La prière de louange dans les psaumes d’après saint Augustin

 » Notre exercice, ici-bas, ce doit être la louange de Dieu, 
car notre bonheur, dans l’éternité, ce sera la louange de Dieu.
( In ps 148, 1) (…)

Les psaumes et Augustin

(…)  Le psautier a nourri Augustin dès les premiers temps de son retour à l’Eglise, et c’est encore ce livre qui l’a accompagné dans ses derniers combats. Encore catéchumène, il lit les psaumes avec enthousiasme : «  Quels cris, mon Dieu, j’ai poussés vers toi en lisant les psaumes de David…  » (Confessions IX, 4, 8). Et sur son lit de mort, c’est avec des psaumes qu’il adresse à Dieu sa prière, comme le rapporte son ami et biographe Possidius :  » Il avait fait faire des copies des psaumes pénitentiaux (…) et, de son lit, pendant sa maladie, il jetait les yeux sur ces copies placées contre la muraille, il les lisait en versant des larmes abondantes et continuelles  » (Vita, 31).

La louange de l’homme nouveau

Quant à l’importance de la louange ou, pour mieux dire, la nécessité de louer Dieu, Augustin y revient fréquemment. «  C’est, assure-t-il, l’œuvre principale de l’homme que la louange divine. C’est l’affaire de Dieu de te plaire par sa beauté, à toi il revient de le louer par des actions de grâces  » (In Ps 44, 9). C’est que l’action de grâce et la louange sont la réponse de l’homme à la grâce de Dieu. Elles le situent à sa vraie place, celle de partenaire libre d’une alliance d’amour. Mais il y a plus : louer Dieu dès ici-bas, c’est entrer déjà dans ce qui fera l’activité des bienheureux dans le Royaume des cieux. Cet aspect eschatologique de la louange est absolument déterminant pour Augustin, c’est pourquoi il exhorte fréquemment les fidèles à s’y exercer :

 » Notre exercice, ici-bas, ce doit être la louange de Dieu, car notre bonheur, dans l’éternité, ce sera la louange de Dieu. Nul ne peut devenir propre à cet avenir s’il ne s’y exerce dès maintenant. C’est bien pourquoi dès aujourd’hui nous louons Dieu (…) Des promesses nous ont été faites qui ne sont pas encore accomplies (…) et, dans l’attente, nous gémissons. Il nous faut persévérer dans cette attente jusqu’à ce que s’accomplissent les promesses, que les gémissements prennent fin, pour qu’il n’y ait plus que la seule louange  » (In Ps 148, 1).

La louange de Dieu convient donc parfaitement à l’homme en croissance vers sa stature définitive, celle d’un amour sans limites :  » Quand nous verrons celui que nous aimons (…) notre louange sera sans fin parce que notre amour sera sans fin  » (In Ps 141, 19). C’est dire aussi que l’homme qui loue Dieu laisse s’exprimer en lui l’homme nouveau, l’homme dont la liberté est restaurée par la grâce :

 » Je te le demande : y a-t-il quelque chose que nous fassions, nous aussi par l’effet de notre volonté libre ? (…) Oui, certainement, lorsque nous louons Dieu lui-même en l’aimant. En effet, tu agis par volonté libre lorsque tu aimes ce que tu loues : tu le fais non par nécessité, mais parce que cela te plaît  » (In ps 134, 11).

Motifs de louange

Mais notre amour n’est pas encore sans limites, et il nous faut bien souvent des motivations concrètes – quand ce n’est pas égoïstes – pour nous tourner vers Dieu et faire jaillir de nos cœurs la louange. Apprenons donc au moins à voir ses bienfaits et à lui en rendre grâce. Ainsi, tout particulièrement, la miséricorde du Seigneur et le pardon qu’il nous accorde devraient être pour nous un motif inépuisable de louange : «  « Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits » (Ps 102, 2). Pour bénir sans cesse le Seigneur, « n’oublie aucun de ses bienfaits ». Si tu les oublies, tu resteras muet (…) Dieu nous a rendu ce qui ne nous était pas dû (…) Toi, tu as rendu le mal pour le bien, lui t’a rendu le bien pour le mal  » (In Ps 102, 3). « Dieu, en effet, veut être loué, mais c’est pour ton profit et non pour s’élever lui-même  » (Id., 4).

