la nouvelles que le couple a eu un deuxième enfant par mère porteuse. Entre les médias et les porte-parole du chanteur, c’est toujours la valse habituelle des petites admissions et démentis.

La fragile position du front homosexuel
——————
Du point de vue des groupes organisés de gays, la question des mères porteuses est particulièrement délicate pour l’avenir de la bioéthique et de la société réelle: d’une part, elle représente le tournant où est donnée à l’homosexuel la capacité de se reproduire génétiquement; de l’autre, l’état de plus en plus incontestable d’exploitation des femmes peut porter le front homosexuel à un divorce inédit avec leurs alliés des dernières décennies. Le mouvement des droits civiques, les partis de gauche, les mouvements de libération des minorités, parmi lesquels les féministes, en diminution mais toujours agressive. Un capital immense de pouvoir politique pourrait être dilapidé en peu de temps.
Les groupes organisés de gays touchent enfin de la main l’opportunité de sortir de la condamnation sans appel à laquelle ils ont été relégués par la nature,c’est-à-dire la stérilité. La perspective de familles gay allume l’espoir de parvenir à une totale équivalence entre l’homosexualité et l’hétérosexualité, entre les «différents» (à noter: un mot à un certain moment souvent utilisé et maintenant en désuétude totale) et la normalité. Il s’agit d’un tournant décisif pour l’ensemble du mouvement gay. Une société qui accepte de se faire fabriquer ses enfants à travers les ventres du Tiers-Monde, est une société prête à accepter dans leur intégralité toutes les caractéristiques de leur personnalité (y compris des faits prouvés statistiquement comme l’infidélité, une certaine voracité sexuelle, qui a de fait contaminé la société, en particulier les femmes, qui vivent désormais l’acte sexuel de manière plus agressive).
La maternité de substitution est l’horizon final de l’homosexualisme et ce, d’un point de vue biologique, moral , sociale, stratégique.

Pourtant, la surrogacy risque de devenir pour les gays un risque mortel, un boomerang qui peut finir par détruire d’abord les alliances, puis les victoires remportées, et enfin les fondements mêmes du monde gay.
Les féministes, toujours autoproclamées ultime défense des femmes, ne pouvaient rester longtemps insensibles au cas macroscopique de la maternité de substitution, en fait la forme de prostitution et d’exploitation des femmes la plus obscène jamais inventée dans l’Occident capitaliste.
Ainsi, au moins en Inde, où les effets du phénomène surrogacy sont évidents et dévastateurs, les féministes ont commencé à faire entendre leur voix. Les groupes féministes indiens demandent ouvertement d’interdire la maternité de substitution: l’industrie de la location de l’utérus, affirment-elles, est préjudiciable à la santé des femmes (qui ne sont plus maîtres de leur propre corps, selon l’axiome féministe) et les expose à d’autres crimes commis par les hommes, comme les médecins qui ne paient pas la somme convenue ou les maris ivrognes qui les goinfrent d’hormones jusqu’à leur faire éclater les ovaires.

La dimension d’exploitation ne pouvait pas non plus manquer de soulever les antennes des partis communistes, très prospères dans différentes parties du sous-continent (états du Kerala et du Bengale en tête). Bien que restant à l’écart des questions morales et spirituelles, Brinda Karat, parlementaire communiste indienne, utilise ouvertement le mot «exploitation» pour décrire la relation entre les riches étrangers et les pauvres mères porteuses en Inde: «La situation économique des indiennes n’est pas égale à celle des riches étrangers, et donc la femme indienne ne fait pas un libre choix, mais une contrainte. Si les couples étrangers croient en la maternité de substitution commerciale, pourquoi ne convainquent-ils pas leurs gouvernements de changer les lois, au lieu de venir ici et d’exploiter les femmes pauvres?».

