Mgr Guy Gaucher, docteur du docteur

Sur le site Zenit.org

Son « Histoire d’une vie. Thérèse Martin » (Cerf) est une incomparable porte d’entrée dans le monde si réaliste de sainte Thérèse de Lisieux. Son « Jean et Thérèse. Flammes d’amour » (Cerf) une petite pédagogie pour entrer dans celui de Jean de la Croix. Et sa préface de « Thérèse docteur de l’amour » (Ed. du Carmel 1991) fait comprendre combien le « doctorat » de Thérèse de l’Enfant Jésus de la Sainte Face est une prophétie pour cette époque que le pape François appelle « le temps de la miséricorde ».

Le père Guy Gaucher, Mgr Guy Gaucher s’est éteint hier matin, 3 juillet, à 85 ans, mais ce qu’il a découvert et livré de Thérèse de Lisieux est impérissable. Il y a un avant et un après. Il a su donner toute sa force à la lettre des écrits de Thérèse qu’il a publiés scientifiquement et avec une patience et une exactitude que seul l’amour, humble, inspire.

Dans « Thérèse docteur de l’Amour » (Editions du Carmel, 1991, p. 13), il cite les immenses désirs de la jeune carmélite que l’on ne peut plus appeler « petite » sans penser à cette remarque de Guy Gaucher : la « petite dernière » était, en taille, la plus grande des sœurs Martin !

Il fait observer que ces désirs immenses de Thérèse embrassent l’espace et le temps : « Je voudrais annoncer l’Evangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées (espace) … Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles… (temps) ».

Et Guy Gaucher commente : « La jeune carmélite ne délire pas. Tout est calme en elle. » Il ajoute ce que Thérèse dit elle-même à Sœur Marie du Sacré-Cœur : « Je vous assure qu’il n’y a aucune exagération dans ma petite âme, tout y est calme et reposé. »

Il insiste sur la vocation « d’enseignante » et d’enseignante « universelle », avec cette prophétie fameuse de Thérèse sur l’avenir de ses écrits : « Il y en aura pour tous les goûts, excepté pour les voies extraordinaires » (p. 23).

Il conclut : « Thérèse a été cette enfant donnée à notre monde pour illuminer l’Eglise par la clarté de sa doctrine » (p. 26). Le père Guy Gaucher a sa part dans cette lumière qu’il a servie et communiquée, comme un docteur du docteur.

Carme français, ancien évêque auxiliaire de Lisieux (1987-2005) et évêque émérite de Meaux (1986-1987), il était né en mars 1930 à Tournan en Brie (Seine-et-Marne), et il avait été ordonné prêtre en 1963 pour le diocèse de Paris. Il fit des études supérieures en lettres modernes et en théologie à la Sorbonne, au Séminaire des Carmes et à l’Institut Catholique de Paris, rappelle aujourd’hui la Conférence épiscopale française dans un communiqué de Mgr Bernard Podvin.

Après avoir été vicaire de la paroisse Sainte-Claire à Paris de 1962 à 1964, Mgr Guy Gaucher a été aumônier d’étudiants de la Sorbonne, au Centre Richelieu, jusqu’en 1967, date à laquelle il entra au Noviciat des Pères Carmes à Bodigné. Il fit profession religieuse le 1er octobre 1972, jour de la fête de sainte Thérèse de Lisieux.

Il vécut dans une fraternité carmélitaine en HLM et fut vendeur en librairie à Orléans de 1968 à 1985. Il a été professeur de spiritualité au Séminaire d’Orléans de 1980 à 1984 et chargé de cours à l’Institut Catholique de Paris, tout en étant maître des étudiants Carmes de 1985 à 1986.

Mgr Guy Gaucher fut nommé évêque de Meaux par Jean-Paul II en 1986 et l’année suivante, évêque auxiliaire de Bayeux-Lisieux, particulièrement chargé de promouvoir l’apostolat lié au rayonnement de sainte Thérèse de Lisieux dans le monde. Devenu évêque émérite le 1er juillet 2005, il se retira à la Résidence du Quinsan à Venasque.

D’abord spécialiste de Bernanos, Mgr Guy Gaucher a consacré son œuvre à la figure et aux écrits de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Parmi ses nombreux travaux éditoriaux, il a notamment participé à la Nouvelle Édition du Centenaire des Œuvres de sainte Thérèse.

Il a travaillé inlassablement au service du « doctorat » de l’Eglise attribué par Jean-Paul II à Thérèse de Lisieux en 1997, faisant d’elle la troisième femme « docteur de l’Eglise » après Thérèse d’Avila et Catherine de Sienne (1970), et avant Hildegarde de Bingen (2012).