C’est en partant d’une louange motivée par les bienfaits de Dieu que nous arriverons, finalement, à le louer gratuitement, simplement parce qu’il est bon, parce qu’il est digne d’être aimé. En effet, nous sommes appelés à devenir ses amis, mais nous sommes encore ses serviteurs (cf. Jn 15, 15) :

 » « Louez le Seigneur, vous ses serviteurs ‘ (Ps 134, 1). Quoi de plus juste? Quoi de plus digne? Quoi de plus agréable ? En effet, si les serviteurs ne louent pas leur Seigneur, c’est orgueil, ingratitude, impiété (…) Le serviteur ingrat, qui refuse de louer son maître, n’en reste pas moins serviteur. Que tu loues ou ne loues pas, tu es toujours serviteur ; si tu le loues, tu le rends propice, si tu ne le loues pas, tu l’offenses. L’exhortation du psaume est donc bonne et utile ; elle nous invite à louer le Seigneur. Nos louanges ne le grandissent pas, c’est nous qu’elles grandissent. Nos louanges n’ajoutent rien à sa bonté, comme nos critiques ne lui enlèvent rien ; c’est toi, qui en louant deviens meilleur, en le blâmant deviens plus mauvais. Lui, demeure ce qu’il est : la Bonté  » (In Ps 134, 1).

Une louange donnée par Dieu lui-même

Mais au fait, pourquoi louer Dieu par des psaumes? Augustin a bien compris que les psaumes ont une place tout à fait particulière dans la prière chrétienne. Ils sont une prière – et en particulier une prière de louange – donnée par Dieu lui-même. Ils sont, à proprement parler, une louange que Dieu s’adresse à lui-même et dont il nous fait la grâce de pouvoir être les instruments :

 » Louer le Seigneur avec vous, voilà mon désir. Lui-même a daigné nous le permettre ; encore faut-il que la louange que nous lui disons trouve son juste équilibre, de peur d’offenser par un excès ou par un autre celui-là même qu’elle veut louer. C’est pourquoi nous cherchons dans l’Ecriture divine la meilleure façon de le louer, prenant garde de ne pas nous en écarter, ni à gauche ni à droite. Car j’ose l’affirmer, très chers, c’est afin d’être convenablement loué par l’homme que Dieu s’est loué lui-même. Elle ne peut s’appliquer à Dieu, cette règle qui est donnée à l’homme :  » Qu’un autre te loue, mais non ta propre bouche  » (Prov 27, 2). Car faire sa propre louange c’est, de la part d’un homme, une impudence ; de la part de Dieu, c’est miséricorde.  » (In Ps 144, 1).

Voilà qui doit réconforter celui qui connaît sa faiblesse et qui se sait dépendre en tout de la grâce – autrement dit du don – de Dieu. Car le fait même de pouvoir louer est un don de Dieu, et les louanges que nous lui adressons ne sont véritables que si elles nous viennent de lui et non de nous-mêmes :

 » Que chacun de nous exhorte et excite son âme et lui dise : « Mon âme, bénis le Seigneur  » (Ps 102, 1). Et nous tous, nous qui, partout, sommes frères en Christ, nous sommes un seul homme, dont la tête est au ciel. Que cet homme unique exhorte lui-même son âme et lui dise: « Mon âme, bénis le Seigneur ». Il obéit, il obtempère, il le fait, persuadé non par des dons reçus de nous, mais par les dons de Celui qui bénit notre âme  » (In Ps 102, 1).

