Quelle fin de semaine étonnante. Nous nageons en ce moment dans des eaux troubles, mais aussi dans l’émergence de la vérité … Après les affaires de pédophilie en cours, il y a maintenant le sujet des abus sexuels d’évêques et de prêtres sur des religieuses qui s’invite dans les médias.
Interrogé, au cours de sa conférence de presse dans l’avion qui le ramenait d’Abu Dhabi à Rome, sur les abus sexuels dont sont victimes les religieuses, le pape François s’est dit déterminé, mardi 5 février, à « aller de l’avant » sur cette question récemment mise en avant par le supplément féminin de L’Osservatore romano, après une enquête de La Croix.

« Dans l’Église, il y a des prêtres, mais aussi des évêques » qui se sont rendus coupables d’abus sexuels sur des religieuses, a reconnu le pape, soulignant que cela était « plus fort dans certaines civilisations que dans d’autres ». « Cela fait longtemps que nous travaillons sur ce dossier », a-t-il expliqué, annonçant que « plusieurs prêtres ont été renvoyés en raison de cela ».
« Nous avons aussi dissout des congrégations religieuses féminines très liées à cette corruption », a-t-il ajouté, rendant hommage à Benoît XVI qui « a eu le courage de dissoudre une congrégation féminine où sévissait cet esclavage des femmes, allant jusqu’à l’esclavage sexuel de la part des prêtres et du fondateur ».
Le pape a précisé à la journaliste d’Associated press, qui lui posait la question, qu’il s’agissait d’anciennes sœurs contemplatives de la communauté Saint-Jean qui avaient par la suite reconstitué une congrégation en Espagne.
« Parfois le fondateur s’empare de la liberté des religieuses, vide cette liberté et alors ce genre de choses peut se produire », s’est inquiété le pape. « Je ne peux pas dire qu’il ne se passe rien de tel chez moi, car c’est oui, c’est vrai, cela arrive », a-t-il admis, reconnaissant qu’« on doit faire quelque chose de plus » mais qu’il en avait « la volonté ».

Pour ceux qui sont au fait de la situation, rien de nouveau, ces choses sont connues. Mais c’est sans compter sur les personnes qui veulent demeurer dans le déni. Cette fois-ci, c’est Aline Lizotte, de Solesmes (72), qui monte au créneau ce vendredi pour défendre la Congrégation Saint Jean : promis, juré, il n’y a jamais été question d’abus sexuels à Saint Jean… On trouvera son texte ici : Une attaque maladroite contre la Communauté Saint Jean. On appréciera les encadrés… Entre nous, je reste éberlué qu’Aline Lizotte, qui a reçu des milliers de personnes lors de nombreuses sessions et aussi en accueils individuels, puisse laisser penser qu’elle est ignorante à ce point sur cet aspect.

Mais patatras ! Voici que la revue Golias publie dans sa dernière livraison, datée de jeudi, un texte de Michèle-France Pesneau, intitulé « Weinstein en soutane » qui témoigne comment elle a subi les abus sexuels des frères Philippe, Marie-Dominique et Thomas… Elle a tenu à témoigner sous son nom personnel. Vous trouverez ce texte sous ce lien; pour les personnes qui penseraient qu’il s’agit de fabulations, il s’agit de l’exacte vérité actée dans le cadre d’une enquête canonique.

On est en présence d’une collision fortuite, providentielle dirons certains. Entre les propos du pape, et la publication du témoignage de M.-F. Pesneau, il n’y a pas pu y avoir de concertation. C’est une synchronicité providentielle. Son témoignage renforce les propos du Pape et dément le déni d’Aline Lizotte.
Le Seigneur est en train de purifier son Église, et manifestement il se sert des puissances médiatiques. Si nous étions tentés de continuer à vouloir rester dans le déni, il nous met les preuves sous le nez. Le pape François nous a avertis dans sa lettre au peuple de Dieu du 20 août 2018 : abus de pouvoir, abus de conscience, abus sexuels… Peut-être ne l’avons-nous pas lue ? Il est encore temps de le faire.
La reconnaissance des tourments des victimes, le respect et le soutien que nous leur devons, est vraiment la ligne de partage qui nous amène à nous situer les uns et les autres. Aujourd’hui, me semble-t-il, le Seigneur pousse son Église à entendre son cri : j’étais emprisonné dans ton silence, et tu ne m’as pas libéré ! (Mt 25). Eh bien, c’est le moment de le faire; il attend que nous le fassions.

Profondément touché par ce que j’avais découvert à travers des enquêtes, j’avais dit à mon Évêque il y a quelques années : il y aura la crise de la pédophilie, puis la crise des dérives sectaires des communautés nouvelles dans l’Église… On va y arriver peu à peu.
C’est heureux, car pour évangéliser ce monde, il nous faut être dans la vérité. Et donc dans l’humilité.
DA, 9 février 2019.
Dans une lettre commune datée aussi du 7 février, les responsables des trois branches de la Communauté - frères, sœurs contemplatives et sœurs apostoliques - précisent que la communauté dissoute par Benoît XVI en janvier 2013 est l’Institut des sœurs de Saint Jean et Saint Dominique, opposées aux décisions de l’Église et qui avaient quitté la communauté des sœurs contemplatives l’année précédente. Accès à cette lettre ici et à l'écho dans Vatican News. La Congrégation Saint Jean devient enfin plus réaliste...