Les obsèques de Mgr Guy Gaucher seront présidées par Mgr Jean-Claude Boulanger, évêque de Bayeux et Lisieux, jeudi 10 juillet 2014 à 15h en la basilique de Lisieux.

( 5 juillet 2014) © Innovative Media Inc
Du P. Louis Menvielle, sur le site Zenit.org
Mgr Guy Gaucher est « entré dans la vie », comme disait sainte Thérèse pour elle-même. C’était hier, le 3 juillet. Il avait 84 ans.

Né en 1930, il a été ordonné prêtre pour le diocèse de Paris en 1963 et a collaboré à l’aumônerie des étudiants aux côtés de Jean-Marie Lustiger, son grand ami jusqu’au bout. En 1967, il est entré au noviciat des Carmes. A l’université, l’étudiant Gaucher s’était penché sur Georges Bernanos et le « tout est grâce » final du journal d’un curé de campagne l’avait conduit jusqu’à son véritable auteur, Thérèse de l’Enfant-Jésus : une grande amitié est née. Le jeune carme est allé un jour au parloir des carmélites de Lisieux et a dit son regret aux Sœurs qu’on ne faisait pas grand-chose pour elle. Les moniales n’attendaient que cela et l’ont réclamé au provincial.

C’est ainsi que Guy Gaucher est devenu l’un des collaborateurs les plus éminents de l’édition critique des œuvres de Thérèse et duTotum qui en est résulté (Cerf/Desclée De Brouwer, 1992). Nombreux sont les livres et les articles qu’il a publiés. Son petit Histoire d’une vie : Thérèse Martin (Cerf, 1982) a connu une diffusion impressionnante en… 21 langues. Le dernier ouvrage en date, en quelque sorte le couronnement de son œuvre et de son amitié thérésienne, est la grande biographie parue au Cerf en août 2010 : Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897).

Mgr Gaucher restera dans l’histoire pour une autre raison, toujours thérésienne, d’une immense portée ecclésiale. Ordonné évêque de Meaux en 1986, il dut renoncer à cette mission pour des problèmes de santé et devint évêque auxiliaire de Bayeux et Lisieux avec deux missions : collaborer à la cause de béatification d’un thérésien, le fondateur de Notre-Dame de Vie (il en publiera une biographie en 2007 : La Vie du Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus – Henri Grialou – 1894-1967), et surtout s’atteler au dossier qui permettrait au Pape de proclamer Thérèse docteur de l’Eglise.

Thérèse avait besoin d’un évêque, docteur de la foi, pour que l’Eglise puisse affirmer au monde que sa « Voie est sûre ». Le 19 octobre 1997, Jean-Paul II consacrait cette mission à laquelle Mgr Gaucher s’était donné de toute son âme, fort de son expérience de carme, de prédicateur, d’écrivain : Thérèse de Lisieux a un enseignement universel, une « Petite Voie » toute nouvelle, qui jaillit en fait du cœur de l’Evangile. Pour la comprendre toujours plus, Jean de la Croix et le Père Marie-Eugène lui ont donné des clés décisives qui lui ont fait commencer son Jean et Thérèse (Cerf, 1996) en citant ces simples mots : « ‘la plus illustre des filles de saint Jean de la Croix…’ – P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (Je veux voir Dieu, p. 698) ».

Mgr Gaucher, c’est aussi la vie du sanctuaire de Lisieux qu’il a servi et animé pendant près de quinze ans auprès des Recteurs successifs et de l’équipe du Pèlerinage. En combien de pays il a suivi le reliquaire de Thérèse, témoin à la fois habitué et émerveillé des foules qui accueillaient la petite Sainte et son message de miséricorde.

Mgr Gaucher, c’est encore ce cœur bon, ouvert, qui allait à la rencontre de tous avec une simplicité et une humilité conquérantes. Chacun devenait son ami, du plus grand au plus petit, du plus célèbre au plus ignoré, du plus équilibré au plus « pommé », tout ce monde des petits, assoiffés de la tendresse de Dieu.

Mgr Gaucher, c’est enfin ce grand mystère d’une épreuve de santé portée comme une lourde croix de quasi chaque jour, comme s’il lui avait fallu expérimenter ce qu’avait connu Thérèse.

Il sera inhumé jeudi prochain, 10 juillet, à Lisieux, bien sûr, selon son désir.

Lui aussi continuera à faire du bien au ciel, comme il en a toujours fait sur la terre, avec humour et joie.