Louange du Christ et de l’Eglise

Dire – comme on l’a noté plus haut (In ps 144, 1) – que Dieu se loue lui-même dans les psaumes, ne peut se comprendre si l’on ignore la place que tient, dans la pensée d’Augustin, la perception du mystère du  » Christ total  » (Christus totus). Cette conception christologique et ecclésiologique, qu’il trouve chez saint Paul, voit dans le Christ la tête d’un corps dont les membres sont constitués par l’Eglise (cf. notamment 1 Co 12 et Ep 5). Cette théologie du Christ total domine toute l’exégèse augustinienne du psautier . Celui-ci est tout entier prière du Christ, qui s’exprime tantôt en tant que tête – il parle alors en son nom -, et tantôt en tant que membres – il parle en notre nom . L’unité du corps ecclésial et son union avec la tête sont fréquemment affirmées dans les Enarrationes. Ainsi, par exemple :  » C’est notre voix que nous devons reconnaître dans ce psaume. Je ne dis pas la nôtre en pensant seulement à ceux qui sont ici présents, mais la nôtre à nous tous qui sommes dans le monde entier (…) Et pour que vous sachiez qu’il s’agit de notre voix, le psalmiste parle ici comme un seul homme (…) car, dans le Christ, nous sommes un seul homme. «  (In ps 60, 1)

La louange du chrétien est donc située en Dieu, ou mieux, en Christ, exprimant cette adoption filiale qu’il fait sienne et ratifie en parlant de la voix même du Sauveur :

 » « En Dieu je louerai mes paroles  » (Ps 55, 5). Si c’est en Dieu, comment les paroles sont-elles miennes? Elles sont à la fois en Dieu et miennes. En Dieu, parce que c’est de lui-même que je les tiens ; miennes, parce que je les ai reçues. Lui-même, qui me les a données, a voulu qu’elles fussent miennes par l’amour que je porte à Celui de qui elles sont  » (In Ps 55, 7)

Si la prière des membres – encore livrés aux tribulations d’ici-bas – s’exprime le plus souvent sous la forme de la supplication ou du repentir, la louange, elle, convient particulièrement au Christ tête, déjà glorifié à la droite du Père. En s’y associant, le chrétien anticipe donc sa condition future, qui n’est autre que sa condition véritable, sa « patrie », vers laquelle il est encore en chemin : «  »Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres » (Ps 33, 2). Puisque le Christ le dit, que le chrétien le dise aussi. Parce que le chrétien fait aussi partie du corps du Christ et que le Christ s’est fait homme, pour que celui qui dit : « Je bénirai le Seigneur  » puisse devenir un ange  » (In Ps 33, s. 2, 3).

Humilité

La louange des membres ne saurait cependant s’unir de manière authentique à celle de la tête, si elle n’était empreinte des  » sentiments qui sont dans le Christ Jésus  » (cf. Ph 2, 5). C’est pourquoi, la louange véritable est celle de l’homme humble.

Que l’humilité doive habiter le cœur de celui qui adresse à Dieu sa supplication, qui confesse ses fautes ou qui crie sa souffrance, voilà qui va de soi :  » « Nous confessons nos fautes devant toi, et nous invoquons ton nom » (Ps 74, 2). N’essaie pas d’invoquer avant d’avoir confessé (…) Celui que tu invoques (…) ne vient pas chez l’orgueilleux. Il a beau être le Très-Haut, on ne l’atteint pas en s’élevant. Pour atteindre ce qui est élevé, il nous faut nous dresser sur la pointe des pieds, et si nous n’y arrivons pas, nous utilisons une échelle ou des échafaudages, afin d’atteindre le sommet. Pour Dieu, c’est le contraire. Il est très élevé et il n’est accessible qu’aux humbles  » (In Ps 74, 2).

Même si c’est moins évident, il est tout aussi vrai que la louange véritable ne peut venir, elle aussi, que d’un cœur humble :  » Mais quel est donc, demande Augustin, celui qui bénit le Seigneur en tout temps, sinon celui qui est humble de cœur ? «  (In Ps 33, 4). Celui-là, en effet, est véritablement à l’image de « notre Seigneur, qui nous a enseigné l’humilité par son corps et son sang. «  (Ibid.) Et l’humble est celui qui ne s’attribue pas le mérite du bien qu’il fait, mais le rend à Dieu qui en est le véritable auteur :

 » Pourquoi donc l’homme bénit-il le Seigneur en tout temps ? Parce qu’il est humble. Qu’est-ce qu’être humble ? C’est ne pas vouloir être loué en soi-même. Celui qui veut être loué en lui-même est orgueilleux. L’humble est celui qui n’est pas orgueilleux. Tu veux donc ne pas être orgueilleux ? Pour pouvoir être humble, répète les paroles qui viennent d’être dites:  » En Dieu, mon âme sera louée ; que les doux m’entendent et se réjouissent  » (Ps 33, 3). Car ceux qui ne veulent pas être loués en Dieu ne sont pas doux; ils sont farouches, âpres, altiers, orgueilleux » (In Ps 33, 5).

