J’encourage les lecteurs de ce blog à aller le visionner le film de François Ozon. Ayant un moment de liberté, je suis allé le voir dès le jour de sa sortie.
C’est une belle reconstitution de la saga de l’Association La Parole Libérée, une façon merveilleuse de rendre hommage à ces victimes qui se sont levées et ont dû s’affronter à l’inertie et au silence de l’Église. Tout est juste dans ce film, où ne transpire aucune acrimonie contre l’Église.
Devant la révélation de cet épouvantable gâchis, je pensais à la Miséricorde divine qui ne pouvait que nous resaisir. « Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde » (Rm 11, 32) : les victimes d’abus, les prêtres abuseurs, les évêques silencieux…
D. A.
GRÂCE À DIEU, UN GRAND FILM
Ce qui n’aurait pu rester qu’un drame de province vient, par la grâce de l’art, d’être transmué en chef-d’œuvre. La sordide histoire lyonnaiso-lyonnaise des victimes de Bernard Preynat et de sa honteuse couverture, qui soulève le cœur à la lecture d’un seul témoignage d’abus, est désormais une œuvre d’art grâce à François Ozon. Imaginez Stendhal racontant l’affaire. Vous y êtes.
Ce film est d’essence religieuse. Il commence avec l’oraison du Saint-Sacrement et se termine par la vision de la Vierge Marie à Fourvière. Même et surtout si, au milieu, il y a l’épisode de la grosse bite volante, c’est la vie racontée dans son ampleur : ça devient du Claudel. Le cinéaste a nécessairement une âme contemplative pour procéder ainsi.
Voilà ce que vous salopez, en partant du Corps du Christ et en terminant avec celui de la Vierge Marie, dit l’auteur à tous les prédateurs et ceux qui les protègent. C’est un triptyque d’Eglise digne des primitifs flamands.
L’histoire des trois victimes s’enchaîne autour du fil conducteur du cardinal de Lyon, dont le rôle est sublimé par la classe naturelle de François Marthouret. Tout y est raconté au petit point. On y voit même la radinerie lyonnaise avec le billet de 10 euros dans une enveloppe. Le grand art n’est pas de tout dire.
Tout est suggéré finement, en particulier pour les épisodes d’abus. Les trois acteurs qui rendent vivants et vrais Alexandre, François et Emmanuel vous saisissent en vous nouant la gorge et en vous mouillant les yeux. Bernard Verley réussit la prouesse de donner à voir Preynat.
A la fin, le beau visage de Melvil Poupaud exprime l’émotion violente de la question sur Dieu. Ce salopage en règle est capable d’ébranler jusqu’à la beauté de la foi dans une âme. D’où l’importance de l’allusion finale à Marie.
A la fin du film, toute la salle est restée assise un long moment avant de commencer à bouger pour sortir. Et pendant ce temps-là, une prière sourdait en moi à la vierge de Fourvière : ô Mère des âmes détruites, Mère des âmes tombées, donnez-nous le courage de la liberté de parole pour la vérité et la justice pour que plus jamais ça n’arrive.
Père Pierre Vignon, Saint-Martin-en-Vercors, le 21 février 2019