Ainsi une faille pourrait enfin se créer dans le front uni formé dans les dernières décennies par les homosexuels (ou LGBT, maintenant LGBTQIQ, c’est à dire Lesbian Gay Bisexual Transgender Queer Intersexual e Questioning, combien d’autres catégories s’ajouteront au cours de ce lustre, on ne sait pas) et leurs alliés féministes, compagnes naturelles de la cause homosexuelle dans les tranchées du politiquement correct. La politique du mouvement gay, en effet, n’est pas quelque chose de spontané ou d’improvisé. Il y a un livre qui, plus que tout autre démontre la lucidité du front homosexualiste. Il s’agit de « After the ball. How America will conquer its fear & hatred of Gays in the 90’s » (Après le bal Comment l’Amérique va vaincre sa peur et sa haine des homosexuels dans les années 1990), publié en 1989 par Marshall Kirk stylos, un neuropsychiatre , et Hunter Madsen, spécialiste du marketing de persuasion. Le texte, qui constate que «la révolution gay a échoué», décrit les principes directeurs que le mouvement devra suivre afin de gagner l’opinion publique. «Dépeindre les homosexuels comme des victimes et non comme des provocateurs agressifs», «Donner aux protecteurs potentiels une juste cause», «Faire que les gays semblent bons», «Que les opposants semblent mauvais».
Le document analyse le contexte médiatique, les systèmes de collecte des fonds, la formation de l’opinion de la population et les manipulations faisables à cet effet. «La légitimité de l’identité gay et lesbienne à travers un combat de liberté comme ceux sur le divorce ou l’avortement, qui dispose d’arguments simples et convaincants: avant tout la proclamation d’un modèle normatif d’homosexualité résolu et rassurant. Avec le gâteau dans le four et les rideaux aux fenêtres, comme l’a défini une voix maligne. Le message est plus ou moins ce qui suit: les homosexuels ne sont pas des individus seuls, mesquins et névrosés, mais des personnes splendides, fiables et équilibrées, responsables au point de vouloir fonder une famille ».

L’ultra prostitution et le far west biologique: jusqu’à quand?
——————
Les médecins indiens, qui s’enrichissent comme des collaborationistes autochtones de cette nouvelle colonisation de l’ovaire réagissent avec colère à la critique qui commence à s’élever de la part du public et de la politique indienne. Les partis de gauche en Inde existent et ont une voix forte, de même qu’il existe dans le sous-continent une grande liberté de la presse. Ainsi, l’industrie de la subrogation commence à se défendre avec les paradoxes ridicules, mais tout à fait légitimes pour une certaine mentalité du Tiers-Monde: dans les baby-factories, nous dit-on, les mères porteuses mangent des aliments sains pour la première fois dans leur vie, de même qu’elles reçoivent des examens médicaux de contrôle et de soin que jamais elles n’auraient pu se permettre si elles étaient enceintes de leurs « propres » enfants. De même, il est intéressant de noter que certaines des réactions de colère des médecins et des mères porteuses aux premières critiques soulignent que les féministes sont souvent « célibataires » (quelque chose de suspect pour la culture civile de l’Inde, qui est encore solidement fondée sur le mariage surtout s’il est arrangé).

Ce Far West biologique, cet Eldorado de la post-humanité pourrait avoir ses jours comptés. Il était impensable que passe inaperçu un tel monstrueux phénomène social, dans lequel la valeur du corps et même dans le cas de Premila, de la vie de la femme, contrairement à toute théorie féministe, est réduit au point que les naissances adviennent principalement par césarienne, selon les billets d’avion des «clients» étrangers qui viennent en Inde pour la livraison du produit humain, le bébé.

Un projet de loi de la part des autorités indiennes existe. Il s’appelle Artificial Reproductive Technology Bill (document sur la technologie de la reproduction artificielle). Le parlement en discute depuis 3 ans: un business de deux milliards d’euros aura son propre lobby dans une République démocratique et centré sur l’argent comme New Delhi (rappelez-vous que Lakshmi, l’argent, dans l’hindouisme, est une déesse vers qui se tourner, et pas le «fumier du diable»). Ce ne sont peut-être même pas seulement les lobbies économiques qui sont à l’œuvre: le projet prévoirait que les couples homosexuels seraient exclus de la possibilité de la surrogacy. Ce qui aurait des effets dévastateurs tant sur les affaires indiennes, que sur l’évolution à long terme de la culture gay, privée d’un élément important dans sa course à la présentabilité sociale d’abord, et au remplacement de la famille traditionnelle ensuite. Selon le texte, en outre, les femmes étrangères qui souhaitent utiliser des utérus indiens devraient prouver au niveau médical leur stérilité: fin des Sarah Jessica Parker, des femmes carriéristes en veine de maternité extracorporelle et des too-posh-to-push. Le texte donnerait aussi à la justice indienne le pouvoir de poursuivre pénalement un couple qui qui refuserait un enfant né «défectueux», interdirait aux indiennes de de moins 21 ans et de plus de 35 de devenir mère porteuse, empêchant la subrogation au-delà de la cinquième grossesse, en comptant les enfants naturels .
Comme nous l’avons dit, la loi n’a même pas encore été discutée, elle est en attente , en attente depuis plus de trois ans.
Mais la question n’est pas seulement de l’Inde. C’est une affaire (dans tous les sens du terme) au niveau mondial.