Ainsi, la louange est, par excellence, la prière des  » pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (…) Ce sont les humbles, (…) ceux qui louent Dieu quand ils font quelque bien et s’accusent lorsqu’ils font quelque mal  » (In Ps 73, 24).

Louer Dieu en toutes circonstances

Augustin connaît bien le cœur de l’homme. Il sait combien il lui est difficile de rester dans la louange et l’action de grâce lorsque l’adversité, ou même les ennuis  » ordinaires « , se présentent à lui : «  Combien nombreux sont les chrétiens, mes frères, qui ne rendent grâce à Dieu que quand il leur arrive quelque chose d’avantageux. Voilà ce que veut dire le verset:  » Il te bénira quand tu lui feras du bien  » (Ps 48, 13) (…). Lui arrive-t-il quelque chose d’avantageux, il bénit (…) Mais qu’il subisse quelque dommage, le voilà qui blasphème  » (In Ps 48, s. 2, 9).

C’est que l’homme a tendance à ne considérer que les biens qui lui adviennent d’une manière visible et qui satisfont ses appétits immédiats. Pourtant, le seul bien vraiment nécessaire, c’est Dieu lui-même :  » Il n’y a rien de meilleur, de plus suave, aucun bien plus durable que Dieu lui-même. «  (cf. In Ps 33, s. 2, 9). Et ce bien-là, il ne le retire jamais à ceux qui s’attachent à lui pour l’aimer. L’exemple des épreuves du peuple de l’Alliance en témoigne :

 » Le peuple juif lui-même a compris plus tard ce que Dieu l’invitait à rechercher en retirant à ses serviteurs ces misérables biens temporels pour les donner à ses ennemis, des blasphémateurs, des impies ; ainsi instruit, il a compris qu’au-delà de tout ce que Dieu donne aux bons comme aux méchants et qu’il retire parfois aux bons comme aux méchants, il y a une chose qu’il réserve aux bons. Que leur réserve-t-il ? Lui-même !  » (In Ps 72, 6).

Ainsi, même lorsqu’il retire – ou semble retirer – ses dons, Dieu, le donateur, ne se retire pas lui-même, de sorte qu’il convient de continuer à le louer, quoi que nous vivions. En adressant notre louange au Seigneur dans l’adversité, nous attestons que nous voulons trouver notre bien en Dieu seul :

 » Il n’est pas étonnant que tu bénisses ton Dieu un jour de joie. Mais que feras-tu si, d’aventure, un jour de tristesse se présente à toi, selon qu’il en va des choses humaines, de l’abondance des scandales et les multiples tentations ? Que feras-tu donc, s’il arrive quelque chose de triste pour l’homme ? Cesseras-tu de louer Dieu ? Cesseras-tu de bénir ton créateur ? Si tel est le cas, tu mens lorsque tu dis :  » Seigneur, je te bénirai chaque jour  » (Ps 144, 2). Mais si tu ne cesses pas de le louer, même si tu t’es trouvé mal dans un jour triste, tu te trouveras bien en ton Dieu (…) Et que peut-il y avoir d’aussi bon que ton Dieu, dont il est dit :  » Nul n’est bon, sinon Dieu seul  » (Lc 18, 19). Que cette bonté te fasse comprendre combien est sûre cette louange et combien est sûr ce bien. Car si tu te réjouis d’un bien qui t’arrive un jour, peut-être un autre jour ce bien dont tu te réjouis passera-t-il (…). En effet, quel que soit le bien de cette sorte dont tu te réjouis, il n’est, à coup sûr, que passager. Mais si tu te réjouis dans le Seigneur ton Dieu, tu obéis à la parole de l’Ecriture : « Mets ta joie dans le Seigneur  » (Ps 36, 4)  » (In Ps 144, 3).

Louer Dieu par nos bonnes œuvres

Mais comment est-il possible de  » louer le Seigneur en tout temps  » ? L’objection est prévisible. Faut-il donc vivre au monastère et consacrer un bon nombre d’heures, chaque jour, à la prière liturgique ? Ou alors, faut-il s’organiser à la manière de cet homme qu’Augustin évoque avec une affectueuse ironie ?  » Mais voyez encore ce qui suit, mes frères. Un de mes paroissiens, ayant lu le verset :  » Offre à Dieu le sacrifice de tes louanges  » (Ps 49, 14), avait conçu la chose comme une sorte d’impôt à acquitter ponctuellement et s’était dit: « En me levant, tous les jours, j’irai à l’église, j’y dirai une hymne du matin ; en fin de journée, une hymne du soir ; puis chez moi une troisième et une quatrième hymne. Ainsi, je sacrifie tous les jours un sacrifice de louange et je l’offre à mon Dieu. C’est bien de faire ainsi, mais garde-toi de te rassurer sur ce que tu fais, et tandis que ta langue parle bien devant ton Dieu, que ta vie ne parle mal devant lui  » (In Ps 49, 23).

Sans décourager celui qui veut consacrer du temps à une prière de louange explicite, Augustin indique donc une piste autrement sûre : il s’agit de proclamer la louange de Dieu par sa vie. Il s’en explique dans l’enarratio sur le psaume 146 :

 » Le psaume est une espèce de chant : non pas n’importe lequel, mais un chant accompagné au psaltérion (…) Il faut que les mains rivalisent avec la voix. Veux-tu donc chanter un psaume ? Ne te contente pas de faire retentir les louanges de Dieu avec ta voix, mais que tes actes rivalisent avec ta voix. Si tu ne chantes qu’avec ta voix, il y aura des silences. Tâche de faire de ta vie un chant qui ne se taise pas  » (In Ps 146, 2).

Et faire de sa vie un chant au Seigneur, c’est pratiquer les commandements, en particulier celui de la charité, qui les contient tous :  » Louez le Seigneur,  » vous qui vous tenez dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu  » (Ps 132, 2). Vous  » qui vous tenez  » et non vous qui tombez. Or ceux-là se tiennent, selon l’Ecriture, qui persévèrent dans la pratique des commandements du Seigneur, qui servent Dieu avec une foi non feinte, une ferme espérance et une charité sincère.  » (In Ps 134, 2) C’est à ce prix que notre louange plaira au Seigneur.

 » Comment notre louange sera-t-elle agréable à notre Dieu ? Si nous le louons par la bonté de notre vie. Ecoute, dans cet autre passage de l’Ecriture, combien une telle louange lui sera agréable :  » La louange ne sied pas à la bouche du pécheur  » (Si 15, 9). Si donc la louange ne sied pas à la bouche du pécheur, elle n’est pas agréable à Dieu, car ce qui est agréable est ce qui est seyant. Tu veux donc que ta louange soit agréable à ton Dieu ? Que tes beaux chants ne soient pas contredits par une conduite mauvaise (…) Vous qui louez, que votre vie soit bonne ! La louange des impies offense Dieu. Il accorde plus d’attention à la manière dont tu vis qu’à la manière dont tu chantes  » (In Ps 146, 3).

En vue du Royaume

Nous voici ramenés au point de départ : la louange est la prière de l’homme nouveau, de l’homme restauré par la grâce en vue du Royaume de Dieu. Et de fait, celui qui accueille, dans le quotidien de sa vie,  » la charité de Dieu répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit  » (cf. Rm 5, 5), anticipe le Royaume à venir et le construit déjà, concrètement, par l’amour fraternel dont il témoigne. Ainsi, celui qui loue Dieu  » par sa vie  » est effectivement tendu vers l’avènement du Royaume de Dieu :  » Ces cantiques sont donc les chants de ceux qui aiment et qui brûlent, en quelque sorte, d’un saint désir. Ils brûlent, ceux qui les chantent du fond de leur cœur, et cette flamme qui brûle en leur cœur se reconnaît dans leurs mœurs, dans la sainteté de leur vie, dans leurs œuvres accomplies selon les commandements de Dieu. » (In Ps 126, 1)

Dans l’attente du rassasiement définitif, nous pouvons, par la louange de Dieu, anticiper la plénitude qui nous est promise. Et même si nos élans de louange – comme nos élans de charité – sont bien vite confrontés à nos limites, que l’assurance que nous donne la promesse de Dieu et l’inépuisable recours de sa grâce mettent nos cœurs dans la jubilation :

 » Dieu est le bien. Quel bien ? Qui le dira ? Nous ne pouvons le dire et pourtant il ne nous est pas permis de le taire. Si donc nous ne pouvons le dire et que notre joie nous empêche de le taire, ne parlons pas et ne nous taisons pas non plus. Que ferons-nous donc, si nous ne parlons pas et si nous ne nous taisons pas ? Soyons dans la jubilation.  » Jubilez en Dieu notre Sauveur, jubilez en Dieu toute la terre  » (Ps 94, 1) (…) Faites entendre la voix ineffable de votre bonheur et faites exploser (eructate) en lui votre joie. Et quelle sera cette explosion quand nous serons rassasiés si, dès à présent, après une modique réfection, notre âme éprouve un tel élan ? Que sera-ce quand adviendra, après le rachat de toute corruption, ce qui est dit dans ce psaume :  » Il comble de biens tes désirs  » (Ps 102, 5) ?  » (In Ps 102, 8).

Conclusion

La vie chrétienne est incorporation au Christ et assomption en Dieu par participation à la Pâque du Christ. Accomplie pour notre Tête, cette Pâque n’est pas encore achevée pour les membres que nous sommes. Dans ce temps de  » gestation « , rien ne convient mieux à notre état que la louange de Dieu. L’Alleluia  » liturgique  » qui symbolise toute la louange de l’Eglise encore pérégrinante, annonce et prépare cet Alleluia définitif qui sera notre éternelle occupation :

 » Notre bonheur, dans l’éternité, ce sera la louange de Dieu (…). Il existe donc deux périodes ; l’une se déroule présentement parmi les tentations et les afflictions de cette vie ; l’autre sera un jour, assurance infrangible, exultation sans fin. C’est à cette dualité que répondent, dans la liturgie, les deux temps qui touchent à Pâques. Le temps d’avant Pâques figure les afflictions de la vie présente ; celui que nous célébrons après Pâques figure une réalité que nous ne possédons pas encore (…) Tel est le sens de notre Alleluia, puisque ce mot, vous le savez, signifie « Louez le Seigneur « . Le temps du jeûne précède la résurrection, le temps de la louange suit la résurrection du Seigneur (…). Maintenant donc, frères, nous vous exhortons à louer Dieu (…) Ne vous attachez pas seulement aux paroles : quand vous louez Dieu, louez-le de tout votre être ; que votre voix, que votre vie, vos actions, que tout chante. Et s’il est encore des gémissements, des afflictions, des tentations, espérons que tout cela passera et que viendra le jour où nous louerons sans plus cesser  » (In Ps 148, 1-2).

Puissions-nous accueillir l’enseignement de saint Augustin et, par une louange de plus en plus vraie et attestée par toute notre vie, ratifier la dimension pascale de notre existence.

André BROMBART
Augustin de l’Assomption

http://www.assomption.org/Ressources/ItinerairesAugustiniens/IA24/louangeDansPsaumes.html

 

Écouter ces enseignements

1. La louange de l’homme nouveau

2. Les motifs de la louange. Une louange donnée par Dieu lui-même.

3. La louange du Christ et de l’Église. L’humilité.

4. Louer Dieu en toutes circonstances. Louer Dieu par nos bonnes oeuvres

5. La louange en vue du Royaume

6. La louagne expression de la foi